lundi 31 décembre 2018

PANDORA AND THE FLYING DUTCHMAN - Pandora



Pays : Royaume-Uni
Réalisation : Albert Lewin
Genre : Drame, Fantastique
Date de sortie : Février 1951
Scénario : Albert Lewin
Photographie : Jack Cardiff
Musique : Alan Rawsthorne
Durée : 122 min
Casting :                
James Mason : Hendrik van der Zee
Ava Gardner : Pandora Reynolds
Nigel Patrick : Stephen Cameron
Sheila Sim : Janet
Harold Warrender : Geoffrey Fielding
Mario Cabré : Juan Montalvo


L’HISTOIRE

1930. Sur la plage d’un petit port espagnol, deux corps sans vie sont retrouvés dans les filets des pêcheurs. Assistant à la scène, le vieil archéologue George Fielding se remémore comment tout a commencé, quand le chemin de la belle Américaine Pandora Reynolds, fantasme de tous les hommes, a croisé celui du mystérieux Hendrik van der Zee, le marin maudit de la légende…


L’AVIS DU GÉNÉRAL YEN

Dès les premiers instants du film, vous comprenez : la mer qui rejette deux corps, la vue sur une baie ensoleillée, le carillon qui résonne. D’emblée, une tonalité fataliste s’installe, une atmosphère comme je les aime s’impose. Malgré sa longueur, propre aux films d’aventure, le rythme de ce mélodrame imbibé de couleur locale espagnole ne s’amenuise pas, et cette ambiance si singulière reste présente du début à la fin.

La force de Pandora réside dans la confrontation entre deux icônes. Car si le Hollandais Volant est un mythe bien connu qui a fasciné nombre d’auteurs, le film articule à cette première légende une seconde, plus tangible : celle d’une femme fatale, Pandora. Ce nom évoque bien sûr le mythe grec éponyme, ce qui renforce le fatalisme du film ainsi que sa portée symbolique.

Pandora Reynolds est à bien des titres un personnage rare et fascinant. Sa troublante beauté séduit chaque homme qu’elle rencontre, et tous la courtisent, rivalisant pour cela d’audace remplie de symbolisme viril (course automobile, corrida). Les arômes de la tragédie semblent s’animer à son passage : quand un prétendant éconduit se suicide, elle s’éloigne, lasse de cette démonstration de passion vaine ; à un autre qui se dit prêt à tout pour elle, elle le teste en lui demandant de sacrifier ce qu’il a de plus cher au monde après elle. Comme la Pandore de la mythologie, elle semblé vouée à semer le malheur. Son désintérêt presque cruel pour le désir des hommes lui confère une réputation sulfureuse. Il faudra finalement attendre sa rencontre avec l’un des plus grands Maudits de la littérature pour que, paradoxalement, elle puisse s’humaniser : le héros maudit sera la rédemption de la beauté fatale, et vice-versa. Le thème du film est admirablement construit et s’allie parfaitement avec l’atmosphère mélancolique de la réalisation d’Albert Lewin, par ailleurs ponctuée de scènes aux décors somptueux.

Côté acteurs, le choix du couple Ava Gardner / James Mason relève presque de l’évidence, tant il fonctionne à la perfection. Car il faut bien le souligner : la caméra aime Ava Gardner, dont la beauté est sans cesse mise en valeur, magnifiée par l’usage de la couleur (comme il aurait été dommage de s’en priver !). L’actrice est l’interprète idéale de Pandora : sa réserve naturelle sert la construction de son personnage, car tout dans cette femme est ambiguïté. Elle oscille sans cesse entre froideur (l’indifférence apparente, le souci de garder une certaine dignité quoi qu’il en coûte) et chaleur (jeux de séduction subtils, soif d’une passion jusqu’alors inconnue). L’équilibre entre les deux pôles est maîtrisé par l’actrice, dont l’atout majeur est l’intense présence physique, entre élégance et sensualité, mais surtout, entre attitude déterminée face aux hommes et expression du doute dans le sens à donner à sa vie (qui est la clé de compréhension de sa façon d’agir).



Quant à James Mason, il prouve encore une fois (cf. Odd Man Out) qu’il a un don pour incarner avec conviction des héros au destin tracé, maudits. Son aura teintée de charisme désenchanté sied à merveille au marin légendaire, qui est ici voué à parcourir les sept mers jusqu’à ce qu’une femme soit prête à mourir pour lui. Notez que sa présence scénique n’en est que plus forte quand s’installent des clair-obscur d’une grande beauté cinématographique, ce qui n’est pas sans rappeler les techniques du film noir (cf. en particulier le splendide « mélodrame noir » en couleurs LeaveHer to Heaven).

Les autres personnages qui gravitent autour du couple protagoniste servent surtout à mieux faire ressortir leurs personnalités ou à proposer des rebondissements scénaristiques. Leurs interprètes ne sont guère mémorables, à l’exception de deux d'entre eux. Incarnant le torero Montalvo, Mario Cabré livre une prestation solide grâce à son charisme machiste, rempli d'orgueil et de frustration.  Quant au narrateur de notre histoire, l’archéologue Geoffrey Fielding, il est joué par Harold Warrender, un acteur qui évoque le personnage-type du vieux sage (ce qui renforce sa fascination pour le Hollandais Volant), et dont le regard bleu pénétrant couve Pandora d’une bienveillance toute paternelle… non dénuée d’une pointe de désir. Mais pouvait-il en être autrement ?

NOTE : 8/10.

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