lundi 23 octobre 2017

MEILLEURE ACTRICE 1935


Le Général Yen passe en revue les meilleures actrices de l'année 1935, une année qui a la particularité d'abriter deux de ses personnages favoris de l'ère classique (voir à ce sujet cet article) parmi une multitude de mélodrames plus ou moins réussis, mais aussi de quelques comédies remarquables.


La favorite du Général : MARGARET SULLAVAN pour The Good Fairy
Dans mon esprit, parvenir à battre la performance répertoriée juste après n'était pas chose aisée. C'est dire si le personnage de cette jeune orpheline hongroise au caractère pétillant et innocent m'a séduit. En interprétant un rôle comique qui possède dans une large mesure les accents loufoques des grandes screwball comedies de la fin des années 1930, Margaret Sullavan parvient avec sa subtilité habituelle à être parfaitement crédible en jeune fille et joue délicieusement avec le décalage permanent créé par la joyeuse candeur de sa Luisa Ginglebuscher, sans jamais tomber dans le ridicule. Le « must » : la scène où elle se dandine devant un miroir avec sa fourrure de « foxine », sa silhouette se reflétant à l’infini, est fabuleuse et symbolise à elle seule toute l’âme de ce personnage attachant. Qui plus est, le film déploie toute la magie des évocations d'une Budapest au romantisme fantasmé, et associe avec succès Margaret au charme suranné de l'excellent Herbert Marshall.


Le tableau d'honneur

Elles l'ont courtisé, il ne les a pas élues. Mais le Général est magnanime, voyez plutôt :

- KATHARINE HEPBURN pour Alice Adams : Dans ce film plutôt quelconque figure l'un de mes rôles préférés du cinéma classique. Alice Adams est très certainement le personnage le plus attachant joué par Katharine Hepburn : l'actrice rend tout à la fois adorable, irritante, drôle et émouvante cette jeune fille qui rêve de s'élever socialement. Aux portes d’un monde "à la Jane Austen", elle s’efforce de ressembler à ses "amies" mieux loties qu’elle, et nous sont dévoilés ses doutes et ses peines, la rendant chaque minute qui passe plus charmante.

- CAROLE LOMBARD pour Hands Across the Table : Dans cette comédie romantique bien ficelée, Carole Lombard s'entend à merveille avec un Fred McMurray bien plus à son aise que dans Alice Adams pour former un couple déluré. Son jeu déborde du charisme candide qui est sa marque de fabrique, lui permettant de ravir les cœurs de ses partenaires masculins et du public. Quant à sa beauté, radieuse, elle a rarement reçu un tel traitement de faveur.

- MIRIAM HOPKINS pour Becky Sharp : Une telle héroïne, à l'esprit aussi vif que sa morale est douteuse, qui d'autre que Miriam Hopkins aurait pu l'incarner avec un tel succès ? Certes, le film est loin du chef d'œuvre, mais le personnage de Becky Sharp tel que nous l'offre l'actrice est un déferlement de mines coquines, de reparties assassines et de séduction effrontée. Si Becky est la hantise de la haute société et la honte des bonnes mœurs anglaises, elle est un régal pour le spectateur, qui ne peut que prendre son parti malgré ses frasques toujours plus osées, d'autant que Miriam nous dévoile aussi sa face cachée, ses doutes et une humilité insoupçonnée, qui la rendent terriblement humaine. 

- BETTE DAVIS pour Dangerous : A l'image de ce film au début et à la fin plus que mitigés, Bette Davis met une petite demi-heure avant d'entrer dans son rôle. Et alors que je pensais détester son personnage d'actrice alcoolique à la dérive, je me suis retrouvé fasciné (comme le protagoniste) par son charme étonnant, gouailleur et malsain, avant d'être tout à fait séduit par la nuance du caractère ambivalent qu'elle apporte progressivement à son héroïne, tiraillée entre ses sentiments naissants et son penchant pour l'autodestruction.


La revue terminée, le Général prend une pause bien méritée. Son célèbre thé recèle bien des mystères...

Le Thé du Général
- Gourmand : Jean Arthur (If You Could Only Cook), dont la niaque culottée s'allie parfaitement au style guindé d'Herbert Marshall pour composer un solide duo comique et romantique, dans le plus pur style de l'actrice.
- Exotique : Marlene Dietrich (The Devil Is a Woman), qui au sein d'un film merveilleusement réalisé (quels décors, quel éclairage !!) parvient fort logiquement à séduire et à illuminer ses scènes, mais son jeu est parfois lourd ; j'hésite entre le reprocher à l'actrice ou considérer que ça ne fait qu'illustrer le caractère de son personnage.
- Explosif : Barbara Stanwyck (Annie Oakley), qui est comme toujours excellente, interprétant ici une fine gachette en n'oubliant pas de lui donner une forte personnalité et un charme tout "stanwyckien" ; le film perd cependant en valeur en s'appesantissant un peu trop à mon goût sur les déboires de l'alter-ego masculin.
- Parfumé : Merle Oberon (The Dark Angel), qui fait preuve d'une grande sensibilité dans le film où je l'ai découverte ; sa relation à Fredric March est intense et belle.
- Généreux : Kay Francis (Stranded), qui compose très joliment un personnage altruiste et admirable  ; son expressivité met bien en valeur l'humanité de son héroïne.
- Noble : Greta Garbo (Anna Karenina), qui fait du Garbo, et le fait bien, dans un film au rythme autrement trop peu soutenu pour soutenir mon intérêt ; on ressent à plein le dilemme qui déchire l'âme d'Anna, l'émotion s'écoule à flots à chaque mot, mais son jeu possède ses écueils habituels (surjeu, théâtralité).
- Ponctué de notes puissantes : Ann Harding (Peter Ibbetson), qui déploie au milieu du film un charisme très séduisant face à Gary Cooper, jusqu'à un magnifique "climax" ; le film dérive malheureusement sur un chemin mystico-romantique qui m'a perdu.
- Sans surprise : Irene Dunne (Magnificent Obsession), qui à l'image du film ne donne réellement satisfaction que dans la (très belle) seconde moitié, où l'héroïne se retrouve aveugle ; la grande performance du film revient cependant à Robert Taylor.

dimanche 8 octobre 2017

MEILLEURE ACTRICE 1930


Le Général Yen passe en revue les meilleures actrices de l'année 1930, une année qui voit les derniers feux du muet affronter une armada de "talkies" aux qualités inégales. Parmi les "women's pictures", dont sont extraites la plupart des performances citées dans cet article, prédominent les comédies mondaines et de remariage, ce qui donne un net avantage aux actrices possédant dans leur manche un atout de charme chic et raffiné. Mais cela ne suffit pas pour l'emporter...



La favorite du Général : MARY DUNCAN pour City Girl 
Avec City Girl, un film muet à l'esthétique remarquable par sa beauté sobre, F. W. Murnau donne le rôle de sa vie à Mary Duncan. Dotée d'une expressivité intense calibrée pour le cinéma muet, l'actrice dévoile subtilement toute une panoplie d'émotions, sans surjouer, ce qui lui permet à mes yeux, pour cette année 1930, de maintenir la suprématie du jeu muet sur le parlant. Elle incarne ici Kate, une jeune citadine à la forte personnalité, sexy et provocante, qui fait une irruption remarquée dans le quotidien d'une famille de la campagne. Si le scénario met en exergue l'opposition fille des villes vs. hommes des champs, le jeu de Mary, quant à lui, souligne les conflits internes d'une jeune femme qui verra ses certitudes éprouvées par les réactions hostiles à son arrivée - celle d'une intruse - dans un monde qui, pour certains, ne sera jamais le sien. 


Le tableau d'honneur

Elles l'ont courtisé, il ne les a pas élues. Mais le Général est magnanime, voyez plutôt :

- ANN HARDING pour Holiday : Oui, mon jugement est biaisé puisque j'adorais déjà ce personnage dans la version de 1938. Mais, même si j'ai une préférence pour la merveilleuse Linda incarnée par Katharine Hepburn, l'héroïne de 1930 est délicieusement envoûtante. Ann Harding la campe elle aussi de manière assez théâtrale, de façon probablement assez similaire à la pièce d'origine, mais elle est plus nuancée que Kate. Il s'agit peut-être de son rôle le plus abouti, sans aucun doute le plus lumineux.

NORMA SHEARER pour The Divorcee : Voilà une Norma que j'aime tout particulièrement. Dans un film très en avance sur son temps, mais qui manque hélas de dynamisme, elle sort du lot par sa présence à l'écran et son naturel désarmant. Qui plus est, elle domine les hommes avec classe et impose une vision moderne de la femme.

NANCY CARROLL pour The Devil's Holiday : Le charme opère tout de suite chez Nancy Carroll avec ce rôle qui permet à l'actrice de pétiller littéralement à l'écran en jeune "chercheuse d'or" a priori sans scrupules, qu'elle rend sympathique par sa bonhomie comique. La transition vers la femme inquiète et amoureuse est un peu brutale, due au scénario, mais l'émotion est au rendez-vous : on ne peut qu'adhérer.

MARLENE DIETRICH pour Morocco : Dans un film au charme exotique indéniable, Marlene envoûte deux hommes ainsi que moi-même, tout cela avec une certaine pudeur qui rajoute à son aura. Un regard comme souvent puissant. Sa prestation en fin de film est emplie d'une émotion majestueuse.



La revue terminée, le Général prend une pause bien méritée. Son célèbre thé recèle bien des mystères...

Le Thé du Général
- Noble : Constance Bennett (Sin Takes a Holiday), qui après un début de film agrémenté d'un charme discret se retrouve dans la peau de son personnage fétiche, la mondaine séductrice au regard pétillant et aux répliques mordantes.
- Corsé : Barbara Stanwyck (Ladies of Leisure), qui donne déjà un joli aperçu de ses talents et de sa personnalité à l'écran, bien affirmée.
- Sucré : Jeanette MacDonald (Monte Carlo), irrésistible par son charme comique dans cette comédie musicale imparfaite, mais qui se laisse regarder agréablement.
- Subtil : Nancy Carroll (Laughter), dont le jeu nuancé, allié à celui de son partenaire Fredric March, relève le matériel initial du film et permet de développer le caractère de son personnage, qu'elle ne rend cependant pas aussi attachant qu'elle le pourrait. 
- Fleuri : Norma Shearer (Let Us Be Gay), qui nous offre une performance particulièrement joviale et une transition physique pour le moins spectaculaire, le rôle l'amenant à nouveau à endosser les habits d'une femme divorcée qui se mue en mondaine frivole et séductrice.

dimanche 1 octobre 2017

MEILLEURE ACTRICE 1932

Le Général Yen passe en revue les meilleures actrices de l'année 1932...


La favorite du Général : CONSTANCE BENNETT pour What Price Hollywood? 
Un rôle bâti pour les Oscars. Une présence scénique fabuleuse. Une voix qui intrigue, oscillant entre tons rauques et pétillants. Voilà les atouts de Constance qui, dans un film critique envers le "système" de la fabrique à stars, nous offre une performance majuscule. La facilité déconcertante qu'elle déploie pour illustrer la transformation de la serveuse ambitieuse en star capricieuse mais attendrissante, alliée à son charme et son élégance indépassable, en font l'une des plus belles prestations du début des années 1930.


Le tableau d'honneur

Elles l'ont courtisé, il ne les a pas élues. Mais le Général est magnanime, voyez plutôt :

- KAY FRANCIS pour One Way Passage : C'est l'année Kay Francis, alors avec quatre grands rôles tous aussi croustillants les uns que les autres (dans Trouble in Paradise, Jewell Robbery, Man Wanted et One Way Passage), difficile de trancher. Je choisis One Way Passage pour l'intensité mélodramatique forte et néanmoins juste et sobre ainsi que pour la symbiose quasi poétique qu'elle entretient avec William Powell, dans un film que je ne peux que qualifier de sublime. 

- MIRIAM HOPKINS pour Trouble in Paradise : Quoique j'adore Kay Francis dans ce film, Miriam Hopkins n'en est pas moins lumineuse. Sa capacité comique et émotionnelle est peut-être à son sommet dans cette petite perle signée Lubitsch. Ses mines hilarantes, ses répliques ironiques, son alchimie avec Herbert Marshall et sa "jalousie" de Kay Francis sont à ne manquer sous aucun prétexte. 

- JEAN HARLOW pour Red-Headed Woman : Le mythe Harlow trouve ici tout son sens. La sulfureuse "blonde platine" (qui ici est rousse !), la plus grande prédatrice on-screen de l'époque, n'a jamais été aussi sensuelle et pourtant si humaine : si forte et si faible à la fois. Un personnage délicieusement antipathique à Hollywood, c'est suffisamment rare pour être souligné.

- MARLENE DIETRICH pour Shanghai Express : Son jeu "parlé" a beau être décevant (diction peu naturelle, même pour une Allemande), elle possède une telle classe  dans son jeu de corps et de regard qu'elle parvient à ensorceler son public, et à dominer le film tout en faisant ressortir le tragique et l'humilité de son personnage.


La revue terminée, le Général prend une pause bien méritée. Son célèbre thé recèle bien des mystères...

Le Thé du Général
- Fleuri : Jeanette Macdonald (One Hour With You), qui fait des ravages avec son talent comique très pré-code.
- Exotique : Maureen O'Sullivan (Tarzan, the Ape Man), qui campe le personnage le plus intéressant du film avec une certaine fougue et beaucoup de charme.
- Savoureux : Joan Crawford (Grand Hotel), pour moi le meilleur second rôle de l'année, ce qui lui vaut une mention ici, pour sa capacité à s'imposer au sein d'un casting de luxe et son alchimie avec les deux Barrymore.
- Pétillant : Marion Davies (Blondie of the Follies), une explosion d'émotions et d'humour dans son regard et sur les traits de son visage, au sein d'un film très moyen.
- Puissant : Joan Blondell (Three on a Match), d'une grande présence face à Ann Dvorak et une jeune Bette Davis.
- Piquant : Myrna Loy (The Animal Kingdom), qui dépeint d'une façon très justement contrastée une épouse jalouse et malicieuse, mais désemparée et combative.
- Doux : Ann Harding (The Animal Kingdom), qui donne une grande profondeur, empreinte d'humanité et de pudeur, à un personnage aux mœurs réprouvées par la société de l'époque, sans pour autant tomber dans l'angélisme et la naïveté.
- Sucré : Carole Lombard (Virtue), qui incarne avec justesse un personnage très pré-code, sexy et rebelle, loin de ses futures excentriques de la screwball comedy.
- Corsé : Irene Dunne (Back Street), beaucoup d'émotion et de justesse, qui lui permettent de dominer facilement le film, mais un intérêt limité.