lundi 29 septembre 2014

THE AWFUL TRUTH – Cette sacrée vérité


Réalisation : Leo McCarey
Scénario : Vina Delmar et Sidney Buchman d'après une pièce d'Arthur Richman
Société de production : Columbia Pictures
Genre : Comédie
Durée : 91 minutes
Date de sortie : 21 octobre 1937 (USA)
Casting :
Cary Grant : Jerry Warriner
Irene Dunne : Lucy Warriner
Ralph Bellamy : Dan Leeson
Alexander D'Arcy : Armand Duvalle
Cecil Cunningham : Tante Patsy


L’HISTOIRE

Un couple marié, las des mensonges de l’un et de l’autre, décide de divorcer. Mais alors qu’ils s’affichent avec de nouveaux partenaires, chacun va essayer d’empêcher par tous les moyens la romance de l’autre d’aboutir…


L’AVIS DE FU MANCHU

Ah, The Awful Truth…  Je range ce film parmi mes comédies préférées des années 30, et il m’a tellement marqué que rien que de penser à certaines scènes me donne encore envie de (sou)rire, alors que je suis en train d’écrire cet article. Car oui, The Awful Truth est vraiment l’une des meilleures screwball comedies de l’âge d’or d’Hollywood, porté par un très bon scénario et un excellent duo d’acteurs.



Le scénario est pourtant assez typique et caractéristique des comédies de remariage de l’époque : un couple, ne supportant plus les mensonges de l’autre, décide de divorcer, mais chacun devient bientôt jaloux des tentatives de son partenaire de refaire sa vie avec quelqu’un d’autre, et va tout faire pour contrecarrer ses plans. Je ne suis pas toujours « fan » de ce genre d’histoire (His Girl Friday, par exemple, avec Rosalind Russel et Cary Grant, déjà, auquel je n’ai pas du tout accroché, et que j’ai peut-être trouvé trop cynique)… Mais ici tout fonctionne parfaitement : on s’attache à ces deux personnes très facilement, d’autant plus que l’on devine assez vite qu’ils sont beaucoup plus liés l’un à l’autre qu’ils ne le pensent eux-mêmes.

L’alchimie entre Cary Grant et Irene Dunne est palpable et leur duo fonctionne très bien (ils ont d’ailleurs tourné deux autres films ensemble, la comédie My Favorite Wife et l’excellent mélodrame Penny Serenade). Si je n’accroche pas toujours aux personnages de comédie de Cary Grant (cf. His Girl Friday), il est ici impeccable et, oui, vraiment drôle… Il faut dire que la combinaison est parfaite entre des répliques qui font mouche et un comique de situation qui m’a rarement fait autant rire. Irene Dunne est, quant à elle, parfaite… Alors oui, me direz-vous, je la trouve de toute façon excellente dans chacun de ses films, mais c’est ici sa meilleure comédie, elle qui avait tant de cordes à son arc (elle est ainsi très touchante dans des mélodrames comme Back Street ou Penny Serenade, et, chanteuse de formation, elle a souvent une petite partie chantée dans ses films… ce qui est le cas, comme par hasard, dans The Awful Truth).

Enfin, mention spéciale à la révélation du film : j’ai nommé le chien, le bien nommé « Mr. Smith » dans l’intrigue, qui est responsable à lui tout seul de bon nombre des comiques de situation du film. Il a d’ailleurs une certaine importance dans le scénario même, puisque c’est en voulant l’acheter que les personnages de Cary Grant et d’Irene Dunne se sont rencontrés pour la première fois, et chacun se dispute sa garde au moment du divorce… Les animaux ont décidément une bonne place dans ce film, puisque moi, c’est une certaine scène avec un chat qui m’a le plus marqué (oui oui, à la toute fin du film…). Petit symbole intéressant, on remarquera que le chien est un élément unificateur pour le couple, alors que le chat est, disons, moins de cet avis…


CONCLUSION

The Awful Truth est donc l’une de mes comédies « classiques » favorites au même rang, notamment, que Ball of Fire avec Barbara Stanwyck ou Nothing Sacred avec Carole Lombard (dont je vais certainement parler très prochainement…). Probablement la plus hilarante de toutes - j’ai en mémoire un enchainement de scènes au milieu du film qui m’a plié en quatre -, avec un très bon Cary Grant et une excellente Irene Dunne, dont je vante les mérites avec acharnement devant un Général Yen insensible. Mais ceci est une autre histoire…



NOTE : 9/10


dimanche 14 septembre 2014

PLATINUM BLONDE – La blonde platine


Réalisation : Frank Capra
Scénario : Jo Swerling d'après une histoire de Harry Chandlee et Douglas W. Churchill
Producteurs : Frank Capra et Harry Cohn
Société de production : Columbia Pictures
Genre : Comédie
Durée : 89 minutes
Date de sortie : 31 octobre 1931 (USA)
Casting :
Robert Williams : Stew Smith
Jean Harlow : Ann Schuyler
Loretta Young : Gallagher
Halliwell Hobbes : Smythe, le domestique
Edmund Breese : Conroy, l’éditeur
Reginald Owen : Dexter Grayson
Louise Closser Hale : Mme Schuyler
Donald Dillaway : Michael Schuyler


L’HISTOIRE

Le reporter Stew Smith enquête sur la rupture de fiançailles du riche playboy Michael Schuyler, et tombe amoureux de sa sœur Ann, qu’il épouse au grand dam de la famille de celle-ci et de son amie de longue date, sa collègue journaliste Gallagher. Mais, alors qu’Ann espère le transformer en un parfait gentleman, Stew n’aspire qu’à continuer à vivre comme avant…


L’AVIS DE FU MANCHU

Si, avant de voir ce film, je savais que l’intrigue allait me plaire, je ne pensais pas que La Blonde Platine allait me séduire autant – sans jeu de mots… Pourtant, je m’imaginais avoir fait le tour de Capra, ayant déjà visionné une bonne brochette de ses films, souvent pour le meilleur (Mr. Smith Goes to Washington, It’s a Wonderful Life…) ou pour du moins bon (It Happened One Night, désolé Frank mais je n’ai pas accroché… j’ai du mal avec Claudette Colbert, il est vrai). Frank Capra, en plus, c’est généralement beaucoup de bons sentiments et une petite dose de morale avec une fin que l’on voit venir de très loin : c’est bien fait et ça marche à chaque fois, mais ça peut lasser même un amateur comme moi.
Or ici, pas de grandiloquence capraienne à l’horizon, mais a priori une bonne comédie romantique légère et sans prétention, figurant des acteurs que j’avais envie de découvrir depuis un moment – ayant déjà vu Jean Harlow dans Libeled Lady - ; un bon film, donc, mais pas de quoi faire un article sur le blog… Et pourtant, Platinum Blonde m’a totalement conquis sur pas mal d’aspects que je vais maintenant aborder en détail.


L’histoire en elle-même apporte une bonne base et est suffisamment solide pour maintenir l’intérêt durant tout le film, tout en étant assez facilement prévisible. Ce qui est intéressant dans le traitement du film, ce sont les détails et la manière d’arriver à cette fin : car si le triangle amoureux est classique et rapidement discernable, la relation entre les personnages de Jean Harlow et de Robert Williams est bien étudiée, et évite de nombreux pièges scénaristiques en étant finalement assez « réaliste ». Les problèmes posés par cette histoire d’amour sont tout à fait crédibles, et on se prend à se demander si Stew Smith va s’adapter à sa nouvelle vie de château… Ce thème du « Cinderella Man », dans lequel Cendrillon est l’homme qui épouse la riche héritière, est d’ailleurs très bien abordé, et il est amusant de noter que, si l’histoire fait rêver les petites filles, les grands garçons sont plutôt enclins à prendre la comparaison comme une insulte - surtout dans les années 30 où c’était à l’homme de subvenir, seul, aux besoins de sa famille.

Robert Williams, dans le rôle principal de Stew Smith, est vraiment excellent : charismatique, il fait montre d’un sens de la répartie qui semble tellement naturel qu’il en est désarmant, et il joue à merveille de cet humour subtil et plein d’ironie qu’il distille dans ses répliques. Il est en tout cas et à mon sens totalement crédible dans ce rôle de journaliste « commun », intelligent et sympathique, qui tombe amoureux d’une belle dame de la haute société, et doit faire face à ces différences de statut social qui vont porter atteinte à sa fierté masculine. Acteur très prometteur à l’époque, Williams serait probablement devenu une star majeure d’Hollywood s’il n’était pas décédé brutalement juste après la sortie du film – destin tragique qu’il partage d’ailleurs avec Jean Harlow, qui a cependant eu le temps d’accéder à la gloire…

Jean Harlow, dans l’un des films qui l’ont rendue iconique, trouve dans le personnage d’Ann Schuyler un rôle à contre-emploi : quoi, Jean Harlow, la blonde platine, joue une « dame de la haute » ?! On peut être sceptique au départ, et à raison. Pourtant, bien que Jean soit plus crédible en femme « fatale » et quelque peu vulgaire, cela marche ici. Bien que je ne la trouve honnêtement pas spécialement belle, elle est souvent attachante, et il est clair qu’elle sait se montrer très séduisante dans ses face-à-face romantiques avec Robert Williams. Et parce qu’il y a une tension très sexuelle entre ces deux-là, l’alchimie prend finalement forme...

Dernier personnage et pas des moindres, puisqu’elle est créditée en haut de l’affiche – un peu étonnamment à mon avis -, Loretta Young est « Gallagher », la collègue journaliste secrètement amoureuse de Stew. Je la trouve un peu effacée par rapport à Jean Harlow, beaucoup plus flamboyante, qui en plus a le rôle-titre du film (« la blonde platine », c’est elle) face à la brune, discrète et dévouée Loretta. On est dans des clichés très hollywoodiens, je vous l’accorde, mais peu importe ici : Loretta Young est tellement adorable que l’on ne peut que s’attacher à son personnage, qui souffre en silence de l’attachement de Stew pour Ann, celui-ci ne voyant en Gallagher que son « compagnon » de longue date. Ce n’est peut-être pas très crédible (si vous avez une Loretta Young jolie comme un cœur comme plus proche confidente, vous préférez aller voir Jean Harlow, vous ?), mais après tout, pourquoi pas. Loretta est cependant très intéressante dans sa manière de rendre les émotions de son personnage, notamment quand elle apprend le mariage de Stew : émue aux larmes, elle le cache tant bien que mal, souriant à Robert Williams puis laissant son visage se décomposer dès qu’il a le dos tourné. Cela rend le personnage de Gallagher très touchant et sensible, à l’opposé de l’image de la journaliste conquérante des screwball comedies de l’époque, comme Rosalind Russell dans His Girl Friday, par exemple.

Ce film reste une comédie, très bien écrite et portée par le talent comique de Robert Williams et ses répliques tout en ironie, et par de nombreuses scènes très drôles. L’éloignement des aristocrates avec la réalité est d’ailleurs très bien rendu, et on sent la moquerie jubilatoire dans le comportement de Stew Smith quand il se moque des petites habitudes des maîtres et de leurs valets – notamment cette propension à saluer en se courbant, qui donne quelques comiques de situation très réussis… L’alchimie entre les personnages est aussi très présente, que ce soit entre Loretta Young et Robert Williams (qui font très « couple » pris sur le fait quand leur chef les découvre en train de faire des messes basses au début du film), ou entre Williams et Jean Harlow, qui ont un rapport à la fois sensuel et comique, en témoigne une belle scène de fou rire qui se communique même au spectateur.



Conclusion

Platinum Blonde est donc une comédie très réussie, très agréable à regarder et sublimée par un jeu d’acteurs excellent, notamment Robert Williams qui aurait mérité d’avoir une carrière beaucoup plus fournie. L’opposition brune/ blonde est classique mais marche très bien, principalement parce que les deux femmes sont attirantes et positives à leur propre manière. Jean Harlow ne joue pas une femme fatale, mais une vraie dame qui essaye de faire entrer l’homme qu’elle aime dans son monde, et Loretta Young incarne une beauté discrète mais incroyablement charmante… Si j’aime beaucoup Jean Harlow, qui a finalement un côté très touchant, c’est donc Loretta Young qui est ma révélation féminine dans ce film, et dont je vais m’efforcer de découvrir la filmographie plus en avant…


NOTE : 8,5/10




vendredi 12 septembre 2014

LIBELED LADY – Une fine mouche


Réalisation : Jack Conway
Société de production : Metro-Goldwyn-Mayer
Genre : Screwball comedy
Durée : 98 min
Date de sortie : 9 octobre 1936 (USA)
Casting :
Jean Harlow : Gladys Benton
William Powell : Bill Chandler
Myrna Loy : Connie Allenbury
Spencer Tracy : Warren Haggerty
Walter Connolly : James B. Allenbury






L’HISTOIRE

La riche Connie Allenbury est faussement accusée d’avoir brisé un mariage par un journal, et le poursuit en justice pour diffamation. Effrayé par le montant des réparations que devrait payer le journal, le rédacteur en chef Warren Haggerty fait appel en désespoir de cause à un collaborateur qu’il avait licencié, le talentueux mais imprévisible Bill Chandler. Il le charge de séduire et de compromettre la farouche héritière, avec le concours de sa propre fiancée, Gladys…


L’AVIS DE GENERAL YEN

Même si j’aime beaucoup le genre, je suis généralement assez difficile avec les screwball comedies. La plupart sont très drôles et agréables à voir, sans pour autant me faire sauter au plafond. Mais, parfois, par son originalité ou le talent de ses acteurs, une arrive à se détacher. Il en est ainsi de Ball of Fire et The Lady Eve, dont le principal atout est Barbara Stanwyck. Et, après une longue quête de la perle rare, j’ai le plaisir de rajouter à ce cercle fermé une trouvaille que j’ai été pêcher, une fois n’est pas coutume, au milieu des années 30 : Libeled Lady, « Une fine mouche » pour le public gaulois.

Libeled Lady, c’est d’abord la réunion de quatre immenses stars des années 30 : William Powell, Myrna Loy, Jean Harlow et Spencer Tracy. Les deux premiers cités ont même formé l’un des plus grands couples on-screen du cinéma, apparaissant conjointement dans pas moins de quatorze films (!), et parmi les plus célèbres The Thin Man et ses cinq suites. 

Chacun des acteurs est au diapason et apporte sa pièce à l’édifice comique que bâtit le film. Spencer Tracy est cynique à souhait dans son incarnation d’un personnage-type de la screwball, le journaliste sans scrupules (dans ce rôle, Cary Grant dans His Girl Friday – « La Dame du Vendredi » – reste à mes yeux la référence). William Powell joue ce qu’il fait le mieux, à savoir le dandy excentrique. Tout chez lui respire la comédie : il amplifie ses gestes de manière absurde et comique, tout en restant un parfait gentleman. Le décalage entre ridicule et filouterie d’une part, classe et délicatesse d'autre part, est le principal vecteur du rire powellien, que l’on retrouve dans The Thin Man par exemple. Les deux actrices jouent des partitions qui se complètent adéquatement. Si Jean Harlow joue avec brio une fiancée délaissée qui se bat pour reconquérir son bien-aimé avec un naturel décapant qu’on ne peut trouver que touchant, Myrna Loy campe une jeune dame distinguée et hautaine, dont les charmes et qualités sont dévoilés au fur et à mesure de l’avancement de l’histoire.

L’intrigue est habilement construite sur deux trames motrices : la relation entre le journaliste Haggerty et sa fiancée Gladys, et celle entre le facétieux Chandler et l’inaccessible Connie. Habilement, car ces trames se chevauchent, au rythme des rebondissements introduits par un scénario très travaillé. C’est ainsi que par exemple, Bill Chandler et Gladys sont amenés à se rapprocher pour mener à bien le plan de Haggerty.  

Le film regorge de scènes comiques à souhait, ma préférence allant clairement à la prestation du duo Myrna Loy / William Powell dont l’alchimie fait des merveilles : lui accentue la drôlerie de son personnage de manière quasi-caricaturale, comme s’il jouait une pièce de la commedia dell’arte, tandis qu’elle semble se gausser de ses efforts d’un œil rieur, lui lançant de temps à autre une réplique imparable de son ton caustique inimitable. Et que dire de cette fameuse partie de pêche où Powell révèle l’étendue de sa capacité à faire rire par le moindre de ses gestes et déplacements…


Conclusion

En plus de me faire découvrir un duo d’acteurs dont je suis devenu un des plus grands fans, Libeled Lady m’a tout simplement proposé le type d’humour que je cherchais, alternant dans les règles de l’art répliques fines et subtiles et situations burlesques dignes d’une jolie farce, ce qui en fait très certainement ma comédie classique favorite. Du moins jusqu’à la prochaine perle comique, qui je l’espère ne tardera pas à se présenter…


NOTE : 9,5/10




jeudi 4 septembre 2014

IN A LONELY PLACE – Le Violent


Réalisation : Nicholas Ray
Société de production : Columbia Pictures
Genre : Film noir
Musique : George Antheil
Durée : 94 min
Date de sortie : 17 mai 1950 (USA)
Casting :
Humphrey Bogart : Dixon Steele
Gloria Grahame : Laurel Gray
Frank Lovejoy : Brub Nicolai
Martha Stewart : Mildred Atkinson
Jeff Donnell : Sylvia Nicolai



L’HISTOIRE

Dixon Steele, un scénariste de films alcoolique et caractériel, est suspecté du meurtre d’une jeune femme qu’il avait reçue chez lui. Sa voisine, Laurel Gray, témoigne en sa faveur avant de tomber sous son charme. Mais alors qu’ils mènent un début de vie de couple, elle découvre peu à peu le tempérament violent et excessif de Steele, et commence à douter de son innocence…


L’AVIS DE GENERAL YEN

In A Lonely Place, « Le Violent » en VF (les traductions françaises sont souvent déplorables, mais ici on touche le fond avec ce titre digne d’un film de série B) appartient à mon genre de prédilection : le film noir, que j’ai déjà abordé dans mes articles sur Double Indemnity et les plus grandes femmes fatales. Point de femme fatale dans ce film pourtant, bien que Gloria Grahame ait joué ce rôle de façon convaincante dans The Big Heat, par exemple. Car In A Lonely Place déroge aux codes du genre, et c’est ce qui en fait tout son intérêt.



Humphrey Bogart est Dixon Steele, un personnage fondamentalement ambigu et à la personnalité complexe. « Aux » personnalités  devrais-je dire, car c’est en quelque sorte un Dr Jekyll / Mr Hyde, tantôt sympathique et attachant, tantôt imprévisible et dangereux lorsqu'il a bu.  Steele est un homme tourmenté, un scénariste en panne d’inspiration qui noie ses soucis dans l’alcool. Mais c’est aussi un homme avec des idéaux, un certain sens de la justice : il n’hésite pas à défendre l’honneur insulté d’un vieil acteur déchu.

Laurel Gray, interprétée par Gloria Grahame, est séduite par cet homme blessé, peu ordinaire. En « bonne samaritaine », elle couve l’espoir de le « guérir » de ses afflictions en lui prodiguant son amour et en lui inspirant sa joie de vivre. Et ça marche au début : en panne d’inspiration avant de la rencontrer, il se remet à écrire. Et surtout, il se surprend à aimer à nouveau et à se faire aimer.

Mais Laurel se surestime et découvre peu à peu la face sombre de Dixon qui, imprévisible par ses accès soudains de colère et ses flambées de violence, l’effraie de plus en plus. Pis, elle en vient à douter du fondement même de leur liaison : elle lui avait témoigné une confiance aveugle en lui fournissant un alibi quant à l’affaire du meurtre de Mildred Atkinson. Et si, finalement, il avait trouvé le moyen de tuer cette femme, malgré tout ? Aux yeux de Laurel, Dixon commence à revêtir les habits du meurtrier. Et le spectateur de s’interroger avec elle...

"I was born when she kissed me. I died when she left me. I lived a few weeks while she loved me."

Alors résumons. Un personnage séduisant, mais mystérieux, inquiétant, et qui entraine sa « proie » dans sa chute, ça ne vous rappelle rien ? Eh oui, en lieu et place d’une femme fatale, In A Lonely Place nous propose un « homme fatal » en la personne de Dixon Steele. Cette inversion des codes du film noir rend le film singulier et passionnant.

En termes de mise en scène, le réalisateur Nicholas Ray joue intelligemment. Il n’est pas facile de rendre cohérent un film qui montre d’une scène à l’autre un personnage sympathique puis repoussant. Ici, la cohésion est assurée par des indices disséminés dans les scènes où Steele évolue dans un terrain apaisé. Je relève un symbole fort : la grille en métal ouvragé à l’intérieur de la maison de Dixon, qui évoque les barreaux d’une prison. Dixon est comme un lion en cage, qui sort chasser de temps à autre avant de regagner sa tanière.


Concernant les acteurs, de toutes les prestations de Humphrey Bogart, c’est probablement celle que je préfère. Et pourtant il y a de  la concurrence, étant moi-même un fan absolu du couple Bacall / Bogart. Il est excellent et très crédible dans ce rôle d’homme imparfait, viril mais manquant d’estime de soi. Ça nous change du Bogart macho sûr de lui. Une scène en particulier est saisissante, quand il imagine le meurtre devant un couple d’amis, qu’il invite à mimer la scène. La lumière qui éclaire son regard rend son expression féroce. Un loup prêt à mordre se dresse soudain sous nos yeux…

Gloria Grahame joue également son meilleur rôle selon moi avec cette Laurel sublime tant dans sa tendresse émouvante envers ce vieux lion blessé que dans son effroi grandissant.

Conclusion

In A Lonely Place (vous ne me ferez jamais dire « Le Violent ») brille par son traitement original des codes du film noir, l’alchimie de son duo d’acteurs (c’est la première fois que je vois Bogart en communion avec une autre actrice que Lauren) et un scénario aux petits oignons qui nous tient en haleine jusqu’au bout : l’affiche du film nous promet une fin pleine de suspense, il n’y a pas tromperie sur la marchandise !


NOTE : 9/10