jeudi 28 décembre 2017

MEILLEURE ACTRICE 1931


Le Général Yen passe en revue les meilleures actrices de 1931, une année qui voit les derniers feux d'une star d'une ère passée, les premières étincelles de celle d'une ère à venir, ainsi que le panache éblouissant d'une comète fugace.


La favorite du Général 

MAE CLARKE pour Waterloo Bridge

Si la version de 1940 de Waterloo Bridge reste plus connue (cf. cet article comparé sur les deux films), il n'en demeure pas moins que la meilleure performance d'actrice se niche dans cette petite perle de 1931. Celle-ci, malgré quelques défauts, a le grand mérite de révéler les talents de la trop méconnue Mae Clarke, qui par ce seul film mérite sa place au panthéon des actrices classiques. Car comment ne pas aimer la personnalité à l'écran de celle qui, pour l'anecdote, fut l'une des plus proches amies d'une jeune Barbara Stanwyck ? Elle s'avère ainsi parfaitement crédible dans la peau de Myra, le personnage-type de la "prostituée au grand cœur", qu'elle rend attachante au travers de l'expression terriblement humaine de ses doutes et dilemmes, provoqués par sa rencontre avec le naïf soldat Roy (Douglass Montgomery). Bien qu'elle soit aidée par le manque d'envergure de ce dernier, qui lui laisse tout loisir pour déployer son jeu, mais aussi par son amour innocent, qui met Myra sur un piédestal, l'actrice livre sans conteste une prestation éblouissante de justesse, par laquelle elle s'efforce d'émouvoir tout en sobriété. 


Le tableau d'honneur

Elles l'ont courtisé, il ne les a pas élues. Mais le Général est magnanime, voyez plutôt :

GLORIA SWANSON pour Tonight or Never Reine du muet, Gloria Swanson aurait pu aussi être celle du parlant, comme elle le prouve ici. Non seulement sa voix est agréable et convient à son personnage de cantatrice à la recherche d'une inspiration salvatrice, qu'elle pense trouver dans l'amour ; mais surtout, son jeu est excellent dans tous les registres, du comique au pathétique, qu'elle alterne allègrement avec la plus grande facilité, ce qui lui donne la possibilité de séduire le spectateur à chacune de ses scènes.

BARBARA STANWYCK pour The Miracle Woman Bien que ce film n'échappe pas à des défauts typiques de son réalisateur, Frank Capra (naïveté, penchant moralisateur, dénouement improbable...), il permet à Barbara de briller d'une aura mystique que l'on pourra qualifier de mythique, tant son charisme est grand et rend crédible la subjugation de la population. Le contraste est finement joué entre le personnage public - quasi-divin, inaccessible et énigmatique - et la femme qui se cache derrière - humaine, sensible et curieuse d'un monde extérieur dont elle se retrouve privée. L'héroïne n'en est que plus attachante, malgré la supercherie dont elle est partie prenante.

JOAN BLONDELL pour Blonde Crazy Avec ce personnage de femme de chambre sexy et impertinente, Joan Blondell balaye tout sur son passage dans ce film emblématique de l'ère Pré-Code, entre scènes osées et remarques salaces. Elle est particulièrement convaincante dans son interprétation subtile d'une jeune femme complexe, qui joue tantôt la carte de la séduction et de la manipulation, tantôt celle de la sagesse et de la prudence. Point fort du film, son alchimie avec l'inénarrable James Cagney fait des étincelles.

NORMA SHEARER pour A Free Soul En campant à nouveau un personnage de femme libre-penseuse issue de la bonne société, Norma Shearer évolue dans un registre où elle excelle. Mêlant un charisme extraverti très théâtral à un comique sophistiqué, elle fait mouche une fois de plus et impose sa personnalité moderne face à la virilité de Lionel Barrymore (le père) et Clark Gable (le prétendant) ainsi que le tempérament chevaleresque de Leslie Howard (le fiancé).


La revue terminée, le Général prend une pause bien méritée. Son célèbre thé recèle comme toujours bien des mystères...

Le Thé du Général

- Harmonieux : Claudette Colbert (The Smiling Lieutenant), qui joue une bien jolie partition, nuancée et d'un comique subtil.
- Sucré : Miriam Hopkins (The Smiling Lieutenant), qui fait des merveilles par son impertinence comique, dans un rôle sinon trop secondaire pour figurer plus haut.
- Fruité : Marian Marsh (Five Star Final, Svengali et Under Eighteen), dont 1931 est l'année de la révélation, avec trois performances tout à fait séduisantes : retenez son explosivité éloquente lors du climax de Five Star Final, son innocence et son charme qui en font la proie parfaite dans Svengali, et surtout, son premier rôle en tant que leading lady dans Under Eighteen, où le contraste créé entre la détermination de son caractère et la candeur de son apparence fait des étincelles.
- Fleuri : Miriam Hopkins (Dr. Jekyll and Mr. Hyde), qui nous offre le meilleur second rôle de l'année, une performance lumineuse et tragique, le tout saupoudré de la fameuse touche hopkinsienne.
- Puissant : Jean Harlow (Platinum Blonde), dont le personnage m'est antipathique, mais qui s'acquitte fort bien de son rôle de jeune bourgeoise sans concession, sans oublier la sensualité de son alchimie avec Robert Williams.
- Classique : Loretta Young (Platinum Blonde), qui tout en restant au second plan s'avère absolument adorable ; qui plus est, l'actrice excelle dans la palette des émotions contenues, sur le thème de la déception amoureuse.
- Corsé : Barbara Stanwyck (Night Nurse), dont le rôle est moins flamboyant que dans The Miracle Woman, ce qui ne l'empêche pas de séduire avec sa niaque typique de sa période Pré-Code.
- Aromatisé : Joan Blondell (Night Nurse), qui campe dans son plus pur style une infirmière sexy et pleine de ressources ; son association avec Stanwyck relevait de l'évidence, elle tient toutes ses promesses.
- Surprenant : Marlene Dietrich (Dishonored), qui ne s'en sort pas mal, son charisme aidant, mais est desservi par le scénario.
- Léger : Norma Shearer (Private Lives), qui est elle aussi trahie par un scénario déroutant, bien que sa performance comique vaille largement le détour.
- Nature : Sylvia Sidney (City Streets), qui livre une performance parfaitement honorable, même s'il me manque un zeste de crédibilité pour mieux l'apprécier.