Réalisation : Carol Reed
Genre : Film noir
Date de sortie : 30 janvier 1947 (Royaume-Uni)
Scénario : R.C. Sherriff,
d’après le roman de F.L. Green
Photographie : Robert Krasker
Musique : William Alwyn
Durée : 116 min
Casting :
James Mason : Johnny McQueen
Kathleen Ryan : Kathleen Sullivan
Robert Newton : Lukey
Cyril Cusack : Pat
F.J. McCormick : Shell
Denis O'Dea : l'inspecteur
W.G. Fay : le père Tom
L’HISTOIRE
Une ville d’Irlande du Nord, dans un contexte d’insurrection nationaliste.
A la suite d’un braquage qui a mal tourné, Johnny McQueen, un nationaliste
irlandais, est grièvement blessé et est traqué par la police britannique…
L’AVIS
DU GENERAL YEN
Amis des ambiances
de fin du jour, accourrez ! Accourrez, car il est question ici d’un
fleuron du genre « noir », le premier chef d’œuvre du grand cinéaste
britannique Carol Reed. Plus encore que The
Third Man, qui est plus connu, Odd
Man Out atteint un niveau de perfection cinématographique rare en
créant une symphonie sombre et pourtant sublime, qui combine la maîtrise de l’art
visuel « noir » et l’instauration méticuleuse d’un niveau de tension fiévreuse
jusqu’au climax final.
Voilà encore une
jolie pierre à rajouter à l’édifice de l’année 1947, l’une des plus glorieuses
du cinéma anglo-saxon, en tout cas si je me fie à mes propres goûts. Nous avons
d’ailleurs déjà pu sur ce même blog louer les mérites de Nightmare Alley, l’apogée de Tyrone Power, Body and Soul, celui de John
Garfield, Black Narcissus, la
grande œuvre de Powell et Pressburger et The Ghost and Mrs. Muir, premier joyau de Mankiewicz.
Odd Man Out s’ancre dès le départ dans une réalité
trouble, à la fois indéfinie dans son lieu – quelque ville nord-irlandaise –
et pourtant parfaitement identifiable par son contexte – la lutte armée de l’IRA,
ici non nommée. Dans cet univers, chose remarquable, on ne distingue pas « les
bons » contre « les mauvais », mais ceux qui sont hostiles ou
non au « héros », Johnny McQueen. En évacuant toute morale simpliste,
le film se pose en témoin objectif d’un drame humain : la traque d’un fuyard isolé,
vue de son point de vue, mais aussi de ses compagnons d’armes et de divers
habitants, qui font face à un dilemme. Par conséquent, le film se rapproche des
codes du thriller, jouant sur la peur, omniprésente mais encadrée par l’impression
propre au film noir que le destin, implacable, est en marche.
Bien sûr, la
réalisation est ici poussée au rang d’art. Les choix de plans et de décors
concourent à créer un univers qui semble encercler le « héros », à
mesure que la nuit tombe. Les scènes de fuite, de Johnny (boitant) ou de ses
camarades (courant), sont les plus remarquables, ponctuées d’une musique
splendide. Celle-ci envoûte le spectateur dès le générique, comme souvent le
font les meilleurs des films noirs, de Double
Indemnity à Sunset Boulevard.
Parmi les acteurs
se détache inévitablement le « héros », James Mason, dont le phrasé
et le regard conviennent parfaitement pour exprimer toute la mélancolie d’un
homme qui tente de toutes ses forces d’échapper à un sort funeste. Autre
personnage qui contient une forte essence tragique, la calme mais vigoureuse
Kathleen, interprétée par Kathleen Ryan, se bat (ou devrais-je dire, se débat) en parallèle pour sauver celui qu’elle aime. Ses meilleurs moments sont sans
conteste ceux dans lesquels elle « affronte » l’inspecteur de police,
froid et pourtant bienveillant, fait étonnant (mais intelligent) puisqu’il
représente pour le spectateur la principale menace pour Johnny. Le film présente
également toute une galerie de personnages secondaires aux profils marquants,
le plus intéressant, au vu du contexte politique, étant le prêtre, le père Tom.
Celui-ci figure le refuge, à la fois au sens propre et au sens moral du terme. Son
rôle de sage permet de mettre en valeur par contraste le désespoir de Kathleen.
NOTE : 9/10. Dans la filmographie de Reed, je place Odd Man Out devant ses autres
pièces maîtresses que sont The Third
Man et Fallen Idol. Il
se dégage de ce film une humanité forte, comme s’il fallait placer les hommes
dans des situations dramatiques pour en faire ressortir l’essentiel :
leurs sentiments. La beauté des scènes nocturnes est telle qu’elle n’a
peut-être jamais été égalée. Quant au regard trouble du personnage principal,
il restera ancré pour longtemps dans le vôtre.
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