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dimanche 3 juillet 2016

MYRNA LOY, LA FIANCEE DU CINEMA


Avec Myrna Loy (née Williams, 1905-1993), on entre pour moi dans le panthéon du vieil Hollywood, dans le cercle fermé des Grand(e)s. L’actrice est l’un de mes plus grands coups de cœur et elle figure en (très) bonne place dans mon top personnel. Pourquoi ? Comment dire… Myrna, c’est l’incarnation même de la grâce. Féminine et distinguée, la hauteur aristocratique et élégante de certains de ses personnages (Libeled Lady) n’est là que pour mieux révéler un immense potentiel comique, jamais dénué d’ironie ni de classe. Un don sublimé par une fabuleuse alchimie avec son alter-ego masculin, William Powell, pour former un couple de légende(s) à l’écran. Outre le génial Libeled Lady et le mythique The Best Years of Your Lives, déjà parus sur ce blog, j’ai choisi ici de sélectionner trois films parmi ses sommets, entre drame et comédie, pour mettre en valeur à la fois sa force émotionnelle et son énergie comique.


Manhattan Melodrama, entre crime et loi


VF : L’ennemi public n°1. Un film de W. S. Van Dyke (1934), avec Myrna Loy, William Powell et Clark Gable.

L’histoire : Le procureur Jim Wade (Powell) est confronté à un cas de conscience quand il doit faire face aux actions de son ami d’enfance « Blackie » Gallagher (Gable), un gangster notoire.

Manhattan Melodrama présente l’avantage de réunir un casting fabuleux, du moins avec le recul des ans. Myrna Loy y est accompagnée de deux des acteurs avec lesquels elle a le plus joué : William Powell, avec lequel c’est son premier film, et Clark Gable, l’acteur le plus populaire des années 30.

L’intrigue du film, qui place deux amis d’enfance dans des camps opposés, l’un au service de la loi, l’autre en dehors, est en elle-même bien construite, quoique parfois le scénario peut paraître un brin simpliste et irréaliste. L’essentiel est néanmoins préservé : le suspense, moteur du film avec les relations croisées entre personnages, joués par des acteurs qui, en 1934, viennent de se révéler ou qui sont en train de le faire.

Clark Gable est probablement l’homme fort de Manhattan Melodrama. Il bénéficie d’un rôle puissant, fait pour lui : celui du bandit au grand cœur. Sa prestation pleine d’émotion et de fougue efface la naïveté de l’écriture du personnage.

William Powell n’est pas encore le roi du comique, mais il est en passe de le devenir avec la sortie la même année de The Thin Man (voir plus bas). Ici, il fait ses preuves dans un rôle dramatique puisqu’il lui échoit le rôle le plus difficile à mon sens, celui du procureur incorruptible. Il nous concocte plusieurs moments de pure brillance dans des dialogues avec Gable, surtout (la scène de la prison), et Myrna, déjà.

Pour sa part, Myrna campe une Eleanor Packer touchante et pétillante à souhait (à ne pas confondre avec une certaine Eleanor Parker, rousse elle aussi, et non moins séduisante), une femme prise entre les destins des deux amis. Dans un rôle qui laisse préfigurer son sommet dans Test Pilot, elle déploie toute une panoplie d’émotions d’une grande justesse (souvent relevées par le fameux clignement de cils « à la Myrna »), sans pour autant négliger un apport humoristique indéniable. L’entrée fracassante d’Eleanor dans la voiture de Jim est d’ailleurs l'un des moments phare du film, où elle lui assène un quasi-monologue d’anthologie. De fait, Myrna domine la première partie du film, avant de s’effacer légèrement pour laisser plus de place au duo Gable / Powell.


The Thin Man, naissance d’un couple mythique


VF : L’introuvable. Un film de W. S. Van Dyke (1934), avec Myrna Loy, William Powell et Maureen O’Sullivan.

L’histoire : Un ancien détective, Nick Charles, est appelé à l’aide par une jeune femme dont le père a disparu et semble bientôt impliqué dans une affaire de meurtre. Poussé par son épouse Nora, Nick accepte de s’intéresser à ce mystère…

Film hybride, The Thin Man intègre à une trame de film policier traditionnel des éléments de comédie qui lui donnent une coloration plus légère. L’alternance entre scènes sombres filmées « façon film noir » et gags tenant de la farce lui confère une atmosphère unique.

"I don’t usually look like this. I’ve been Christmas shopping!"

Si de mon point de vue l’enquête menée par le « détective à la retraite » Nick Charles est relativement banale, quoique filmée de manière intéressante, la prestation comique du duo Powell / Loy est en revanche tout simplement lumineuse. La complicité des deux acteurs est telle qu’elle crève l’écran et porte à elle seule le film comme rarement il est possible de le voir. Plus encore, leur comique de geste est si authentique que le couple parait moderne et naturel : notez un nombre impressionnant de grimaces et tirages de langue effectués avec une forme de distinction assez épatante, et une quantité encore plus remarquable de verres d’alcool, qui dénote un couple jeune, fêtard et bon vivant. Mais – encore – toujours avec ce fameux doigté de classe qui rend leur jeu à deux si unique. Le comique de mots est au diapason avec des répliques piquantes déclenchées en rafale de part et d’autre.

Mentionnons par ailleurs la présence de Maureen O’Sullivan dans le rôle de la jeune fille éplorée, toujours aussi charmante (le premier Tarzan, c’est en 1932), en particulier dans certaines bonnes scènes avec William Powell, acteur qui parvient généralement à bien mettre en valeur ses collègues féminines.


Test Pilot, l’envol de la reine


VF : Pilote d’essai. Un film de Victor Fleming (1938), avec Myrna Loy, Clark Gable et Spencer Tracy.

L’histoire : Les exploits et mésaventures d’un pilote d’essai téméraire, Jim, dont les ardeurs sont refrénées tant bien que mal par son ami mécanicien, Gunner, et par sa jeune épouse, Ann.

Pour commencer, Test Pilot est mon genre de film : épique avec les exploits de l’aviateur et émouvant avec la complicité entre Jim et son mécanicien Gunner, il superpose des trames complémentaires et bien amenées, génératrices d’émotions multiples. Bien qu’il se concentre principalement sur le métier de pilote d’essai du personnage de Gable, le film se consacre aussi pleinement au premier rôle féminin, celui de Myrna, et fournit à l’actrice l’occasion rêvée de fournir peut-être la plus belle performance de sa carrière.

Car oui, flanquée des deux monstres sacrés du cinéma de l’époque que sont Clark Gable et Spencer Tracy (sans oublier Lionel Barrymore en second rôle !), Myrna Loy ne dépare pas et, mieux, apporte la prestation la plus marquante du film. Charismatique comme jamais, elle tient tête de sa voix éraillée caractéristique au parangon de virilité que Gable s’efforçait de jouer (avec réussite il faut le dire). Deux scènes sont particulièrement magnifiques : dans l’une, Jim et Ann viennent de se rencontrer et s’affrontent sur fond d’attraction mutuelle (« You turn your head like a big bear – and just gaze! ») ; dans l’autre, Ann et Gunner se rapprochent et partagent leur inquiétude sur le sort de Jim, qu’ils aiment l’un et l’autre (« Three roads face us and there is doom at the end of each », « Every tic-tac of the clock : still living – still living – still living »).

Myrna déploie des trésors d’émotivité avec un tel naturel que l’on ne peut que ressentir les doutes et les craintes des épouses et des proches des aviateurs – comme aussi celles des marins et des militaires, laissées seules à attendre le retour de l’homme aimé, qui peut-être un jour ne reviendra pas. Sur ce plan, il faut également voir l’exemple réussi de The Way to the Stars (Le chemin des étoiles), un très beau film britannique sur la vie dans une base militaire aérienne pendant la Seconde Guerre mondiale.

Outre Myrna, mention spéciale chez les acteurs à Spencer Tracy, qui livre une performance déchirante d’humanité et qui prouve encore une fois qu’il est brillant dans des seconds rôles bien choisis (voir San Francisco, là encore avec Clark Gable, plus la sémillante Jeanette MacDonald).


Mais aussi…

- Love Me Tonight (1932), de Rouben Mamoulian, avec Maurice Chevalier et Jeanette MacDonald : 1932 est l’année qui voit Myrna percer avec des performances remarquables, la première étant ce second rôle succulent où elle incarne une jeune femme en manque d’hommes, vivant dans un château, entourée de vieillards… Davantage de temps d’écran n’aurait pas été de trop !

- The Animal Kingdom (1932), d’Edward H. Griffith, avec Leslie Howard et Ann Harding : Probablement le rôle de la révélation, car difficile de savoir qui domine entre Ann Harding et Myrna Loy, qui compose ici avec brio l’antagoniste du film, réussissant l’exploit d’humaniser et de rendre attachante une femme « vampire » qui s’accroche à Leslie Howard…

- I Love You Again (1940), de W. S. Van Dyke, avec William Powell : L’un des sommets de William Powell en homme subitement amnésique qui ne se rappelle même plus avoir épousé Myrna Loy (!) ; celle-ci, qui souhaite divorcer (!!), est, comme toujours avec Powell, fascinante par son art comique, sobre et subtil.

- Cheaper by the Dozen (1950), de Walter Lang, avec Clifton Webb et Jeanne Crain : Une Myrna en mère de famille plus mûre dans cette adaptation du célèbre roman « Treize à la douzaine », une interprétation typique de sa deuxième partie de carrière, avec en prime une bonne entente avec un Clifton Webb en excellente forme dans le rôle du père.


…et surtout…

- Libeled Lady (1936), de Jack Conway, avec William Powell, Spencer Tracy et Jean Harlow : Pour plus de détails je renvoie à cet article. Mon film préféré avec Myrna. Une vraie pépite dans laquelle elle irradie de charisme en portraiturant un personnage complexe, entre jeune dame sophistiquée et gente demoiselle à conquérir. Cependant, il s’agit plus ici d’un tour de force collectif que d’une domination de la seule Myrna.


- The Best Years of Our Lives (1946), de William Wyler, avec Fredric March, Dana Andrews et Teresa Wright : Là encore, reportez-vous à cet article de mon comparse le « Docteur ». Il s’agit du premier film que j’ai vu de Myrna, et dans lequel elle m’avait bien plu, puisque son personnage d’épouse d’un Fredric March qui doit se réadapter à la vie civile est fort et touchant.




jeudi 28 avril 2016

LOVE ME TONIGHT – Aimez-moi ce soir


Titre français : Aimez-moi ce soir
Réalisation : Rouben Mamoulian
Genre : Comédie musicale
Date de sortie : 13 août 1932 (USA)
Société de production : Paramount
Scénario : S. Hoffenstein, G. Marion Jr. et W. Young, d’après la pièce de L. Marchand et P. Armont
Photographie : Victor Milner
Durée : 104 min
Casting :               
Maurice Chevalier : Maurice / Baron Courtelin
Jeanette MacDonald : Princesse Jeanette
Charlie Ruggles : Vicomte Gilbert de Varèze
Charles Butterworth : Comte de Savignac
Myrna Loy : Comtesse Valentine
C. Aubrey Smith : Duc d'Artelines


L’HISTOIRE

Maurice, un tailleur parisien, se fait passer pour un baron de haute naissance dans l’espoir d’être payé pour ses services par un aristocrate dépensier, et pour plaire à la jolie Jeanette, une princesse qu’il vient de rencontrer.


L’AVIS DU GÉNÉRAL YEN

Love Me Tonight est probablement la meilleure comédie musicale que j’ai pu voir jusqu’à présent. Tout y est bon, du travail des acteurs à celui du réalisateur, chaque élément de la chaîne apporte sa part d’originalité pour surprendre et ravir le spectateur. Pour 1932, ce film est clairement en avance sur son temps.


Il faut dire que, en ce qui concerne le réalisateur, Rouben Mamoulian, il n’y a là rien de surprenant quand on y repense : on lui doit le Dr. Jekyll and Mr. Hyde de 1931 et le Queen Christina de 1933, deux merveilles de réalisation pour l’époque. Love Me Tonight est un film techniquement splendide parce qu’il regorge de trouvailles dans sa mise en scène, toutes plus géniales les unes que les autres, toutes apportant leur pierre à l’édifice imaginé par Mamoulian. La brillante scène d’ouverture le matérialise mieux que quiconque : on est happé dans le vieux Paris populaire qui s’éveille, chaque son, chaque bruit s’ajoutant à l’autre pour former une mélodie, puis conduire à un Maurice Chevalier qui commence à fredonner une chanson. Le rythme rapide et d’une grande fluidité des scènes maîtresses tient en haleine et ajoute au comique des passages les plus drôles.

Pour un film musical, Love Me Tonight ne tombe pas dans l’excès et n’abuse pas de chansons. Celles-ci paraissent toutes étroitement liées au scénario et sont utiles à l’histoire. Ainsi en est-il d’un des chefs d’œuvre du film, la séquence « Isn’t It Romantic? », qui voit une chanson être transmise de proche en proche, jusqu’à relier entre eux deux personnages et deux mondes diamétralement différents. Par ailleurs, on est ici sur le mode de l’opérette, ce qui signifie que les chansons présentent un effet comique, voire absurde, totalement assumé, et en particulier par un Maurice Chevalier plus guilleret que jamais.



Maurice Chevalier domine d’ailleurs la distribution : il semble comme emporté dans un délire constant parfaitement à propos, bien aidé par un accent français comique au possible, qu’il ne fait d’ailleurs aucun effort pour cacher. Chevalier est dans son élément, et ça se voit : « french lover » assumé, il s’amuse dans toutes ses scènes, chante (presque) faux, mais en faisant rire et en donnant du contenu (« I’m an Apache »). Les passages chantés de Chevalier apportent certainement bien plus que ceux de Jeanette MacDonald, qui reste trop souvent sur un mode opératique, qui sied bien à la cantatrice qu’elle est, mais pas au film.

Sans donner la meilleure prestation de sa carrière, Jeanette MacDonald est cela dit parfaite dans un rôle aristocratique fait pour elle. Probablement l’une des plus douées des actrices de comédie de l’Âge d’or, elle a le don de rendre une scène pleine de légèreté et de finesse à la fois. Elle dégage aussi une excellente alchimie comique avec Chevalier, et par son jeu parvient à le mettre en valeur. Chevalier ne serait pas aussi remarquable sans elle. Un peu en retrait au début (à cause du scénario), Jeanette s’affirme au fil du film jusqu’à imposer sa marque et son charme irrésistible sur la fin (la scène de l’essayage en particulier).


L’humour du film est aussi magistralement porté par une galerie d’acteurs secondaires au jeu d’une richesse infinie. Et en tête de cette jolie troupe l’on retrouve une jeune Myrna Loy épatante, dans un délicieux rôle de comtesse littéralement en manque d’hommes beaux et fringants. Elle offre de loin la meilleure prestation humoristique du film. C'est dire. Je ne suis pas objectif puisque j’adore cette actrice, mais il faut le reconnaître, elle est vraiment fabuleuse. Pour le reste, je ne vais pas m’attarder sur chacun, quoiqu’ils soient tous excellents. Néanmoins, mention spéciale à un cheval, Solitude, qui m’a fait attraper un fou rire. La scène dans laquelle il apparaît offre d’ailleurs plusieurs minutes d’un humour au génie inégalé. Chevalier y a rarement été aussi drôle.

NOTE : 9/10. Ce film est génial. Pour monter plus haut il me manquerait juste une intrigue de fond plus élaborée. Difficile pour une telle comédie, qui y perdrait en légèreté.

vendredi 12 septembre 2014

LIBELED LADY – Une fine mouche


Réalisation : Jack Conway
Société de production : Metro-Goldwyn-Mayer
Genre : Screwball comedy
Durée : 98 min
Date de sortie : 9 octobre 1936 (USA)
Casting :
Jean Harlow : Gladys Benton
William Powell : Bill Chandler
Myrna Loy : Connie Allenbury
Spencer Tracy : Warren Haggerty
Walter Connolly : James B. Allenbury






L’HISTOIRE

La riche Connie Allenbury est faussement accusée d’avoir brisé un mariage par un journal, et le poursuit en justice pour diffamation. Effrayé par le montant des réparations que devrait payer le journal, le rédacteur en chef Warren Haggerty fait appel en désespoir de cause à un collaborateur qu’il avait licencié, le talentueux mais imprévisible Bill Chandler. Il le charge de séduire et de compromettre la farouche héritière, avec le concours de sa propre fiancée, Gladys…


L’AVIS DE GENERAL YEN

Même si j’aime beaucoup le genre, je suis généralement assez difficile avec les screwball comedies. La plupart sont très drôles et agréables à voir, sans pour autant me faire sauter au plafond. Mais, parfois, par son originalité ou le talent de ses acteurs, une arrive à se détacher. Il en est ainsi de Ball of Fire et The Lady Eve, dont le principal atout est Barbara Stanwyck. Et, après une longue quête de la perle rare, j’ai le plaisir de rajouter à ce cercle fermé une trouvaille que j’ai été pêcher, une fois n’est pas coutume, au milieu des années 30 : Libeled Lady, « Une fine mouche » pour le public gaulois.

Libeled Lady, c’est d’abord la réunion de quatre immenses stars des années 30 : William Powell, Myrna Loy, Jean Harlow et Spencer Tracy. Les deux premiers cités ont même formé l’un des plus grands couples on-screen du cinéma, apparaissant conjointement dans pas moins de quatorze films (!), et parmi les plus célèbres The Thin Man et ses cinq suites. 

Chacun des acteurs est au diapason et apporte sa pièce à l’édifice comique que bâtit le film. Spencer Tracy est cynique à souhait dans son incarnation d’un personnage-type de la screwball, le journaliste sans scrupules (dans ce rôle, Cary Grant dans His Girl Friday – « La Dame du Vendredi » – reste à mes yeux la référence). William Powell joue ce qu’il fait le mieux, à savoir le dandy excentrique. Tout chez lui respire la comédie : il amplifie ses gestes de manière absurde et comique, tout en restant un parfait gentleman. Le décalage entre ridicule et filouterie d’une part, classe et délicatesse d'autre part, est le principal vecteur du rire powellien, que l’on retrouve dans The Thin Man par exemple. Les deux actrices jouent des partitions qui se complètent adéquatement. Si Jean Harlow joue avec brio une fiancée délaissée qui se bat pour reconquérir son bien-aimé avec un naturel décapant qu’on ne peut trouver que touchant, Myrna Loy campe une jeune dame distinguée et hautaine, dont les charmes et qualités sont dévoilés au fur et à mesure de l’avancement de l’histoire.

L’intrigue est habilement construite sur deux trames motrices : la relation entre le journaliste Haggerty et sa fiancée Gladys, et celle entre le facétieux Chandler et l’inaccessible Connie. Habilement, car ces trames se chevauchent, au rythme des rebondissements introduits par un scénario très travaillé. C’est ainsi que par exemple, Bill Chandler et Gladys sont amenés à se rapprocher pour mener à bien le plan de Haggerty.  

Le film regorge de scènes comiques à souhait, ma préférence allant clairement à la prestation du duo Myrna Loy / William Powell dont l’alchimie fait des merveilles : lui accentue la drôlerie de son personnage de manière quasi-caricaturale, comme s’il jouait une pièce de la commedia dell’arte, tandis qu’elle semble se gausser de ses efforts d’un œil rieur, lui lançant de temps à autre une réplique imparable de son ton caustique inimitable. Et que dire de cette fameuse partie de pêche où Powell révèle l’étendue de sa capacité à faire rire par le moindre de ses gestes et déplacements…


Conclusion

En plus de me faire découvrir un duo d’acteurs dont je suis devenu un des plus grands fans, Libeled Lady m’a tout simplement proposé le type d’humour que je cherchais, alternant dans les règles de l’art répliques fines et subtiles et situations burlesques dignes d’une jolie farce, ce qui en fait très certainement ma comédie classique favorite. Du moins jusqu’à la prochaine perle comique, qui je l’espère ne tardera pas à se présenter…


NOTE : 9,5/10




dimanche 3 août 2014

THE BEST YEARS OF OUR LIVES - Les Plus Belles Années de Notre Vie


Réalisation : William Wyler
Scénario : Robert E. Sherwood d'après le roman Glory for Me de MacKinlay Kantor
Producteur : Samuel Goldwyn
Société de production : MGM
Musique : Hugo Friedhofer
Genre : Drame
Durée : 172 minutes
Date de sortie : 21 novembre 1946 (USA)
Casting :
Fredric March : Al Stephenson
Dana Andrews : Fred Derry
Harold Russell : Homer Parrish
Myrna Loy : Milly Stephenson
Teresa Wright : Peggy Stephenson
Virginia Mayo : Marie Derry
Cathy O'Donnell : Wilma Cameron
Hoagy Carmichael : Oncle Butch


L’HISTOIRE

En 1945, à la fin de la seconde guerre mondiale, trois soldats démobilisés, le sergent d'infanterie Al Stephenson, le capitaine de l’armée de l’air Fred Derry et le marin Homer Parrish, font connaissance à bord de l'avion qui les ramène à Boone City, leur ville natale. Partagés entre l'impatience de retrouver les leurs et l'appréhension de leurs réactions, ils vont devoir se réadapter à la vie « normale »...


L’AVIS DE FU MANCHU

J’étais un peu sceptique avant de commencer ce film, sa longueur (plus de 2h40 !) me freinant beaucoup. Mais ayant lu de bonnes critiques, je me suis lancé, quitte à le voir en deux fois… Et le moins que l’on puisse dire, c’est que je n’ai pas été déçu, tellement ce film m’a donné exactement ce que je voulais y trouver, et plus encore. The Best Years Of Our Lives est un film magnifique, et je n’ai clairement pas vu le temps passer tellement j’étais absorbé par l’intrigue et l’ambiance du film.



Points forts

The Best Years Of Our Lives est d’abord et avant tout l’histoire d’une époque, et ce film nous donne un témoignage de la vie dans une petite ville des Etats-Unis pendant l’immédiat après-guerre. Le fait que le film ait été tourné juste après la guerre (1946) est très intéressant en lui-même, car ce n’est donc pas un film historique que nous avons là. C’est un film qui avait pour but de montrer aux américains le destin de ces soldats retournant chez eux après la guerre, destin qui devait toucher bon nombre de familles à l’époque. D’ailleurs, The Best Years Of Our Lives n'est pas un mélodrame larmoyant s'apitoyant sur le sort de ces soldats, mais touche plutôt au drame social « contemporain ». 


On retrouve cet appel à « l’universalité » - une histoire qui doit toucher tous les Américains, et le monde entier finalement - dans les trois histoires développées en parallèle. Le film suit trois soldats, provenant des trois corps d’arme composant l’armée américaine : l’armée de l’air, l’armée de terre et la marine. Une manière de réunir tous les soldats, toutes les histoires réelles, et de permettre plus facilement l’identification aux personnages pour le plus grand nombre. 

De même, les trois soldats viennent de trois classes sociales différentes : Al Stephenson (Fredric March), le sergent d'infanterie, appartient à la classe supérieure aisée, et est banquier dans la vie civile. Homer Parrish (Harold Russell), le marin, vient de la classe moyenne supérieure, sa famille possède une maison de banlieue très américaine. Enfin le troisième homme, Fred Derry (Dana Andrews), est issu de la classe populaire et travaillait comme vendeur de glaces dans un magasin avant la guerre. Il est d’ailleurs très intéressant de remarquer que dans l’armée, les distinctions sociales s’effaçaient pour faire place à une autre hiérarchie : c’est ainsi le capitaine Fred Perry, l’homme le moins bien loti dans la vie civile, qui avait préséance devant le sergent Al Stephenson. C’est très intelligemment fait, car outre de pointer l’armée comme facteur de réunion et de promotion par le mérite, cela montre que les positions sociales ne reflètent pas forcément la valeur de chacun. D’ailleurs, les trois hommes vont sympathiser facilement à bord de l’avion qui les ramène chez eux.

On aborde alors un moment que j’ai trouvé remarquablement réalisé dans ce début de film, c’est le retour successif des trois soldats dans leurs foyers respectifs. Je trouve vraiment l’idée très intéressante : tous les trois prennent un même taxi (il y a sûrement beaucoup de symbolique là aussi, mais je ne vais pas trop m’étendre) et sont déposés un par un chez eux. Chaque fois, on a l’attente combinée à l’appréhension, chacun étant inquiet de ce qu’il va trouver chez lui, mais soutenu et encouragé par les autres. J’y vois une vraie symbolique, comme un défilé de destins : c’est le marin, le moins haut gradé, qui est déposé en premier, celui qui a le plus à craindre (il est amputé des mains, mais j’y reviendrai), ayant laissé une fiancée aimante et qui craint d’être repoussé, d’être regardé en horreur. Puis c’est au tour du sergent, qui n’a pas vu sa femme et ses enfants depuis des années, et qui se demande ce qu’il va retrouver. Enfin c’est au tour du meilleur des soldats, du héros de guerre, qui rentre dans la pauvre maison désordonnée de ses parents, prêt à retrouver sa femme qu’il n’a connu que quelque temps, l’ayant épousée juste avant de partir au front. 
Je ne veux pas trop révéler l’intrigue, mais il est déjà très intéressant de suivre ces trois destins, aux chemins séparés mais imbriqués, dans les méandres de leur vie familiale, professionnelle et sentimentale d’après-guerre. La force émotionnelle de leurs histoires ne peut que nous toucher, et la symbolique omniprésente et très étudiée est vraiment passionnante (la scène où Dana Andrews se retrouve dans un cimetière d’avions vers la fin du film, lui l’ancien as de l’aviation, est particulièrement puissante et évocatrice).

Passons aux acteurs, maintenant, tous excellents dans leurs rôles, aucun ne volant la vedette à l’autre : en fait, c’est à chacun de nous de « choisir » et  nous identifier au personnage, à l’histoire qui nous parle le plus. 
Fredric March est très crédible dans son rôle de père de famille et de mari qui essaye de se réhabituer à sa vie civile, et souvent assez drôle (il simule très bien l’ivresse et les lendemains de beuverie, dirons-nous…). On voit l’influence de la guerre sur lui, ses habitudes sont chamboulées (il lui est difficile de se réhabituer à dormir dans son lit, par exemple), et l’approche de son métier en est modifiée quand il doit décider s’il doit octroyer ou non un prêt à un ancien soldat. Sa complicité et son alchimie avec Myrna Loy, qui joue sa femme Milly, est frappante. Celle-ci est d’ailleurs parfaite dans son rôle de femme aimante, son jeu est toujours très juste, sans excès ou larmoiement excessif.
Le cas d’Homer Parrish a un intérêt particulier, car Harold Russell n’était pas un acteur professionnel, et son jeu est très subtil et ne suscite pas l'apitoiement. Il était réellement amputé des mains, chose que l’on découvre tout en douceur dans ce film, dans une très belle scène, très émouvante mais tout en retenue. Sa compagne Wilma est parfaitement interprétée par la douce Cathy O'Donnell, qu’il n’est pas trop difficile de trouver absolument adorable.
Le capitaine Fred Derry est joué par Dana Andrews, que j’ai toujours trouvé excellent dans ses films, et celui-là ne déroge pas à la règle. C’est d’ailleurs son histoire que j’ai trouvé la plus captivante, car c’est lui, à qui la guerre a, d’une certaine manière, le plus souri (capitaine, héros de guerre), qui va subir le plus durement le retour à la vie civile et le déclassement qu'il implique. Virginia Mayo interprète sa femme Marie, qu'il a épousée peu avant de partir au front.
Enfin, coup de coeur personnel pour Teresa Wright, qui complète le panorama de caractères très riches de ce film avec le rôle de Peggy Stephenson, la fille d’Al. Jeune femme de caractère, forte de ses convictions mais aussi profondément humaine et extrêmement attachante, elle va avoir un rôle déterminant dans l’intrigue romantique d’un de nos héros...
J’ai aussi bien aimé le personnage d’Hoagy Carmichael - pianiste de profession - qui joue l’oncle d’Homer Parrish, toujours de bon conseil et dont le bar va servir aux réunions des trois amis.

Question réalisation, j’ai trouvé très bien construites certaines séquences : je pense à cette scène du petit-déjeuner dans la cuisine de la famille Stephenson, aux très longs plans fixes et où les personnages entrent, parlent et sortent sans aucune coupure ou presque. Cela permet de donner l’impression que l’on assiste à une vraie scène de la vie quotidienne d’une famille que William Wyler a juste « capturée ». Même chose lors de plusieurs moments importants dans le film, où cette fois la caméra, toujours en plan fixe (c’était assez courant chez Wyler apparemment) réussit à capter deux scènes en une, au premier plan et à l’arrière-plan. Wyler utilise cette technique au moins deux fois dans le film, lors d’une scène où Dana Andrews est au téléphone à l’arrière-plan, et lors de la scène finale. Il y a d’ailleurs un certain écho entre ces deux scènes qui n’est peut-être pas dû au hasard. Il pourrait y avoir une symbolique dans la distance entre Andrews et son interlocuteur, qui évolue de manière flagrante entre ces deux scènes, et si c'était vraiment l'intention de Wyler de relier les deux scènes entre elles, je trouve ça… génial, si si, n’ayons pas peur des mots !

Après avoir évoqué toutes les caractéristiques du film, il y en a une que je n’ai pas évoquée et qui m’a marquée, moi amateur de symboles, c’est la signification du titre, The Best Years Of Our Lives : « les plus belles années de notre vie ». Car c’est finalement le personnage de Marie Derry (Virginia Mayo), la femme de Fred, qui prononce la fameuse phrase : « I gave up the best years of my life », faisant référence aux sacrifices qu’elle dit avoir fait depuis le retour de Fred à la maison, les plus belles années de sa vie étant donc les années d'absence de Fred : les années de guerre. Ce qui est d’autant plus intéressant, et montre que le titre renvoie pour chaque personnage à une notion différente. Cela rappelle aussi que les années passées à la guerre sont pour les trois héros des années « perdues », où les autres ont continué à vivre et qu’ils ont pu apprécier. Alors que pour les trois soldats revenant du front, les plus belles années de leurs vies sont probablement encore à venir, c’est même leur futur immédiat (c’est mon interprétation, mais le message du film, vu son déroulement, me semble fondamentalement positif).


Points faibles

Vu que je vais mettre la note maximale à ce film (mais si !) et que je l'ai vraiment aimé de bout en bout, je vais faire une exception à la règle et ne pas mettre de point faible. Il est de toute façon tout à fait possible d'être moins touché par le film et concerné par les thèmes abordés…


Conclusion

The Best Years Of Our Lives est vraiment l’un des tous meilleurs films « classiques » que j’ai vus. A l’heure actuelle, seul Leave Her To Heaven (Péché Mortel) avec Gene Tierney m’a fait plus d’effet. C’est cela dont je parlais pour Mr. Smith Goes To Washington, et qui prend ici encore plus d’importance : lorsque le film vient de se terminer, on a une sensation de perfection. En fait, c’est un de ces cas où le film a comblé toutes nos espérances, et mieux encore : il les a dépassées.


NOTE : 10/10