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dimanche 23 novembre 2014

HOLIDAY - Vacances



Réalisation : George Cukor
Société de production : Columbia Pictures
Genre : Screwball comedy
Durée : 95 min
Date de sortie : 15 juin 1938 (USA)
Casting :
Katharine Hepburn : Linda Seton
Cary Grant : Johnny Case
Doris Nolan : Julia Seton
Lew Ayres : Ned Seton
Henry Kolker : Edward Seton
Edward Everett Horton : Professeur Nick Potter
Jean Dixon : Susan Potter




L’HISTOIRE

Après avoir rencontré lors de vacances à la montagne la riche Julia Seton, Johnny Case, jeune homme brillant issu d’un milieu modeste, est présenté à sa famille. Si son désir d’évasion et son manque d’ambition se heurtent au scepticisme du père, un banquier fortuné, ils rencontrent un fort écho auprès du frère alcoolique, Ned, et de la sœur cadette, l’excentrique Linda.


L’AVIS DE GENERAL YEN

Attention, coup de cœur ! Naviguant entre deux eaux, Holiday allie à la pureté comique des grandes screwball comedies les ingrédients d’une subtile romance, le tout donnant un film enthousiasmant. Bâti sur une réflexion autour du conformisme et de la liberté de choix des individus dans un monde où le succès professionnel passe avant l’épanouissement personnel, Holiday bénéficie d’une solide trame narrative, sur laquelle vient se superposer un humour finement ciselé.

Johnny et Julia se sont rencontrés avant même la scène d’ouverture, pendant leurs vacances, et donc, comme hors du temps. Le temps du film correspond à leur retour sur terre : le conte de fées est terminé, ils doivent maintenant apprendre à se connaître dans le monde « réel », celui où l’effet égalisateur des vacances au ski s’estompe et où leur altérité leur apparait au grand jour.

Holiday réunit deux des plus grands acteurs du Golden Age : Cary Grant et Katharine Hepburn. Plus que dans Bringing Up Baby et The Phildelphia Story, pourtant plus célèbres, ils dégagent une réelle alchimie en campant deux personnages que leur originalité rend tout à la fois touchants et attachants.

"Retire young, work old, come back and work when I know what I'm working for, does that make any sense ?"

Valeur sûre de la screwball comedy, Cary Grant répète une nouvelle fois un rôle à succès, dans la veine du Jerry Warriner de The Awful Truth, et qui porte le message du film. La force de Cary Grant est de distiller son comique de geste non seulement dans les scènes les plus propices au rire (des scènes de joie, ou la découverte d’un lieu surprenant par exemple), mais également dans des situations sérieuses (disputes, tristesse de son interlocutrice), ce qui crée un contraste cocasse particulièrement jouissif.


Katharine Hepburn, star fétiche du réalisateur George Cukor (Little Women, The Philadelphia Story, Adam's Rib), fait de son interprétation de Linda Seton un des sommets de sa longue carrière. Si Alice Adams est mon rôle préféré de l’actrice, sa prestation dans Holiday est la plus impressionnante et la plus aboutie.

Personnage haut en couleur, Linda est une jeune femme en conflit avec sa famille, sans pourtant la renier : elle adore sa sœur, mais supporte mal la froide ambition de son père. Se définissant comme le « mouton noir » de la famille, elle rêve d’évasion en se retranchant dans son « refuge », une pièce aménagée par une mère trop tôt disparue. Ce havre de paix est un petit foyer d’humanité au cœur d’une demeure au luxe démesuré (magnificence et gigantisme) et inutile (l’usage de l’ascenseur pour monter au premier étage). Chambre « cosy » fournie en livres et en fauteuils moelleux, réchauffée par un feu brûlant dans l’âtre de pierres, le refuge est à l’image de l’âme et des désirs de Linda.















"I never could decide whether I wanted to be Joan of Arc, Florence Nightingale, or John L. Lewis."

"Looks like me ?"
Ce que j’aime dans ce rôle, c’est la façon qu’à Kate Hepburn d’exprimer l’émotion toute dramatique de Linda sans gâcher un immense potentiel comique, ce qui fait son charme. De sa voix un peu nasillarde, quoiqu’elle n’atteigne pas l’effet produit par la « voix de canard » de Jean Arthur (Mr. Smith Goes to Washington), elle lance au spectateur toute sa fragilité, son mal-être, son désir d’altérité. Et malgré une certaine grandiloquence qui trahit la comédienne qui a foulé les planches de Broadway, sa performance laisse une trace indélébile, qui bénéficie au film tout entier.

Autour de ces deux stars, on trouve de très solides rôles secondaires qui enrichissent le film. Si Doris Nolan, qui joue Julia Seton, est un peu écrasée par le charisme des premiers cités, je décerne une mention spéciale à Lew Ayres, dont le rôle du frère victime des exigences paternelles est plus profond qu’il n’y parait (ses répliques sont parmi les plus fines), et surtout à Edward Everett Horton et Jean Dixon, qui forment le couple d’amis de Johnny, Mr. et Mrs. Potter. Totalement déjantés, ils incarnent ironiquement le bon sens et la raison, qu’ils dispensent à grands coups d’efforts comiques, comme lors de leur petit spectacle de marionnettes…




Conclusion

Holiday est le film de Katharine Hepburn que je cherchais tant. On a beau la présenter comme la plus grande actrice d’Hollywood, ses (bons) films n’arrivaient pas jusqu’alors à me transcender, malgré de superbes performances (Alice, tu n’y es pour rien). J’ai beaucoup apprécié Stage Door (avec Ginger Rogers) et Woman of the Year (avec Spencer Tracy), mais il me manquait le petit frisson supplémentaire, que m’apporte Holiday.

NOTE : 9/10





dimanche 12 octobre 2014

HIS GIRL FRIDAY - La dame du vendredi




Réalisation : Howard Hawks
Société de production : Columbia Pictures
Genre : Screwball comedy
Durée : 92 min
Date de sortie : 11 janvier 1940 (USA)
Casting :
Cary Grant : Walter Burns
Rosalind Russell : Hildegard “Hildy” Johnson
Ralph Bellamy : Bruce Baldwin
Gene Lockhart : Shérif Peter B. Hartwell
John Qualen : Earl Williams


L’HISTOIRE

Lorsque Hildy Johnson, sa meilleure journaliste et ex-épouse, décide de démissionner et de se remarier, Walter Burns, le rédacteur en chef sans scrupules du Morning Post, met tout en œuvre pour l’en dissuader.


L’AVIS DE GENERAL YEN

Déjà mentionné à plusieurs reprises dans ce blog, His Girl Friday est le second « Grand Schisme » entre moi-même et mon compère Fu Manchu après The Lady Eve. S’il n’a pas accroché au film, je considère pour ma part cette screwball comedy comme un modèle du genre.

Plus que toute autre screwball, His Girl Friday possède le pouvoir de faire rire par sa marque de fabrique, des dialogues savoureux au rythme fou. Le réalisateur Howard Hawks voulant retranscrire dans le cinéma parlant la vivacité comique du muet, le débit de parole est extrêmement rapide : les acteurs se répondent du tac au tac dans un tourbillon de répliques acerbes et malicieuses, donnant au film un comique de mots d’une efficacité inégalable.




His Girl Friday a pour lui de réunir deux des meilleurs comédiens du cinéma classique américain : Cary Grant et Rosalind Russell.

Rosalind Russell joue Hildy Johnson, le personnage éponyme du film. La « Girl Friday », c’est elle : l’expression désigne en anglais l’assistant doué et utile du protagoniste, d’après « Man Friday », alias Vendredi, le compagnon de Robinson Crusoë. Hildy est la meilleure journaliste du Morning Post, elle a fait les quatre cents coups avec Walter Burns et lui est indispensable. Mais plus qu’une assistante, Russell campe une femme forte, qui a choisi de changer de vie en épousant un homme doux et humble, à l’opposé de son ex-mari.

“I wouldn't cover the burning of Rome for you if they were just lighting it up!”

C’est donc une femme désirée de tous côtés que l’on voit évoluer à l’écran, et qui tente de résister à sa « pulsion journalistique » face aux menées du personnage de Cary Grant. « Roz » Russell est irrésistible dans ce rôle par ses mines comiques et son ton caustique. Une révélation.

Incarnation la plus réussie du journaliste sans scrupules, Walter Burns, interprété par Cary Grant, est un mélange de roublardise et de pugnacité. C’est un homme sûr de lui, prêt à tout pour arriver à ses fins tant dans sa vie professionnelle que personnelle, les deux se confondant dans le personnage de Russell. Grant, roi de la screwball, réussit l’exploit de rendre attachant et drôle un personnage cynique et manipulateur.

“Walter, you're wonderful, in a loathsome sort of way.”

Le film entier est une satire du journalisme, un monde où toutes les énergies sont dirigées vers l’obtention du Graal suprême : le scoop ; un univers sans foi ni loi où la fin justifie toujours les moyens. C’est pourquoi His Girl Friday flirte souvent avec l’humour noir, un outil de dénonciation puissant.

“A journalist? Hell, what does that mean? Peeking through keyholes?”

L’absurde et le burlesque se côtoient sans cesse scène après scène, tandis que l’on part à la chasse aux informations avec nos deux héros, avides de recueillir le témoignage d’un condamné à mort. La force de ce film est de ne pas se prendre au sérieux : l’odieux est tourné en ridicule, ce qui permet à la fois le rire et la critique. Que dire ainsi de cette meute de reporters se jetant sur leurs téléphones, invectivant leurs interlocuteurs à travers le combiné et enjolivant une même nouvelle chacun à sa manière !

Conclusion

Brillant par ses dialogues et son rythme innovant, solide sur le fond car parodique et critique, His Girl Friday est une screwball comme je les aime, alliant toutes les formes de comiques possibles, ce qui fait sa force. Certes, la satire est noire et osée, mais le film fait mouche. Indéniablement, il sort du lot.


NOTE : 8,5/10



vendredi 3 octobre 2014

NOTHING SACRED – La joyeuse suicidée


Réalisation : William A. Wellman
Scénario : Charles MacArthur, Ben Hecht, Ring Lardner Jr.
Société de production : Selznick International Pictures
Genre : Screwball comedy
Durée : 77 minutes
Date de sortie : 25 novembre 1937 (USA)
Casting :
Carole Lombard : Hazel Flagg
Fredric March : Wallace 'Wally' Cook
Charles Winninger : Dr. Enoch Downer
Walter Connolly : Oliver Stone


L’HISTOIRE

Wally Cook, un journaliste ambitieux, décide de revenir dans les bonnes grâces de son patron en couvrant l’histoire d’Hazel Flagg, une jeune femme de province diagnostiquée d’un empoisonnement mortel au radium, et d’en faire une héroïne nationale.


L’AVIS DE FU MANCHU

Après The Awful Truth, je continue sur ma lancée dans mes articles sur les screwball comedies, puisque je vais aborder aujourd’hui Nothing Sacred (La joyeuse suicidée, en VF), avec en vedettes Fredric March et, pour moi, la plus grande actrice comique des années 30, j’ai nommé Carole Lombard… Si elle reste peut-être plus connue pour son rôle dans My Man Godfrey avec William Powell, je l’ai préférée dans Nothing Sacred. Il faut dire que le technicolor aide à la mettre en valeur, et j’ai beaucoup aimé son duo avec Fredric March, déjà vu dans The Best Years of our Lives, et ici beaucoup plus jeune… et sans moustache !



Le film est très court – à peine 1h17 ! -, ce qui, grâce à un scénario bien maîtrisé, ne pose absolument aucun problème : les actions s’enchaînent très bien, sans temps mort, et sans que l’on ressente un manque dans l’intrigue. Celle-ci est d’ailleurs assez simple : un journaliste, Wally (Fredric March), vient d’être puni par son chef (joué par Walter Connolly) pour avoir monté toute une histoire qui s’est révélée être une supercherie. Relégué au bureau des nécrologies (c’est déjà assez fin comme trouvaille, puisque le voilà, en quelque sorte, « enterré »…), il est prêt à tout pour se racheter : recherchant une histoire sensationnelle, il convainc son patron de le laisser écrire sur Hazel Flagg (Carole Lombard), une jeune femme d’une petite ville perdue des Etats-Unis, qui, disent les journaux, vient d’être diagnostiquée d’un empoisonnement au radium, et est donc condamnée à mourir dans les prochains mois… Wally part donc chercher Hazel afin de la ramener à New York et d’en faire la coqueluche de la ville. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’Hazel est en fait en parfaite santé…

Avec un scénario pareil, il est assez facile de deviner que bon nombre de situations comiques vont s’offrir à nous : Hazel est enchantée de découvrir New York, contraste fort avec les regards tristes et émus que lui jettent les gens, qui la prennent pour une héroïne au courage exceptionnel… Les scènes et les répliques cultes abondent dans ce film, distillées presque comme si de rien n’était (« -You've lived here all your life ? / -Twice that long ! »), et même une phrase prononcée avec la plus parfaite innocence peut receler bien des sous-entendus, voire un regard critique sur notre société :


« You mean they’ll like me just because I’m dying ? »

Si le film est une vraie réussite, c’est enfin, d’abord et avant tout dû à la prestation de Carole Lombard, qui joue à merveille les jeunes femmes « fraîches et innocentes », mais un petit peu manipulatrices quand même… Je ne vois d’ailleurs pas d’actrice aussi belle (oui, il faut bien le dire…) qui soit en même temps capable de faire des mimiques aussi comiques – en fait elle arrive à être drôle tout en ayant la classe, et ça c’est quand même fort ! Son personnage, qui aurait pu être énervant joué par une autre actrice, est très charmant et attachant, et son alchimie avec Fredric March est frappante : ok, qui n’aurait pas d’alchimie avec Carole Lombard, mais cet acteur est excellent, et ce n’est pas la première fois… Dans un film au registre très comique, son personnage est un peu le « sérieux » de la bande (normal, puisqu’il pense que la femme dont il est en train de tomber amoureux va mourir), mais c’est sa manière de faire tout avec la plus grande concentration qui est très drôle,  qui nous le rend sympathique.



CONCLUSION

Nothing Sacred a donc été une vraie révélation pour moi puisque, non content de le classer parmi mes comédies préférées, il m’a permis de véritablement découvrir tout le talent de Carole Lombard (que j’avais déjà vue dans My Man Godfrey). Je savais qu’elle était très populaire parmi les cinéphiles, et qu’elle était considérée par beaucoup comme la « reine » de la screwball comedy : je dois dire que c’est après avoir vu Nothing Sacred que j’ai compris pourquoi…


NOTE : 9/10



lundi 29 septembre 2014

THE AWFUL TRUTH – Cette sacrée vérité


Réalisation : Leo McCarey
Scénario : Vina Delmar et Sidney Buchman d'après une pièce d'Arthur Richman
Société de production : Columbia Pictures
Genre : Comédie
Durée : 91 minutes
Date de sortie : 21 octobre 1937 (USA)
Casting :
Cary Grant : Jerry Warriner
Irene Dunne : Lucy Warriner
Ralph Bellamy : Dan Leeson
Alexander D'Arcy : Armand Duvalle
Cecil Cunningham : Tante Patsy


L’HISTOIRE

Un couple marié, las des mensonges de l’un et de l’autre, décide de divorcer. Mais alors qu’ils s’affichent avec de nouveaux partenaires, chacun va essayer d’empêcher par tous les moyens la romance de l’autre d’aboutir…


L’AVIS DE FU MANCHU

Ah, The Awful Truth…  Je range ce film parmi mes comédies préférées des années 30, et il m’a tellement marqué que rien que de penser à certaines scènes me donne encore envie de (sou)rire, alors que je suis en train d’écrire cet article. Car oui, The Awful Truth est vraiment l’une des meilleures screwball comedies de l’âge d’or d’Hollywood, porté par un très bon scénario et un excellent duo d’acteurs.



Le scénario est pourtant assez typique et caractéristique des comédies de remariage de l’époque : un couple, ne supportant plus les mensonges de l’autre, décide de divorcer, mais chacun devient bientôt jaloux des tentatives de son partenaire de refaire sa vie avec quelqu’un d’autre, et va tout faire pour contrecarrer ses plans. Je ne suis pas toujours « fan » de ce genre d’histoire (His Girl Friday, par exemple, avec Rosalind Russel et Cary Grant, déjà, auquel je n’ai pas du tout accroché, et que j’ai peut-être trouvé trop cynique)… Mais ici tout fonctionne parfaitement : on s’attache à ces deux personnes très facilement, d’autant plus que l’on devine assez vite qu’ils sont beaucoup plus liés l’un à l’autre qu’ils ne le pensent eux-mêmes.

L’alchimie entre Cary Grant et Irene Dunne est palpable et leur duo fonctionne très bien (ils ont d’ailleurs tourné deux autres films ensemble, la comédie My Favorite Wife et l’excellent mélodrame Penny Serenade). Si je n’accroche pas toujours aux personnages de comédie de Cary Grant (cf. His Girl Friday), il est ici impeccable et, oui, vraiment drôle… Il faut dire que la combinaison est parfaite entre des répliques qui font mouche et un comique de situation qui m’a rarement fait autant rire. Irene Dunne est, quant à elle, parfaite… Alors oui, me direz-vous, je la trouve de toute façon excellente dans chacun de ses films, mais c’est ici sa meilleure comédie, elle qui avait tant de cordes à son arc (elle est ainsi très touchante dans des mélodrames comme Back Street ou Penny Serenade, et, chanteuse de formation, elle a souvent une petite partie chantée dans ses films… ce qui est le cas, comme par hasard, dans The Awful Truth).

Enfin, mention spéciale à la révélation du film : j’ai nommé le chien, le bien nommé « Mr. Smith » dans l’intrigue, qui est responsable à lui tout seul de bon nombre des comiques de situation du film. Il a d’ailleurs une certaine importance dans le scénario même, puisque c’est en voulant l’acheter que les personnages de Cary Grant et d’Irene Dunne se sont rencontrés pour la première fois, et chacun se dispute sa garde au moment du divorce… Les animaux ont décidément une bonne place dans ce film, puisque moi, c’est une certaine scène avec un chat qui m’a le plus marqué (oui oui, à la toute fin du film…). Petit symbole intéressant, on remarquera que le chien est un élément unificateur pour le couple, alors que le chat est, disons, moins de cet avis…


CONCLUSION

The Awful Truth est donc l’une de mes comédies « classiques » favorites au même rang, notamment, que Ball of Fire avec Barbara Stanwyck ou Nothing Sacred avec Carole Lombard (dont je vais certainement parler très prochainement…). Probablement la plus hilarante de toutes - j’ai en mémoire un enchainement de scènes au milieu du film qui m’a plié en quatre -, avec un très bon Cary Grant et une excellente Irene Dunne, dont je vante les mérites avec acharnement devant un Général Yen insensible. Mais ceci est une autre histoire…



NOTE : 9/10


vendredi 12 septembre 2014

LIBELED LADY – Une fine mouche


Réalisation : Jack Conway
Société de production : Metro-Goldwyn-Mayer
Genre : Screwball comedy
Durée : 98 min
Date de sortie : 9 octobre 1936 (USA)
Casting :
Jean Harlow : Gladys Benton
William Powell : Bill Chandler
Myrna Loy : Connie Allenbury
Spencer Tracy : Warren Haggerty
Walter Connolly : James B. Allenbury






L’HISTOIRE

La riche Connie Allenbury est faussement accusée d’avoir brisé un mariage par un journal, et le poursuit en justice pour diffamation. Effrayé par le montant des réparations que devrait payer le journal, le rédacteur en chef Warren Haggerty fait appel en désespoir de cause à un collaborateur qu’il avait licencié, le talentueux mais imprévisible Bill Chandler. Il le charge de séduire et de compromettre la farouche héritière, avec le concours de sa propre fiancée, Gladys…


L’AVIS DE GENERAL YEN

Même si j’aime beaucoup le genre, je suis généralement assez difficile avec les screwball comedies. La plupart sont très drôles et agréables à voir, sans pour autant me faire sauter au plafond. Mais, parfois, par son originalité ou le talent de ses acteurs, une arrive à se détacher. Il en est ainsi de Ball of Fire et The Lady Eve, dont le principal atout est Barbara Stanwyck. Et, après une longue quête de la perle rare, j’ai le plaisir de rajouter à ce cercle fermé une trouvaille que j’ai été pêcher, une fois n’est pas coutume, au milieu des années 30 : Libeled Lady, « Une fine mouche » pour le public gaulois.

Libeled Lady, c’est d’abord la réunion de quatre immenses stars des années 30 : William Powell, Myrna Loy, Jean Harlow et Spencer Tracy. Les deux premiers cités ont même formé l’un des plus grands couples on-screen du cinéma, apparaissant conjointement dans pas moins de quatorze films (!), et parmi les plus célèbres The Thin Man et ses cinq suites. 

Chacun des acteurs est au diapason et apporte sa pièce à l’édifice comique que bâtit le film. Spencer Tracy est cynique à souhait dans son incarnation d’un personnage-type de la screwball, le journaliste sans scrupules (dans ce rôle, Cary Grant dans His Girl Friday – « La Dame du Vendredi » – reste à mes yeux la référence). William Powell joue ce qu’il fait le mieux, à savoir le dandy excentrique. Tout chez lui respire la comédie : il amplifie ses gestes de manière absurde et comique, tout en restant un parfait gentleman. Le décalage entre ridicule et filouterie d’une part, classe et délicatesse d'autre part, est le principal vecteur du rire powellien, que l’on retrouve dans The Thin Man par exemple. Les deux actrices jouent des partitions qui se complètent adéquatement. Si Jean Harlow joue avec brio une fiancée délaissée qui se bat pour reconquérir son bien-aimé avec un naturel décapant qu’on ne peut trouver que touchant, Myrna Loy campe une jeune dame distinguée et hautaine, dont les charmes et qualités sont dévoilés au fur et à mesure de l’avancement de l’histoire.

L’intrigue est habilement construite sur deux trames motrices : la relation entre le journaliste Haggerty et sa fiancée Gladys, et celle entre le facétieux Chandler et l’inaccessible Connie. Habilement, car ces trames se chevauchent, au rythme des rebondissements introduits par un scénario très travaillé. C’est ainsi que par exemple, Bill Chandler et Gladys sont amenés à se rapprocher pour mener à bien le plan de Haggerty.  

Le film regorge de scènes comiques à souhait, ma préférence allant clairement à la prestation du duo Myrna Loy / William Powell dont l’alchimie fait des merveilles : lui accentue la drôlerie de son personnage de manière quasi-caricaturale, comme s’il jouait une pièce de la commedia dell’arte, tandis qu’elle semble se gausser de ses efforts d’un œil rieur, lui lançant de temps à autre une réplique imparable de son ton caustique inimitable. Et que dire de cette fameuse partie de pêche où Powell révèle l’étendue de sa capacité à faire rire par le moindre de ses gestes et déplacements…


Conclusion

En plus de me faire découvrir un duo d’acteurs dont je suis devenu un des plus grands fans, Libeled Lady m’a tout simplement proposé le type d’humour que je cherchais, alternant dans les règles de l’art répliques fines et subtiles et situations burlesques dignes d’une jolie farce, ce qui en fait très certainement ma comédie classique favorite. Du moins jusqu’à la prochaine perle comique, qui je l’espère ne tardera pas à se présenter…


NOTE : 9,5/10




lundi 4 août 2014

THE LADY EVE – Un cœur pris au piège




Réalisation : Preston Sturges
Scénario : Preston Sturges
Société de production : Paramount Pictures
Genre : Screwball comedy
Durée : 94 min
Date de sortie : 25 février 1941 (USA)
Casting :
Barbara Stanwyck : Jean Harrington / Lady Eve Sidwich
Henry Fonda : Charles Pike, alias Hopsie
Charles Coburn : "Colonel" Harrington
Eugene Pallette : Horace Pike
William Demarest : Ambrose Murgatroyd, alias Muggsy
Eric Blore : Sir Alfred McGlennan Keith
Melville Cooper : Gerald




L’HISTOIRE

Sur un navire de retour d’Amérique du Sud, Jean Harrington, une aventurière, jette son dévolu sur le riche et naïf Charles Pike, fils d’un roi de la bière. Mais alors qu’elle et son père prévoyaient de le dépouiller, c’est le coup de foudre et le début d’une idylle, qui vole en éclats lorsque Charles apprend que les Harrington sont des escrocs notoires. Le cœur brisé, Jean revient vers lui sous le pseudonyme de Lady Eve Sidwich, l’esprit revanchard…


L’AVIS DU GENERAL YEN

Voilà un film qui ne laisse pas indifférent, et l’écriture de cet article m’a donné des maux de tête tellement The Lady Eve s'est révélé complexe à décortiquer.

Ce film est une « screwball comedy », genre qui, comme le très honorable Fu Manchu l’a expliqué pour Vivacious Lady, fait la part belle aux situations loufoques et se rapproche par moments de la farce. Une screwball est basée sur le non-sens : l’intrigue et/ou les personnages sortent des repères connus et surprennent le spectateur par leur décalage avec la réalité, ce qui déclenche en principe le rire. Tout, du scénario au jeu des acteurs, doit être en symbiose pour que le spectateur entre dans le « délire » du film et accepte la règle du jeu proposée.

Concernant The Lady Eve et après des discussions animées, Fu Manchu et moi-même sommes tombés d'accord sur... notre désaccord. Eh bien oui, j'ai pour ma part totalement adhéré au non-sens du film, rendu absolument jouissif par une intrigue un peu folle et des personnages hauts en couleur.



Les deux visages de Barbara Stanwyck 

Le pari du film est gagnant, et ce d'abord grâce à un scénario original et intelligent : j’adore cette idée de dédoubler le personnage principal (Jean Harrington / Lady Eve), ce qui non seulement divise le film en deux parties bien distinctes, mais permet surtout à Barbara Stanwyck de jouer deux femmes aux profils diamétralement opposés.

La première partie du film met en scène Jean Harrington, une aventurière qui escroque les hommes fortunés, et qui forme avec son père, le « colonel » Harrington et leur domestique Gerald, un trio a priori peu recommandable. Dans la seconde partie, en revanche, Jean se métamorphose en aristocrate britannique et présente une apparence bien respectable sous les traits de la très distinguée Lady Eve Sidwich. Dans les deux cas, son but est de séduire Charles pour se jouer de lui. Mais alors que Jean Harrington, une femme de mauvaise réputation, est fondamentalement une bonne personne, Lady Eve, qui est au contraire une femme de bonne réputation, est une mauvaise personne.

C’est là tout l’intérêt du scénario du film, qui utilise ces deux personnages opposés dans un but précis : pasticher les rapports homme/femme, et en particulier la relation de confiance entre les deux sexes. Charles n’ayant pas eu confiance en Jean, celle-ci, se sentant trahie, se déguise en Lady Eve pour abuser de la confiance du pauvre homme et lui rendre en quelque sorte la pareille. 


Henry Fonda chute deux fois

L’inversion des profils des deux personnages répond donc au parallélisme des deux parties du film, qui se déroulent sur un schéma semblable : la chute de l’Homme à cause de la Femme. Et c’est là que je crie au génie : au lieu de se cantonner à la traditionnelle « guerre des sexes », le réalisateur Preston Sturges a ajouté une couche à son film qui lui permet de sortir des sentiers battus : il en a fait une parodie du mythe d’Adam et Eve.

Annoncée dès le générique (une séquence animée dans laquelle un serpent se dandine entre les lettres du titre), elle est omniprésente et souvent un support du rire. Charles Pike est ainsi un amateur de serpents, alors que Jean en éprouve une sainte horreur. Tel Adam, Charles chute beaucoup dans le film : non seulement métaphoriquement (il perd ses illusions), mais aussi… littéralement ! Sturges s’amuse comme un gosse en combinant premier et second degré : à un élément comique loufoque répond une étude plus fine des caractères. C’est ce qui fait de The Lady Eve un film assez peu évident à cerner du premier abord, ce qui est son principal défaut. J’ai dû le voir deux fois pour réaliser cette critique (toujours un plaisir cela dit). Il fait d’ailleurs partie de ces films que l’on apprécie davantage à mesure qu’on les voit, car un élément qui nous avait échappé la première fois va nous sauter aux yeux la seconde.

Côté distribution, Barbara Stanwyck domine le film, et c’est une habitude chez elle. Elle excelle à incarner l’aventurière Jean, séductrice au grand cœur, et se révèle délicieusement impitoyable sous les traits de Lady Eve, dont la classe n’a d’égale que le cynisme. Son imitation de l’accent anglais, drôle car caricaturale, amplifie le potentiel comique de ses répliques pleines de sous-entendus. Henry Fonda pâtit de la réserve et de la candeur de son personnage. Plus effacé que sa partenaire, il campe le personnage le plus difficile à jouer et à apprécier, car d’une naïveté extrême. Il s’en sort grâce à une grande constance dans l’interprétation de son personnage (ce qui rend son attitude cohérente), et à une capacité étonnante à se rendre adorable chaque fois qu’il pose le regard sur Barbara (ce qui le rend drôle). Mentions spéciales à Charles Coburn en père peu scrupuleux et à William Demarest en « ange-gardien » de Fonda : le premier a une véritable alchimie avec Stanwyck, et le second est indéniablement comique dans ses tentatives pour démasquer Lady Eve. 


Conclusion

Oui, The Lady Eve n’est pas parfait. Il est peu évident d’en cerner toutes les qualités, plus nombreuses qu’il n’y parait au premier coup d’œil, et c’est bien dommage : un film est fait pour être compris par le public auquel il est destiné. Sans cela, comment peut-il pleinement l’apprécier ? Mais The Lady Eve est si riche, si évocateur et drôle – quoiqu’il ne soit pas la screwball la plus hilarante – qu’il a été immédiatement un coup de cœur. C’est aussi par ce film que j’ai découvert la géniale Barbara Stanwyck : oui, décidément, The Lady Eve a bien une place à part.


NOTE : 9/10