mardi 21 novembre 2017

MEILLEURE ACTRICE 1950

Le Général Yen passe en revue les meilleures actrices de 1950, qui s'avère à ce jour dans ses classements l'année la plus relevée en termes de qualité des cinq performances sélectionnées. La présence de nombreux films noirs au menu n'y est probablement pas étrangère...


La favorite du Général : GLORIA SWANSON pour Sunset Boulevard
Au soir de sa carrière, Gloria Swanson, l'une des reines de l'ère du muet, se rappelle au bon vouloir de son public en produisant une performance iconique dans Sunset Boulevard, l'un des chef d'oeuvre du film noir. En interprétant une star déchue vieillissante confinée dans le confort d'un passé glorieux, l'actrice se pare d'atours proprement autobiographiques, renforçant ainsi l'impact produit sur le spectateur. De fait, elle hante littéralement le film d'une présence ombrageuse et obsédante, renforçant peu à peu son emprise sur le protagoniste. En véritable femme fatale, elle tisse méticuleusement sa toile autour de sa proie : tout l'intérêt du film est de voir "l'araignée" à l'oeuvre, avec en toile de fond l'implacabilité du destin, et ce autant pour l'homme-héros que pour la femme-actrice déchue. Le malsain de son personnage, qui dérive vers la folie, n'a d'égal que le charisme lumineux de Swanson : son aura est immense et le vif de son regard nous fait nous recroqueviller dans notre fauteuil...


Le tableau d'honneur

Elles l'ont courtisé, il ne les a pas élues. Mais le Général est magnanime, voyez plutôt :

PEGGY CUMMINS pour Gun Crazy : Dans ce film figurant un couple à la Bonnie & Clyde se niche une performance rare, mettant en valeur une femme énergique, au charme unique, sexy et déboussolant, qui domine les hommes d'un simple regard. Peggy Cummins se révèle remarquablement brillante dans son association avec John Dall, qui lui est complémentaire : le comportement réservé de l'homme, comme frappé par le destin, offre un contraste saisissant avec l'explosivité et la sensualité exacerbée de la femme.

GLORIA GRAHAME pour In a Lonely Place : Là encore, un film noir mythique. Là encore, une femme à la sensualité débordante, comme toujours avec Gloria Grahame, qui trouve dans ce film un rôle à sa mesure, certainement son plus abouti. Son alchimie est parfaite avec un rugueux Humphrey Bogart, lui aussi exceptionnel. La tendresse de l'héroïne envers ce "vieux lion" au caractère ambigu contient suffisamment de charme aguicheur pour contrer le charisme  de son partenaire masculin, peu avare d'excès de virilité.

ELEANOR PARKER pour Caged : Eleanor Parker, l'une de mes actrices favorites, possède le talent de parvenir à saisir l’émotion juste. Interpréter une jeune fille au caractère innocent, jetée en pâture aux louves d'une prison pour femmes, lui donne l'occasion rêvée de produire une démonstration de subtilité : l'évolution du personnage de Marie au contact des autres prisonnières d'une part, de la Prison en tant qu'entité avilissante d'autre part, est absolument fascinante, d'autant que l'actrice sait comment nous garder dans son camp...

PATRICIA NEAL pour The Breaking Point Dans cette nouvelle adaptation du roman de Hemingway To Have and Have Not, après celle de Howard Hawks en 1944, Patricia Neal, comme Lauren Bacall avant elle, déploie un charisme hallucinant dès sa première scène. La recherche permanente de séduction de son personnage envers le héros joué par John Garfield est jouée avec une telle facilité, un tel naturel, qu'on aurait aimé que l'intrigue lui laisse une place plus importante.


La revue terminée, le Général prend une pause bien méritée. Son célèbre thé recèle bien des mystères...

Le Thé du Général
- Sobre et élégant : Ann Todd (Madeleine), qui mériterait une nomination, tant son portrait de femme accusée d'avoir empoisonné son amant parvient à rester dans la sobriété requise par le personnage, tout en  lui conférant la sympathie, la classe et la profondeur de caractère nécessaires à l'intrigue ; mention spéciale à la composition de son visage lors du dernier plan du film.
- Corsé : Hope Emerson (Caged), pour ce second rôle mémorable de gardienne de prison tyrannique et sadique.
- Tout en finesse : Gene Tierney (Where the Sidewalk Ends), pour sa classe, son élégance et, comme dans Laura,  la complicité avec Dana Andrews.
- Racé : Jennifer Jones (Gone to Earth), qui prouve encore une fois qu'elle combine aisément le jeu de jeune femme fragile et innocente avec celui de louve indomptable ; la métaphore entre le destin de l'héroïne et celui de son animal de compagnie (un renard) est bien traduite par le comportement de l'actrice.
- Séduisant : Anne Baxter (All About Eve), qui campe un personnage suffisamment intéressant et séduisant pour que je la préfère à Bette Davis, dans un film qui m'a fermement ennuyé.
- Mûr : Myrna Loy (Cheaper by the Dozen), qui sans faire preuve d'originalité possède toujours cette grâce qui la rend si attachante, cette fois-ci dans un rôle de mère-courage.
- Amer : Bette Davis (All About Eve), qui ne m'a pas donné ce que j'attendais d'elle, même si c'est objectivement une bonne performance sur le plan technique ; quelques punchlines ne suffisent pas pour enthousiasmer.
- De caractère : Patricia Neal (Three Secrets), qui par son charisme offre la performance la plus intéressante de ce film aux ficelles assez prévisibles.
- Doux : Joan Bennett (Father of the Bride), qui s'avère bien sympathique aux côtés d'un bon Spencer Tracy et d'une jeune et capricieuse Elizabeth Taylor.
- Glacé : Judy Holliday (Born Yesterday) - une performance trop criarde du début à la fin, sans une once de changement dans la voix ; dommage, car le film méritait mieux.

dimanche 12 novembre 2017

MEILLEURE ACTRICE 1928

Le Général Yen passe en revue les meilleures actrices de 1928, une année riche en films qui s'attachent à explorer les hauts et les bas des relations entre femmes et hommes, des bas-fonds des quais de New-York jusqu'à ses gratte-ciels, des déserts battus par les vents aux salons de la bourgeoisie urbaine.

La favorite du Général : LILLIAN GISH pour The Wind
Dans un film aux accents oniriques, où le vent est un personnage à part entière qui matérialise les peurs des hommes, le style éthéré de Lillian Gish n'a jamais été aussi bien utilisé. Le calvaire de l'héroïne, Letty, qui débarque dans un environnement hostile - une plaine désertique balayée par les tempêtes et habitée par des hommes rustres - est construit pas à pas par le jeu subtil et expressif de l'actrice, dont le personnage semble progressivement sombrer dans la folie, obsédé par son ennemi immatériel. L'une de ses scènes les plus marquantes la voit les yeux valsant au rythme du balancement d'une lampe, comme hypnotisée, son esprit semblant la fuir, emporté par les vents. A l'apogée de sa carrière, Lillian Gish n'a probablement jamais autant dominé un film que dans The Wind, qui m’apparaît comme un conte moderne tout entier au service du talent de son interprète principale.


Le tableau d'honneur

Elles l'ont courtisé, il ne les a pas élues. Mais le Général est magnanime, voyez plutôt :

MARION DAVIES pour The Patsy : Avec The Patsy, Marion Davies élève la "grimace" au rang d'art. Elle y déploie tout un arsenal de mines et mimiques (froncement de cils, tirage de langue, gros yeux, moue déçue, sans oublier le regard fixe et langoureux vers l'homme de ses rêves) dans un crescendo comique irrésistible, qui culmine avec les mythiques imitations de Mae Murray, Lillian Gish et Pola Negri. Tout cela est mis au service de "l'éducation sentimentale" de l'héroïne, une souffre-douleur rêveuse et entreprenante.

ELEANOR BOARDMAN pour The Crowd : La performance est acclamée comme l'une des meilleures du cinéma muet, et elle l'est à juste titre. Eleanor Boardman dépeint toujours avec l'émotion la plus juste les bonheurs et les malheurs de cette épouse, qui semble être le miroir de son époque - femme modèle, dévouée, mais certainement pas dominée - ce qui la rend extrêmement attachante de sa première à sa dernière scène, et illustre tout le réalisme de son jeu, assez moderne pour 1928.

GLORIA SWANSON pour Sadie Thompson : Si le thème du film ne pouvait qu'éveiller ma curiosité (un pasteur rigoriste pourchasse une ancienne prostituée qui veut refaire sa vie sur une île du Pacifique), Gloria Swanson ne l'a certainement pas déçue. L'œil mutin et aguicheur, mâchouillant son chewing-gum, elle donne à son héroïne le soupçon de vulgarité qui la rend crédible sans négliger un charme plus universellement féminin. Alternant des scènes de confiance en soi et de doute, l'actrice compose un personnage complexe, qui révèle sa fureur contre Barrymore pour mieux s'adoucir avec Walsh. Restent cependant des incohérences dues au scénario sur la fin.

BARBARA KENT pour Lonesome : Véritable "girl next door", cette Mary incarnée par Barbara Kent possède une forme de charme simple qui rend son jeu irrésistiblement efficace. Si ce film parvient à rendre quasiment magiques des événements très ordinaires en l'espace d'une journée, entre travail, plage et fête foraine, c'est grâce à un duo d'acteurs auxquels on ne peut que s'identifier. Sans jamais avoir l'air de forcer sa performance, l'actrice est captivante par la seule expression de son visage, qu'elle soit malicieuse quand Mary s'amuse avec la jalousie de Jim ou inquiète et perdue quand elle est à sa recherche. Ah, et quel sourire !


La revue terminée, le Général prend une pause bien méritée. Son célèbre thé recèle bien des mystères...

Le Thé du Général
- Riche en arômes : Fay Wray (The Wedding March) - peut-être le meilleur rôle de l'actrice, tant son expressivité fait ici des merveilles, magnifiée par la réalisation de Stroheim dans l'un des derniers grands "muets".
- Coloré : Betty Compson (The Docks of New York), qui incarne une prostituée sauvée du suicide en découvrant au fur et à mesure toutes les facettes de son personnage, bien aidée par son charisme explosif.
- Fleuri : Joan Crawford (Our Dancing Daughters), qui me prouve qu'elle était déjà à son aise dans le cinéma muet, en interprétant un personnage assez fascinant dans une fable moderne sur les fausses apparences.
- Sucré : Norma Shearer (Lady of Chance), qui fait mouche dans ce rôle mi-comique, mi-romantique de gold digger qui s'éprend de sa proie.
- Étrange : Renée Falconetti (La passion de Jeanne d'Arc), dont je ne sais finalement trop quoi penser : son expressivité est techniquement impressionnante, mais je suis vite devenu allergique à son regard fixe à moitié dément, qui manque de subtilité et ne la rend pas crédible à mes yeux ; le film est malgré tout un must-see pour ses choix de réalisation très modernes, en particulier les gros plans qui semblent sonder l'âme des personnages.
- Mi-figue... : Greta Garbo (A Woman of Affairs) - une bonne prestation, objectivement, mais le charme n'opère plus, d'autant qu'elle pâtit dans mon esprit de la comparaison avec Constance Bennett dans le remake de 1934, Outcast Lady.
- ...Mi-raisin : Janet Gaynor (Street Angel), qui ne parvient toujours pas à me séduire, avec une prestation trop larmoyante dans un film au scénario a priori intéressant mais qui s'avère trop ennuyeux.