dimanche 31 août 2014

TOP 5 : LES FEMMES FATALES

Je l'ai déjà souligné, j'apprécie beaucoup les films noirs pour leur ambiance si particulière et leur travail esthétique sur l’image en noir et blanc, qui y est sublimée. Ils excellent aussi dans leurs codes, et en particulier dans leurs personnages archétypaux, dont le sujet de cet article, la femme fatale, est le plus bel exemple. 

Attention, si dans son sens actuel le mot désigne généralement une femme aguicheuse irrésistiblement désirable, la femme fatale des films noirs est avant tout une anti-héroïne, une femme qui tente de nuire au héros, et c’est bien là le sens du terme « fatale » : dangereuse et mortelle. Mais si la femme fatale est devenue un mythe, c’est bien sûr parce qu’elles allient en principe beauté et séduction afin d’assouvir leurs noirs desseins. Voici donc ma sélection des plus grandes femmes fatales.


N°5 : KATHIE MOFFAT (Jane Greer) dans Out of the Past

Ancienne maîtresse d’un truand, qui l’accuse de l’avoir volé après lui avoir tiré dessus, Kathie séduit le détective à ses trousses et le persuade de son innocence.


J’avais été au départ un peu déçu par Jane Greer dans Out of the Past, m’attendant à une prestation plus charismatique. Sauf que, justement, c’est dans sa réserve que Kathie Moffat détonne : elle nous berne tous – les personnages du film et les spectateurs. On en finit par douter qu’elle soit fatale. Eh bien si, et elle est même létale !

Son innocence, sa candeur, nous font oublier son charme fou. Son atout maître, c’est cette douceur dans tout son être qui séduit et qui fait qu’on lui pardonne tout. Elle a un temps d’avance sur tout le monde : inoffensive quand on se méfie d’elle, elle se révèle sans scrupules quand on s’y attend le moins. Oubliez les gangsters menés par Kirk Douglas. La « bad girl », c’est elle.


A voir – Le moment où le héros retrouve Kathie dans un bar à Acapulco : il la découvre pour la première fois et l’aborde dans une scène remplie de non-dits, de bluff et, déjà, de séduction.





N°4 : GILDA MUNDSON FARRELL (Rita Hayworth) dans Gilda

Au cœur d’un triangle amoureux, Gilda est la nouvelle épouse d’un patron de casino et l’ex-fiancée de son associé, qui a pour charge de la chaperonner.


Bien qu’elle n’en soit pas l’héroïne, le film porte son nom. Difficile dès lors d’imaginer que cette Gilda soit autre chose que le sujet même du film, l’obsession qui poursuit les deux protagonistes masculins dans leur quête commune. Gilda est la femme fatale fantasmée : objet de désir des hommes, elle est leur jouet tout en jouant avec eux, et va jusqu’à dérégler le « pacte » qui devait mener aux succès les deux hommes qui la convoitent.


Mais que retenir d’autre d’elle que le formidable pouvoir de séduction d’une Rita Hayworth dans le rôle de sa vie ? Bien qu’elle surjoue la femme aguicheuse au possible, à la limite de la caricature, c’est néanmoins efficace : on ne voit qu’elle.

A voir – Elle chante à deux reprises la même chanson : Put the blame on Mame. La première, où elle s’accompagne d’une guitare et avec pour seul spectateur un vieux complice, la montre sous son jour doux et charmant. La seconde, sur la scène d’un music-hall, est l’occasion pour elle de mimer la femme frivole, provocante et sensuelle, en particulier au moment où elle enlève lentement le long gant noir de son bras pour le plus grand plaisir de l’assistance masculine.



N°3 : KATHARINE MARCH (Joan Bennett) dans Scarlet Street

Poussée par un fiancé sans scrupules, Katherine « Kitty » March profite de la crédulité d’un homme marié amoureux d’elle pour lui soutirer de l’argent.

Dans Scarlet Street, Fritz Lang filme la déchéance d’un homme ordinaire et sans histoires, qui va tomber dans les filets d’une fille de basse extraction, Kitty. Surnommée Lazy Legs (jambes paresseuses) par son fiancé, c’est une femme pleine de nonchalance, limite vulgaire, ce qui, loin de nuire à ses charmes, décuple son potentiel d’attraction. Or, consciente de ses atouts, elle les met au service de son avidité et de son besoin de complaire à son compagnon.


C’est la seconde fois que Joan Bennett incarne une femme fatale dans un film de Lang et avec comme « victime » l’acteur Edward G. Robinson. Mais l’Alice Reed de The Woman in the Window souffre de la comparaison face à notre Katharine March. Joan Bennett donne à cette dernière une force et un charisme que la première n’a pas, et que beaucoup d’autres n’ont jamais égalés. Sa Kitty est un personnage haut en couleur qui ne s'oublie pas.

A voir – La scène où Kitty demande à sa « proie », désireuse de peindre son portrait, de lui peindre les ongles de ses orteils en lui tendant son pied de façon sensuelle (« Paint me ! »).


N°2 : ELLEN BERENT HARLAND (Gene Tierney) dans Leave her to Heaven

D’une jalousie maladive, Ellen est prête à tout pour conserver les faveurs d’un mari qu’elle vénère.

Ellen Harland cumule les contradictions : d’une beauté froide sublime, elle est fougueuse et passionnée en amour ; douce et attentionnée envers son mari, elle cache dans les profondeurs d’un regard bleu électrique une folie destructrice.

Pour son interprétation d’Ellen, Gene Tierney a travaillé son plus bel atout : ses yeux. Le regard d’Ellen parait tantôt fixe et comme perdu dans un songe, tantôt dur et déterminé. La couleur (Leave her to Heaven est filmé en technicolor) amplifie ce phénomène : on est comme happé dans les yeux de l’actrice et dans ses pensées tourmentées. Ceci combiné à sa beauté presque éthérée amplifie ses émotions et rend apparente à l’écran l’hyper-sensibilité d’Ellen.

La force du personnage est d’être le pivot de l’histoire, alors qu’elle n’en est pas l’héroïne. C’est elle qui agit, elle qui déroule le fil de l’intrigue comme bon lui semble. Son mari assiste impuissant aux drames successifs et subit ses caprices. Ellen réussit à séduire, captiver et à se faire détester d’une manière inoubliable : elle mérite bien sa seconde place à ce classement…

A voir – L’instant où Ellen apprend que son mari écrivain a dédicacé son dernier livre à sa discrète mais néanmoins ravissante belle-sœur. Son regard exprime tour à tour la surprise, l’incompréhension puis le chagrin et la haine...


N°1 : PHYLLIS DIETRICHSON (Barbara Stanwyck) dans Double Indemnity

Afin de toucher une prime d’assurance, Phyllis planifie l’assassinat de son mari avec un agent d’assurance tombé sous son charme.

J’ai déjà évoqué dans un article sur ce film toute mon admiration pour Barbara Stanwyck et son personnage de Phyllis Dietrichson. Oui, décidément oui, Phyllis réussit l’exploit de me donner la chair de poule par sa froide détermination tout en étant séduisante. Le charisme de cette femme lui donne le petit quelque-chose en plus et rend sa prestation géniale et unique.

A voir – Beaucoup de scènes valent le coup d’œil… Mon choix se porte sur celle où, après son apparition en serviette de bain, elle descend l’escalier avec une féminité si simple et pourtant si intense, sous le regard d’un Walter Neff subjugué par ses jambes et son bracelet de cheville…  

C’est ça, la force de Phyllis : elle n’a même pas besoin de pousser la démonstration à l’extrême façon Gilda. Elle incarne la vraie femme fatale.


Et si  votre voisine était une tueuse sans que vous le sachiez ? C’est cette femme qu’est Phyllis, sous son apparente banalité. Sa coiffure blonde de mauvais goût (une perruque en réalité), son physique commun, son attitude un peu vulgaire, sont éloignés des canons de la femme fatale au physique ravageur.

Et pourtant : il émane de Phyllis, la « femme fatale ordinaire », un charisme et un charme sans égaux, et, alors même que ses intentions maléfiques sont connues, on n’aspire qu’à y succomber. C’est ce qui la place devant toutes, et en fait pour moi, l’incarnation la plus réussie de ce personnage mythique du film noir.


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