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dimanche 25 novembre 2018

PANIQUE


Pays : France
Réalisation : Julien Duvivier
Genre : Drame / Film noir
Date de sortie : Septembre 1946 (Mostra de Venise)
Scénario : Julien Duvivier et Charles Spaak d'après le roman de Georges Simenon, Les Fiançailles de monsieur Hire (1933)
Photographie : Nicolas Hayer
Dialogues : Charles Spaak
Musique : Jean Wiener
Durée : 100 min
Casting :                
Michel Simon : Monsieur Hire
Viviane Romance : Alice
Paul Bernard : Alfred
Charles Dorat : Michelet


L’HISTOIRE

Dans un faubourg de Paris, une femme est retrouvée assassinée. Les gens du quartier soupçonnent Monsieur Hire, un homme asocial qu’ils n’apprécient guère. Pendant ce temps, celui-ci est séduit par les charmes d’Alice, tout juste sortie de prison pour un crime qu’elle n’a pas commis. Car Alice est prête à tout pour aider l’homme qu’elle aime, Alfred...



L’AVIS DU GÉNÉRAL YEN

Vous me donnez ce type de scénario et me citez la période – la fin des années 40 – et vous pouvez être certains de taper dans le mille. Avec Panique, de Julien Duvivier, on combine la France, le pays du réalisme poétique d’avant-guerre, et le film noir « à l’américaine », dont les plus belles heures ont cours à cette même époque.

Vous devez commencer à me connaître, les films que je préfère sont ceux que j’appelle « films à ambiance », et il n’est question que d’ambiance dans ces films noirs, eux qui semblent bâtis uniquement pour développer chez le spectateur ce fameux « frisson » propre au genre. Et Panique ne fait pas exception à la règle : décor de quartier populaire typique, terrain vague, dialogues la nuit tombée, visages à moitié dans l’obscurité… Qui a dit que le sombre n’était pas beau ? L’atmosphère de ce film, c’est aussi le choix de situer l’intrigue dans un environnement de fête foraine, avec ses jeux et ses rires pendant que le drame se noue, et sa musique qui résonne en sourdine et donne une film sa tonalité si particulière.

La construction de l'oeuvre en fait sa richesse, et celle-ci se trouve, comme souvent, dans les détails. Duvivier n’a pas négligé de tracer d'ingénieux parallèles : une même chanson d’amour placée à deux séquences bien différentes du film, comme pour souligner l’ironie du destin d’un couple ; une scène dans le jardin d’une église alors que le même couple discute de son avenir ; un avenir par ailleurs dramatisé chez une diseuse de bonne aventureuse, celle-ci trouvant un écho dans le personnage de Monsieur Hire traçant l’horoscope d’Alice…

La puissance du film réside bien-sûr dans la portée morale de sa dramaturgie, qui illustre les conséquences de la rumeur gratuite et des actions d’une foule qui souhaite se faire justice elle-même, les plus forts en gueule excitant l’orgueil des plus faibles, jusqu’à ce que l’effet de groupe joue son terrible rôle de catalyseur. Si Duvivier voulait montrer la face laide de l’âme humaine, il ne pouvait pas mieux s’y prendre, d’autant qu’il le fait grâce à une œuvre magnifique de beauté.

Côté acteurs, Michel Simon est l’interprète parfait de Monsieur Hire, avec ses airs bourrus et sa grosse barbe, des abords mystérieux et inquiétants que le personnage cultive en « espionnant » sa jolie voisine à sa fenêtre. Mais l’acteur assure avec aisance la transition, afin de briser la glace et de dévoiler l’intimité d’un homme misanthrope mais doux et, dans une certaine mesure, attachant.


Si Paul Bernard, en la personne d’Alfred, n’est pas sans talent pour dépeindre les ambiguïtés d’un homme plus ténébreux qu’il n’y parait – à l’inverse de M. Hire –, c’est bien Viviane Romance qui, au sein du couple d’acteurs, tire la couverture à elle. Il s’agit du deuxième film, et certainement pas le dernier, que je vois de cette actrice, qui est douée pour jouer la femme fatale. Sa voix mielleuse possède un teint « sucré » qui m’avait déjà bien plu dans L’Affaire du collier de la reine (1946), dans lequel elle est une comtesse manipulatrice au charme irrésistible. Ici, son rôle est capital en ce qu’elle figure le pendant opposé de la foule des quidams du quartier : contrairement à eux, elle est empathique ; eux sont passifs, lâches et suiveurs quand elle prend des risques et tente de donner un sens à ses actions. L’actrice est surtout brillante dans les moments de tension, de confrontation, que ce soit avec Monsieur Hire ou son amant, ainsi que dans le finale, car le personnage d’Alice, qui agit par amour, est le plus humain de tous, avec ses forces et ses faiblesses.

NOTE : 9/10.

samedi 20 mai 2017

ODD MAN OUT – Huit heures de sursis


Réalisation : Carol Reed
Genre : Film noir
Date de sortie : 30 janvier 1947 (Royaume-Uni)
Scénario : R.C. Sherriff, d’après le roman de F.L. Green
Photographie : Robert Krasker
Musique : William Alwyn
Durée : 116 min
Casting :                
James Mason : Johnny McQueen
Kathleen Ryan : Kathleen Sullivan
Robert Newton : Lukey
Cyril Cusack : Pat
F.J. McCormick : Shell
Denis O'Dea : l'inspecteur
W.G. Fay : le père Tom



L’HISTOIRE

Une ville d’Irlande du Nord, dans un contexte d’insurrection nationaliste. A la suite d’un braquage qui a mal tourné, Johnny McQueen, un nationaliste irlandais, est grièvement blessé et est traqué par la police britannique…



L’AVIS DU GENERAL YEN

Amis des ambiances de fin du jour, accourrez ! Accourrez, car il est question ici d’un fleuron du genre « noir », le premier chef d’œuvre du grand cinéaste britannique Carol Reed. Plus encore que The Third Man, qui est plus connu, Odd Man Out atteint un niveau de perfection cinématographique rare en créant une symphonie sombre et pourtant sublime, qui combine la maîtrise de l’art visuel « noir » et l’instauration méticuleuse d’un niveau de tension fiévreuse jusqu’au climax final.  

Voilà encore une jolie pierre à rajouter à l’édifice de l’année 1947, l’une des plus glorieuses du cinéma anglo-saxon, en tout cas si je me fie à mes propres goûts. Nous avons d’ailleurs déjà pu sur ce même blog louer les mérites de Nightmare Alley, l’apogée de Tyrone Power, Body and Soul, celui de John Garfield, Black Narcissus, la grande œuvre de Powell et Pressburger et The Ghost and Mrs. Muir, premier joyau de Mankiewicz.

Odd Man Out s’ancre dès le départ dans une réalité trouble, à la fois indéfinie dans son lieu – quelque ville nord-irlandaise – et pourtant parfaitement identifiable par son contexte – la lutte armée de l’IRA, ici non nommée. Dans cet univers, chose remarquable, on ne distingue pas « les bons » contre « les mauvais », mais ceux qui sont hostiles ou non au « héros », Johnny McQueen. En évacuant toute morale simpliste, le film se pose en témoin objectif d’un drame humain : la traque d’un fuyard isolé, vue de son point de vue, mais aussi de ses compagnons d’armes et de divers habitants, qui font face à un dilemme. Par conséquent, le film se rapproche des codes du thriller, jouant sur la peur, omniprésente mais encadrée par l’impression propre au film noir que le destin, implacable, est en marche.

Bien sûr, la réalisation est ici poussée au rang d’art. Les choix de plans et de décors concourent à créer un univers qui semble encercler le « héros », à mesure que la nuit tombe. Les scènes de fuite, de Johnny (boitant) ou de ses camarades (courant), sont les plus remarquables, ponctuées d’une musique splendide. Celle-ci envoûte le spectateur dès le générique, comme souvent le font les meilleurs des films noirs, de Double Indemnity à Sunset Boulevard.

Parmi les acteurs se détache inévitablement le « héros », James Mason, dont le phrasé et le regard conviennent parfaitement pour exprimer toute la mélancolie d’un homme qui tente de toutes ses forces d’échapper à un sort funeste. Autre personnage qui contient une forte essence tragique, la calme mais vigoureuse Kathleen, interprétée par Kathleen Ryan, se bat (ou devrais-je dire, se débat) en parallèle pour sauver celui qu’elle aime. Ses meilleurs moments sont sans conteste ceux dans lesquels elle « affronte » l’inspecteur de police, froid et pourtant bienveillant, fait étonnant (mais intelligent) puisqu’il représente pour le spectateur la principale menace pour Johnny. Le film présente également toute une galerie de personnages secondaires aux profils marquants, le plus intéressant, au vu du contexte politique, étant le prêtre, le père Tom. Celui-ci figure le refuge, à la fois au sens propre et au sens moral du terme. Son rôle de sage permet de mettre en valeur par contraste le désespoir de Kathleen.


NOTE : 9/10. Dans la filmographie de Reed, je place Odd Man Out devant ses autres pièces maîtresses que sont The Third Man et Fallen Idol. Il se dégage de ce film une humanité forte, comme s’il fallait placer les hommes dans des situations dramatiques pour en faire ressortir l’essentiel : leurs sentiments. La beauté des scènes nocturnes est telle qu’elle n’a peut-être jamais été égalée. Quant au regard trouble du personnage principal, il restera ancré pour longtemps dans le vôtre.

vendredi 30 janvier 2015

NIGHTMARE ALLEY - Le Charlatan


Titre original : Nightmare Alley
Titre français : Le Charlatan
Réalisation : Edmund Goulding
Société de production : 20th Century Fox
Genre : film noir
Durée : 111 minutes
Date de sortie : 28 octobre 1947 (USA)
Casting :
Tyrone Power : Stan Carlisle
Joan Blondell : Zeena
Coleen Gray : Molly
Helen Walker : Lilith Ritter
Taylor Holmes : Ezra Grindle
Mike Mazurki : Bruno
Ian Keith : Pete


L’HISTOIRE

L’ambitieux employé d’un cirque itinérant trace sa route vers la gloire et le succès à force de manipulations et d’escroqueries. Mais un revers de fortune, brutal et impitoyable, n’est jamais loin…


L’AVIS DE FU MANCHU

Film noir très réussi sorti en 1947, Nightmare Alley narre l’ascension sociale irrésistible d’un jeune forain, Stanton Carlisle dit « Stan », puis sa déchéance, aussi soudaine et brutale que sa montée vers les sommets avait été longuement planifiée.  



Stan Carlisle (Tyrone Power) est, au début du film, un ambitieux jeune homme, assistant de la voyante Zeena, qui, en d’autres temps, avait connu la gloire avec son partenaire et mari. Celui-ci, Pete, n’est plus que l’ombre de lui-même, alcoolique invétéré et acolyte peu fiable pour Zeena, réduite à se contenter de numéros bien éloignés de son potentiel et de ses standards passés.

Dès les premières scènes du film, les ambitions du jeune et charismatique Stan s’opposent au destin le plus vil qui puisse exister dans les fêtes foraines de l’époque, celui de « Geek » - le geek étant un phénomène de foire très populaire alors, un alcoolique réduit à l’état de bête humaine devant arracher les têtes de poulets en échange, pour maigre salaire, d’une place pour dormir… Le symbole donné au geek n’est pas anodin dans Nightmare Alley : 
le mot est tracé sur une pancarte visible au plein centre de l’écran dès les premières images, signe de son importance future, et Pete avoue à Stan que lui-même aurait pu finir ainsi, s’il n’avait pas été recueilli par Zeena. Sa vie d’alcoolique n’en est pourtant pas très éloignée… « Comment peut-on tomber aussi bas ? », se demande Stan, et c’est bien là toute la question à laquelle l’intrigue du film va répondre.


How can a guy get so low ? - He reached too high


La destinée de Stan, quant à elle, commence quand celle de Pete se termine : celui-ci victime de son penchant pour la boisson, Stan en profite pour prendre sa place auprès de Zeena, et sa carrière d’illusionniste est lancée. L’ascension de Stan sera jalonnée et déterminée par la présence de trois personnages féminins qui, tour à tour, l’accompagneront dans sa quête.



Stan, en tant que jeune forain, apparaît d’abord dans le film comme l’assistant de Zeena (Joan Blondell), qui tient un numéro de voyante extralucide. Ne pouvant pleinement compter sur son mari alcoolique, elle accepte volontiers l’aide de Stan, qui prend une place de plus en plus intrusive à ses côtés. Conquise, elle lui révélera le fameux code qui lui permettait de communiquer avec Pete sans que personne dans l’assistance ne s’en aperçoive.
Zeena, dans sa relation avec Stan, agit à la fois comme une mère et une amante. Protectrice, elle le prendra sous son aile et lui apprendra tout ce qu’elle sait. Si elle s’efforce de rester fidèle coûte que coûte à Pete, elle ne pourra ensuite résister bien longtemps aux avances de Stan, et l’on comprend qu’ils ont sans doute partagé bien plus que des secrets… Joan Blondell réussit ainsi à donner à son personnage, en dépit de son activité d’illusionniste, un caractère foncièrement positif, au charme maternel doublé d’une sensualité évidente.



Listen to me. I'm no good, I never pretended to be. But I love you.

La véritable relation romantique de Stan est à mettre au crédit de Molly (Coleen Gray), une jeune fille du cirque, comme lui, et avec laquelle il est très proche dès le début du film. Molly représente en quelque sorte l’épouse idéale, la femme « parfaite » - selon les critères de l’époque du moins -, douce, attentionnée et fidèle. Naïve, amoureuse, elle suivra Stan jusqu’au bout mais, mention très intéressante, provoquera sa perte en lui faisant défaut au moment crucial. Elle fait donc penser à une sorte d’Eve, fidèle compagne de son homme mais dont la Faute, irréparable, les condamnera à errer éternellement sans chance réelle de s’en sortir. Indice troublant, Molly nous apparait pour la première fois en costume deux-pièces, façon Tarzan et Jane – mais qui rappelle également la tenue d’Eve…
Cela mis à part, Molly est aussi la « bonne » personne, l’âme la plus pure de Nightmare Alley, et elle s’opposera avec véhémence aux ultimes projets de Stan qui, au-delà de la simple arnaque, évoluent vers le spiritisme, et donc touchent au sacrilège. Or l’homme qui se croit Dieu sera irrémédiablement puni – n’oublions pas que l’on est dans un film noir, où le « héros » se dirige immanquablement vers sa chute…


Avant sa descente aux enfers, Stan est attiré vers les sommets et, alors qu’il trompe les gens de la haute société grâce aux spectacles d’illusionnisme qu’il a montés avec Molly, il fait la connaissance d’une troisième femme : Lilith Ritter (Helen Walker). Autant le dire tout de suite, c’est, parmi les trois, celle qui m’a le plus fasciné. Psychanalyste dont il semble qu’elle n’ait de « docteur » que le nom, elle est en effet aussi peu scrupuleuse que Stan puisqu’elle enregistre les confessions de ses patients à leur insu. Très intelligente, elle met tout de suite en doute les capacités de « devin » de Stan mais, au lieu de le dénoncer, préfère s’associer avec lui. Ses relations avec Stan sont très complexes, chacun jouant au jeu du chat et de la souris avec l’autre, sans que l’on sache qui domine la partie. 
You’re good. You’re awful good… Just about the best I ever saw…

Extrêmement charismatique, Lilith est la vraie femme fatale de Nightmare Alley, portée par le jeu d’une Helen Walker à son sommet, froide, calculatrice et très séduisante, sans oublier un courage et un sang-froid à toute épreuve. Tout en elle est captivant, et son nom même est évocateur : Lilith, démone de la Bible, maîtresse d’Adam, l’exact opposé d’Eve, elle est ici la démone nocturne qui s’empare des rêves de ses victimes / clients. Les parallèles sont très nombreux à faire, et l’on remarquera que si Molly essaie de faire revenir Stan / Adam vers la lumière, Lilith l’entraine toujours plus vers l’obscurité. Cela dit, le personnage de Lilith dans Nightmare Alley est très subtil, et, ses motivations étant peu expliquées, Helen Walker peut et réussit à la rendre attachante dans son duel face au trop ambitieux Stan Carlisle, charlatan qui, au fond, n’inspire que le dégoût.

Cependant, et d’une manière générale, aucun des personnages de Nightmare Alley n’est entièrement mauvais : c’est d’autant plus intéressant que cela tranche, à mon sens, avec le cynisme affiché de la plupart des films noirs. Même le personnage de Stan (Tyrone Power), voyou sans scrupule, beau parleur et arrogant, n’est pas tout à fait noir. De manière assez surprenante,par exemple, il semble que son amour – ou du moins son attachement - pour Molly soit sincère. De même, ce n’est pas un meurtrier, crime ultime s’il en est, même s’il en arrive à mener les autres à leur perte par accident. D’une certaine manière, Stan est un profiteur, qui arnaque les gens crédules pour leur soutirer de l’argent. Et s’il ne mérite pas le châtiment suprême, il est condamné à une fin pathétique, cruel revers de fortune, mais parallèle tellement bien trouvé par rapport au début du film. Le contraste et la ressemblance entre les deux situations apporte toute sa touche cynique à Nightmare Alley, digne des plus grands films noirs.


Conclusion

De par son ambiance très particulière s’appuyant sur l’univers chamarré mais mystérieux et inquiétant des fêtes foraines, dont il montre l’envers du décor, Nightmare Alley s’inscrit dans la lignée des meilleurs films noirs de l’époque. Surtout, son personnage principal cynique et amoral interprété par un excellent Tyrone Power est magistralement entouré par trois rôles de femmes tous plus fascinants les uns que les autres, comme seuls savent en produire les films noirs : Joan Blondell, et sa Zeena chaleureuse et sensuelle. Coleen Gray, et sa Molly touchante et adorable. Helen Walker, enfin, dont la Lilith à l’intelligence diabolique restera, à mon sens, la plus grande réussite du film.

NOTE : 8,5/10


mercredi 28 janvier 2015

LEAVE HER TO HEAVEN – Péché mortel


Réalisation : John M. Stahl
Société de production : 20th Century Fox
Genre : Film noir / Mélodrame
Musique : Alfred Newman
Photographie : Leon Shamroy
Durée : 110 min
Date de sortie : 19 décembre 1945 (USA)
Casting :
Gene Tierney : Ellen Berent Harland
Cornel Wilde : Richard Harland
Jeanne Crain : Ruth Berent
Vincent Price : Russell Quinton



L’HISTOIRE

Après avoir passé deux ans en prison, le romancier Richard Harland est de retour chez lui, à « Back of the Moon », lieu enchanteur qui lui sert de refuge. Un avocat de ses amis se plonge dans ses souvenirs et raconte l’histoire de Richard et d’Helen. Après leur rencontre dans un train, les deux jeunes gens se plaisent et se marient, à l’initiative d’Helen, qui commence rapidement à se montrer très possessive envers son époux…



L’AVIS DE GENERAL YEN

Le petit bijou que voilà. Le générique ne trompe pas. On devine dès le lever de rideau que Leave Her to Heaven emprunte autant au film noir qu’au mélodrame. Coups de tambour, « coups de gong » qui rythmeront inlassablement le film, comme si chacun d’eux nous criait « danger ! ». Sons stridents aux accents inquiétants, alternant avec une mélodie plus douce et fluide : nous voilà déjà captivés, attentifs à l’atmosphère étrange et belle ainsi créée en quelques notes.

Sa touche mélodramatique, Leave Her to Heaven la doit à une trame narrative axée sur la vie perturbée d’un couple, Richard Harland et Helen Berent. La passion amoureuse est le thème central du film. Elle est perceptible dès la scène de rencontre, coup de foudre magistralement orchestré, le regard fixe et émerveillé d’Helen faisant face aux coups d’œil admiratifs et gênés de Richard. Le film regorge de scènes symbolisant à l’écran la passion et la force des sentiments, en particulier ceux d’Helen. Au début du film, chaque plan réunissant les deux personnages seul à seul fait ressortir désir et sensualité de manière toujours plus accrue. La musique mélodramatique d’Alfred Newman aidant, la fougue d’Helen est palpable grâce à une Gene Tierney incandescente.

La passion qu’Helen éprouve pour Richard est cependant trop forte, et crée un déséquilibre, que la mise en scène traduit à l’écran en introduisant des éléments typiques de film noir. Ce genre, déjà évoqué sur Films Classiques, est empreint d’une fascination pour la déchéance de personnages ambivalents au destin tracé. Le destin se manifeste en général par l’apparition d’une rupture dans le comportement du personnage : le héros, souvent masculin, peut par exemple commettre un meurtre ou se laisser charmer par une femme fatale, ce qui va bouleverser sa vie et précipiter sa chute. Dans Leave Her to Heaven, c’est le mariage des deux amants qui fait office de feu vert au destin. C’est à partir de ce moment qu’Helen révèle un comportement possessif qui ira crescendo. Comme le révèle l’avocat ami de Richard lors de la scène d’ouverture :

“Of all the seven deadly sins, jealousy is the most deadly.”

Dès le départ, le spectateur est prévenu. Le mal est rapidement identifié, dans la plus pure tradition des grands noirs, comme dans Double Indemnity ou Sunset Boulevard, qui usent également du procédé du flashback. Si le flashback dévoile d’emblée une partie du dénouement, il présente l’avantage de mettre l’accent sur le « comment en est-on arrivé là ». Le suspense de ces films n’est pas dû à l’ignorance qu’a le spectateur de la fin de l’histoire, mais à la façon dont on y arrive. La forme va donc primer sur le fond, pour captiver – littéralement – le public. Sur ce plan, Leave Her to Heaven déroge aux astuces typiques des films noirs tournés en noir et blanc, magnifiés par leur clair-obscur : le film est en couleurs.


La couleur de Leave Her to Heaven est son atout visuel majeur. Ce n’est pas un hasard si le film a obtenu un oscar pour sa photographie : son Technicolor est flamboyant, grâce à des couleurs plus saturées que la normale. Le résultat en est une atmosphère unique, presque irréelle. La beauté de Gene Tierney est rendue magnétique. Ainsi, la couleur, d’ordinaire l’apanage des grands mélodrames de l’époque, se voit dans ce film également utilisée pour lui conférer une tonalité noire. Leave Her to Heaven est un « film noir en plein soleil » : la couleur est révélatrice de la puissance d’Helen, néfaste en plein jour. Notez à ce propos que lors des scènes climax du film, la musique mélodramatique se tait : le silence donne du pouvoir à l’image.

Si Helen a un tel impact sur nous, c’est en grande partie grâce à l’interprétation qu’en donne Gene Tierney. J’ai déjà mentionné dans mon article sur les femmes fatales la grandeur du personnage. La particularité d’Helen, c’est son obsession, l’amour qui, poussé à l’extrême, n’a plus rien de noble et devient maladif et dangereux.

“I’ll never let you go. Never, never, never.”

Face à l’omniprésente Gene Tierney, qui fascine autant que son personnage est fasciné par son mari, deux acteurs : Cornel Wilde et Jeanne Crain. Tous deux campent des personnalités réservées, qui pâtissent donc de l’aura quasi-divine de Tierney. Et c’est là un intérêt majeur du film : le traitement des relations entre des personnages très différents. Cornel Wilde nous offre un Richard posé, un écrivain qui aspire à une vie faite d’amour et d’eau fraîche, loin des turbulences de la vie urbaine, dans un environnement boisé au milieu d’un lac. Il oppose son flegme à la furia de Gene Tierney, ce qui nous donne des scènes sublimes où des sentiments contraires s'affrontent, comme quand, au réveil, Helen tente d’attiser le désir de Richard et rencontre un certain succès, avant que le jeune frère du héros vienne détourner son attention. Désir brûlant et considérations fraternelles sont, juxtaposés, source de frustration.


Quant à Ruth Berent, cousine et sœur adoptive d’Helen, sa raison d’être n’est ni plus ni moins que d’être comparée à Helen. Jeanne Crain et Gene Tierney livrent un duel moral qui enrichit le personnage d’Helen. Ruth et Helen sont si proches physiquement qu’on pourrait les confondre. Ce qui les distingue est leur caractère : passion et jalousie s’opposent à raison et renoncement. L’une est une jeune femme ordinaire : Ruth, qui s’adonne aux plaisirs du jardinage et lui vaut d’être surnommée « the Gal with the Hoe » (la fille à la bêche) par Richard.
L’autre est une femme extraordinaire : Helen. Cela est suggéré dès la séquence du train : elle regarde Richard pendant plusieurs secondes sans ciller. 

Cette facette hors-normes est très vite associée à un halo d’étrangeté qui l’entoure et va aller s’accentuant au fil du film. Helen génère autant de fascination auprès du spectateur qu’elle-même en éprouve pour Richard. Gene Tierney adopte un phrasé lent et mélodieux, comme si elle psalmodiait chaque mot. Les longs plans fixes sur son visage, à la pâleur fortement accentuée par des lèvres rouge vif et des yeux d’un azur scintillant, lui donnent une certaine majesté, confirmée par le charisme déployé par l’actrice. Helen est une femme forte, dominatrice, et cela se voit. A l’inverse, la discrétion à l’écran de Jeanne Crain est, comme pour Richard, le reflet de son caractère. Cela permet à Gene Tierney d’occuper tout l’espace en matière d’expression, et l’actrice s’en donne à cœur joie : un personnage aussi riche et complexe qu’Helen Berent ne s’accomplit pleinement que dans la confrontation avec sa nemesis, son opposé. Le sens du film est à trouver dans cette dynamique des contraires.

Conclusion

Film complet, doté des attributs de deux genres majeurs du cinéma classique, le mélodrame et le film noir, Leave Her to Heaven tient du chef d’œuvre. Alliant un sublime technicolor à une musique captivante et utile à l’intrigue, ce mélodrame noir est unique. On retiendra à jamais la figure mythique d’Helen, le plus grand rôle de la resplendissante Gene Tierney. A l’unanimité des deux membres de notre rédaction, un des plus grands classiques du cinéma américain.

NOTE : 10/10


jeudi 4 septembre 2014

IN A LONELY PLACE – Le Violent


Réalisation : Nicholas Ray
Société de production : Columbia Pictures
Genre : Film noir
Musique : George Antheil
Durée : 94 min
Date de sortie : 17 mai 1950 (USA)
Casting :
Humphrey Bogart : Dixon Steele
Gloria Grahame : Laurel Gray
Frank Lovejoy : Brub Nicolai
Martha Stewart : Mildred Atkinson
Jeff Donnell : Sylvia Nicolai



L’HISTOIRE

Dixon Steele, un scénariste de films alcoolique et caractériel, est suspecté du meurtre d’une jeune femme qu’il avait reçue chez lui. Sa voisine, Laurel Gray, témoigne en sa faveur avant de tomber sous son charme. Mais alors qu’ils mènent un début de vie de couple, elle découvre peu à peu le tempérament violent et excessif de Steele, et commence à douter de son innocence…


L’AVIS DE GENERAL YEN

In A Lonely Place, « Le Violent » en VF (les traductions françaises sont souvent déplorables, mais ici on touche le fond avec ce titre digne d’un film de série B) appartient à mon genre de prédilection : le film noir, que j’ai déjà abordé dans mes articles sur Double Indemnity et les plus grandes femmes fatales. Point de femme fatale dans ce film pourtant, bien que Gloria Grahame ait joué ce rôle de façon convaincante dans The Big Heat, par exemple. Car In A Lonely Place déroge aux codes du genre, et c’est ce qui en fait tout son intérêt.



Humphrey Bogart est Dixon Steele, un personnage fondamentalement ambigu et à la personnalité complexe. « Aux » personnalités  devrais-je dire, car c’est en quelque sorte un Dr Jekyll / Mr Hyde, tantôt sympathique et attachant, tantôt imprévisible et dangereux lorsqu'il a bu.  Steele est un homme tourmenté, un scénariste en panne d’inspiration qui noie ses soucis dans l’alcool. Mais c’est aussi un homme avec des idéaux, un certain sens de la justice : il n’hésite pas à défendre l’honneur insulté d’un vieil acteur déchu.

Laurel Gray, interprétée par Gloria Grahame, est séduite par cet homme blessé, peu ordinaire. En « bonne samaritaine », elle couve l’espoir de le « guérir » de ses afflictions en lui prodiguant son amour et en lui inspirant sa joie de vivre. Et ça marche au début : en panne d’inspiration avant de la rencontrer, il se remet à écrire. Et surtout, il se surprend à aimer à nouveau et à se faire aimer.

Mais Laurel se surestime et découvre peu à peu la face sombre de Dixon qui, imprévisible par ses accès soudains de colère et ses flambées de violence, l’effraie de plus en plus. Pis, elle en vient à douter du fondement même de leur liaison : elle lui avait témoigné une confiance aveugle en lui fournissant un alibi quant à l’affaire du meurtre de Mildred Atkinson. Et si, finalement, il avait trouvé le moyen de tuer cette femme, malgré tout ? Aux yeux de Laurel, Dixon commence à revêtir les habits du meurtrier. Et le spectateur de s’interroger avec elle...

"I was born when she kissed me. I died when she left me. I lived a few weeks while she loved me."

Alors résumons. Un personnage séduisant, mais mystérieux, inquiétant, et qui entraine sa « proie » dans sa chute, ça ne vous rappelle rien ? Eh oui, en lieu et place d’une femme fatale, In A Lonely Place nous propose un « homme fatal » en la personne de Dixon Steele. Cette inversion des codes du film noir rend le film singulier et passionnant.

En termes de mise en scène, le réalisateur Nicholas Ray joue intelligemment. Il n’est pas facile de rendre cohérent un film qui montre d’une scène à l’autre un personnage sympathique puis repoussant. Ici, la cohésion est assurée par des indices disséminés dans les scènes où Steele évolue dans un terrain apaisé. Je relève un symbole fort : la grille en métal ouvragé à l’intérieur de la maison de Dixon, qui évoque les barreaux d’une prison. Dixon est comme un lion en cage, qui sort chasser de temps à autre avant de regagner sa tanière.


Concernant les acteurs, de toutes les prestations de Humphrey Bogart, c’est probablement celle que je préfère. Et pourtant il y a de  la concurrence, étant moi-même un fan absolu du couple Bacall / Bogart. Il est excellent et très crédible dans ce rôle d’homme imparfait, viril mais manquant d’estime de soi. Ça nous change du Bogart macho sûr de lui. Une scène en particulier est saisissante, quand il imagine le meurtre devant un couple d’amis, qu’il invite à mimer la scène. La lumière qui éclaire son regard rend son expression féroce. Un loup prêt à mordre se dresse soudain sous nos yeux…

Gloria Grahame joue également son meilleur rôle selon moi avec cette Laurel sublime tant dans sa tendresse émouvante envers ce vieux lion blessé que dans son effroi grandissant.

Conclusion

In A Lonely Place (vous ne me ferez jamais dire « Le Violent ») brille par son traitement original des codes du film noir, l’alchimie de son duo d’acteurs (c’est la première fois que je vois Bogart en communion avec une autre actrice que Lauren) et un scénario aux petits oignons qui nous tient en haleine jusqu’au bout : l’affiche du film nous promet une fin pleine de suspense, il n’y a pas tromperie sur la marchandise !


NOTE : 9/10



samedi 2 août 2014

DOUBLE INDEMNITY – Assurance sur la mort


























Réalisation : Billy Wilder

Scénario : Billy Wilder et Raymond Chandler, d'après le roman de James M. Cain
Société de production : Paramount Pictures
Musique : Miklós Rózsa
Genre : Film noir
Durée : 107 min
Date de sortie : 6 septembre 1944 (USA)
Casting :
Barbara Stanwyck : Phyllis Dietrichson 
Fred MacMurray : Walter Neff
Edward G. Robinson : Barton Keyes


L’HISTOIRE

Agent d’assurances, Walter Neff se remémore sa rencontre avec une cliente, la séduisante Phyllis Dietrichson, et, se confiant à son patron Barton Keyes via un dictaphone, il raconte comment il en est venu à planifier avec elle l’assassinat de son propre époux…

L’AVIS DU GENERAL YEN

Double Indemnity est un classique du film noir, genre que j’apprécie beaucoup, et qui reviendra souvent sur Films-Classiques. Le terme de film noir apparaît en 1946 en France, quand est diffusée simultanément une série de films sortis quelques années auparavant aux Etats-Unis et partageant un style semblable : The Maltese Falcon, Murder, my SweetThe Woman in the Window, Laura et Double Indemnity.  Le terme s’est vite popularisé outre-Atlantique, et est désormais associé à de nombreux films des années 40-50, dont l’archétype répond en principe aux critères suivants : le crime est raconté du point de vue du meurtrier, une femme fatale entraîne le héros dans sa chute, la mise en scène sombre reflète la psychologie des personnages. On retrouve tous ces éléments dans Double Indemnity, ce qui en fait le film noir par excellence.

Ce film bénéficie dès le départ d’une association de talents qui ne pouvait faire que des étincelles : le récit est tiré d’un roman de James M. Cain, l’auteur célébré du Facteur sonne toujours deux fois et de Mildred Pierce ; Billy Wilder, scénariste de Ball of Fire (un film très apprécié sur ce blog) et futur réalisateur de Sunset Boulevard, s’est adjoint dans l’écriture du scénario l’écrivain Raymond Chandler, le maître du roman noir, « père » du détective Philip Marlowe, que l’on retrouve dans The Big Sleep (adapté à l’écran en 1946 avec Humphrey Bogart et Lauren Bacall, excusez du peu).

Le film replacé dans son contexte, il est temps de vous expliquer les raisons qui me font placer ce film au sommet du cinéma hollywoodien.


Points forts

Pour un amateur de films noirs comme moi, Double Indemnity regorge d’atouts. Commençons par la distribution : si Edward G. Robinson était un habitué du genre, il n’en était rien pour Fred MacMurray et Barbara Stanwyck, qui ont accepté de casser leur image de héros moralement bons pour incarner à ma plus grande joie le « couple infernal » de ce film.

Incarnant un véritable anti-héros, peu scrupuleux à souhait, Fred MacMurray est parfait dans son rôle. Son personnage mène le récit de bout en bout grâce à cette voix-off, qui hante le film d’un ton posé et grave. Le film étant un long flashback, Walter Neff nous embarque dans les méandres de sa mémoire, et passe en revue sa réaction penaude face à l’apparition de Phyllis sortant du bain (comme quoi, ça n’est jamais bon signe), ses doutes quant aux allusions à peine subtiles de celle-ci, ses motivations qui le poussent à échafauder un plan machiavélique, sa peur enfin, face au raisonnement « à la Sherlock Holmes » de son patron. La personnalité de Walter Neff est complexe, et MacMurray dévoile avec brio, scène après scène, la nature profonde de son personnage. 


Venons-en à la perf de ce film : Barbara Stanwyck est brillante dans son interprétation de Phyllis Dietrichson. J’appréciais depuis un moment cette actrice, que j’avais vue dans des rôles plus légers dans lesquels elle démontrait déjà tout son potentiel de séduction. J’adore justement chez elle la combinaison gagnante charisme + séduction, qui la rend ici irrésistible en « femme fatale ». Tantôt d’un charme déroutant, tantôt d’un cynisme glaçant, Barbara s’est renouvelée en tant qu’actrice avec ce film, et je ne peux que remercier Billy Wilder pour avoir insisté auprès d’elle pour qu’elle accepte ce rôle. Elle fait ici briller une fois de plus un de ses atouts majeurs : son regard. Ainsi, dans une des scènes les plus marquantes du film, ses yeux expriment un contentement morbide jouissif, impression renforcée par l’esquisse d’un léger sourire… Wonderful !

Quant à Edward G. Robinson en Barton Keyes, le patron de Walter Neff, c’est la justice en marche : il donne au film le « détective » qu’il lui manquait en menant l’enquête pour le compte de sa compagnie d’assurance. Possédant un sens de la déduction que Conan Doyle ne renierait pas (« the little man inside of me tells me… »), Keyes pousse nos héros dans leurs retranchements et magnifie le film en élevant le suspense. En particulier, les dialogues emplis de sous-entendus entre Neff et Keyes sont trépidants et portent la seconde partie du film.



Outre le scénario, brillant et efficace, ce film vaut le détour pour la qualité de sa mise en scène et son ambiance. On est là dans le film noir typique, et cela se voit. Des astuces de mise en scène nouvelles à l'époque ont d’ailleurs été reprises mille fois par la suite. Pour conférer au film son atmosphère sombre et oppressante, le directeur de la photographie, John F. Seitz, a par exemple fait usage des stores vénitiens pour donner l’illusion que nos héros sont comme prisonniers au moment où ils sont filmés. Comme si ce qu’ils venaient d’accomplir les liait un peu plus à leur destin. J’aime tout particulièrement l’usage qui est fait du contraste lumière / obscurité. D’une scène à l’autre, on passe d’un extérieur ensoleillé et apparemment idyllique à un intérieur filmé dans sa pénombre inquiétante : la mise en scène révèle ainsi que, sous une surface attrayante, la réalité est bien plus rotten (pourrie), pour reprendre une célèbre réplique du film. Des jeux de clair-obscur apparaissent également au sein d’un même plan : des ombres semblent parfois jaillir de l’image, reflétant les émotions et les sentiments des personnages.

Mention spéciale enfin à la musique de Miklós Rózsa, qui sublime le film et ses moments clés en particulier. Au générique, l’image d’une silhouette à béquilles qui s’avance vers nous au son d’une mélodie à suspense est cultissime.


Points faibles… vraiment ?

Plutôt que de m’échiner en vain à trouver des défauts à ce film que je trouve parfait dans son genre, je vais m’attarder sur le reproche fait par la critique : "Good movie... but the wig !" ("Bon film, si ce n'est la perruque"). Ainsi donc, la perruque portée par Barbara Stanwyck semble tellement factice que cela en ferait le principal défaut du film ! Pour moi, c’est au contraire un élément du génie du film. Eh bien oui, Phyllis n’est pas ce qu’elle semble au premier abord, et sa perruque est un indice de sa vraie personnalité. Tout son look a été soigneusement étudié pour pousser l’ambiguïté du personnage à son extrême : elle est séduisante (ah, ce bracelet de cheville…), mais sa coiffure, son maquillage, ses vêtements trahissent une forme de fausseté qui doit nous avertir… Or, le talent de Barbara nous donne presque envie de tomber dans ses filets !


Conclusion

Ce film trône au sommet de tous mes classements, et si vous deviez voir un seul film noir, ce serait celui-là. Je le préfère par exemple au Maltese Falcon ou au Big Sleep, car ce qui pour moi fait d’un film à suspense un chef d’œuvre, c’est une ambiance réussie plus qu’un scénario complexe. Et tout y est dans Double Indemnity. Alors si en plus la femme fatale est mon actrice favorite, cela ne peut qu’atteindre la perfection.


NOTE : 10/10