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mercredi 28 octobre 2015

THE PRISONER OF ZENDA – Le Prisonnier de Zenda (1937)


Réalisation : John Cromwell
Société de production : Selznick International Pictures
Scénario : John L. Balderston, Wells Root et Edward E. Rose, d’après le roman d’Anthony Hope
Photographie : James Wong Howe
Musique : Alfred Newman
Date de sortie : 2 septembre 1937 (USA)
Durée : 101 min
Casting :               
Ronald Colman : Rudolf Rassendyll / Rudolf V
Madeleine Carroll : Princesse Flavia
Douglas Fairbanks Jr. : Rupert of Hentzau
Raymond Massey : Duc Michael
Charles Aubrey Smith : Colonel Zapt
David Niven : Fritz von Tarlenheim
Mary Astor : Antoinette de Mauban


L’HISTOIRE

Un Anglais en visite à Strelsau, capitale d’un pays (fictif) d’Europe centrale, est contraint de prendre la place du futur souverain du royaume, auquel il ressemble fortement, après que celui-ci ait été drogué par ses ennemis.


L’AVIS DU GENERAL YEN

Dans un film, la première impression donnée au spectateur est déterminante, et une séquence d’introduction réussie est pour moi essentielle. La plupart de mes « classiques » favoris disposent d’un générique de légende, et on peut citer parmi les plus célèbres ceux de Double Indemnity, Sunset Boulevard ou Leave Her to Heaven. Et c’est pourquoi The Prisoner of Zenda m’a emporté dès son entame, grâce à une musique de générique toute en trompettes, solennelle et jubilatoire, annonciatrice (à mon plus grand plaisir) d’un thème musical récurrent tout au long du film.

Adaptation d’un roman d’aventure d’Anthony Hope, The Prisoner of Zenda figure une trame narrative qui me séduit tout particulièrement : un personnage prend la place d’un autre. Et quand cet autre n’est autre qu’un roi, et que le destin d’un royaume est en jeu, les quiproquos, les mensonges et les sous-entendus sont d’autant plus savoureux. Guidé par deux fidèles du futur roi Rudolf assommé par les somnifères destinés à lui faire rater son propre couronnement, l’étranger de passage Rudolf Rassendyll (Ronald Colman) accepte d’entrer dans la peau de celui auquel il ressemble comme deux gouttes d’eau. Il va faire la rencontre (charmante) de la promise du roi, la princesse Flavia (Madeleine Carroll), et celle (navrante) de son frère et rival le duc Michael (Raymond Massey), suivi comme son ombre par son âme damnée, le génial Rupert of Hentzau (Douglas Fairbanks Jr.).



Quoique le scénario, pourtant basé sur un roman à succès et la pièce de théâtre qui en est tirée, ne verse pas dans l’originalité (on est dans l’intrigue de cape et d’épée la plus pittoresque), il n’en reste pas moins une recette efficace pour un bon divertissement, ce qui est la qualité première requise pour un film d’aventure. Et l’essentiel n’est pas là, mais dans la mise en scène, qui allie le grandiose, comme dans la superbe scène du couronnement sublimée par les chœurs, à l’humour subtil (la relation Rudolf / Flavia) et exubérant (le machiavélique Rudolf of Hentzau dans ses œuvres).

Les décors ne sont pas en reste, et la photographie noir et blanc du maître James Wong Howe est si riche qu’elle fait passer l’envie de couleur, pourtant souvent indispensable aux grandes fresques d’aventures. Le noir et blanc est ici mis à profit pour insister sur la dichotomie traditionnelle du genre entre le bien (Rudolf Rassendyll, vêtu d’un uniforme blanc lors du couronnement) et le mal (les sbires du duc Michael, en hussards noirs). Chaque scène semble avoir lieu dans un décor différent, ce qui renforce une certaine impression de théâtralité (probablement due à la pièce qui a inspiré le film), sans pour autant qu’elle soit un défaut, vu le cadre (monarchique et pompeux) de l’histoire. Les scènes de nuit sont vraiment très belles, que ce soit la promenade dans le jardin, les discussions à la lumière de la bougie ou du feu de l’âtre, ou encore les ombres des escrimeurs dans les sous-sols d’un château.

Jeu d'ombres sur le duel final
Les hussards noirs à l'écoute du Duc












Côté acteurs, deux hommes survolent le casting, dans des styles très opposés. Ça méritait bien une nouvelle rubrique, inspirée par deux généraux fameux :

Le Yen et le Yang

Le Yen (héros sacrificiel) : Ronald Colman (Rudolf Rassendyll / Rudolf V), dans l’un de ses plus beaux rôles, est particulièrement brillant et charismatique. Son plus grand mérite est sans doute de réussir à peindre avec justesse deux personnages aux tempéraments et aux comportements bien distincts (l’héritier du trône alcoolique et irresponsable / l’étranger humble, généreux et déterminé).

Le Yang (génie du mal) : Douglas Fairbanks Jr. fait de Rupert of Hentzau l’un des méchants les plus géniaux du cinéma classique. Dans le style du « vilain » jubilatoire, l’acteur campe un être manipulateur et fourbe. Ses yeux clairs exorbités, son verbe facile et sa gouaille excentrique concourent à en faire le principal élément comique du film, et chacune de ses apparitions est jubilatoire. Sa joute oratoire avec Colman dans la seconde partie du film est un petit chef d’œuvre.

Le terrible Rupert of Hentzau...
La princesse Flavia, pensive...











Il est temps de faire une pause, et le Général Yen vous invite à découvrir la suite de la distribution autour d’un bon thé :

Le Thé du Général

Sucré : Madeleine Carroll, une actrice que j’apprécie beaucoup, qui charme par sa beauté, sa classe toute britannique et ses notes d’humour, sans pour autant éviter des passages très niais. On lui pardonne volontiers.

Parfumé : Mary Astor, en « gentille » dame éprise du « méchant », un des rôles, joué avec une grande délicatesse, qui m’a fait apprécier cette actrice (très séduisante dans Dodsworth, calamiteuse dans The Maltese Falcon).

Rond en bouche : C. Aubrey Smith et David Niven, les deux acolytes du roi, un apport comique irrésistible.

Corsé puis amer : Raymond Massey, un excellent « Black » Michael au début (mimiques haineuses drôles à souhait), qui perd de sa superbe sur la fin (la faute en partie au scénario).


NOTE : 8/10. Un film d’aventures qui tient ses promesses, aux allures de comédie épique, porté par une excellente galerie d’acteurs principaux et secondaires et des dialogues d’anthologie dans des scènes de grande classe. Quelques défauts toutefois : une romance parfois trop fleur-bleue malgré une bonne alchimie Colman / Carroll, une dramatisation très caricaturale à la fin. 

jeudi 14 août 2014

RANDOM HARVEST – Prisonniers du passé


Réalisation : Mervyn LeRoy
Scénario : Arthur Wimperis, George Froeschel, Claudine West d'après le roman de James Hilton
Société de production : MGM
Musique : Herbert Stothart
Genre : Drame
Durée : 125 minutes
Date de sortie : 17 décembre 1942 (USA)
Casting :
Ronald Colman : John Smith / Charles Rainier
Greer Garson : Paula Ridgeway / Margaret Hanson
Philip Dorn : Docteur Jonathan Benet
Susan Peters : Kitty


L’HISTOIRE

Le jour où la fin de la Première Guerre Mondiale est prononcée, un soldat amnésique se faisant appeler John Smith s’échappe de l’asile où il était soigné. Errant et perdu, il est aidé par une jeune femme qui prendra soin de lui. Il s’installe avec elle dans un village du Devon et devient journaliste. Se rendant à Liverpool pour signer son contrat, il est renversé par une voiture : l’accident lui rend sa mémoire d’avant-guerre, mais tous ses souvenirs depuis son premier accident sont effacés…


L’AVIS DE FU MANCHU

Avec Random Harvest, on entre dans cette catégorie de films aux scénarios tellement improbables qu’ils n’en sont que plus captivants, le genre d’histoire qui inspire les réalisateurs : après tout, le cinéma a pour vocation de montrer des événements dignes d’intérêt, et d’autant plus magnifiques qu’ils en sont romanesques… Et c’est exactement ce qui m’a attiré dans Random Harvest : l’histoire d’un amnésique qui refait sa vie avec la femme dont il est tombé amoureux, avant, suite à un deuxième accident, de ne plus se souvenir de sa rencontre avec elle : oui, il y avait tout pour me plaire ! Il y a d’ailleurs beaucoup de choses dans ce film qui sont caractéristiques de ce que j’aime retrouver dans une histoire, notamment le thème du héros possédant une « anormalité » - qu’il soit « handicapé » ou doté d’un pouvoir extraordinaire, et cette quête de l'identité, ce rapport au passé presque obsédant...
Le titre le suggère, cette « récolte aléatoire », c’est une succession d’événements extraordinaires, de hasards du destin : c’est cette bombe qui, tombant au hasard, a rendu John Smith amnésique. C’est cette rencontre par hasard avec le personnage de Paula. C’est son deuxième accident, dû à une collision avec un taxi… par hasard. C’est cette suite de hasards qui donne une histoire, certes incroyable, mais tellement intéressante…


Points forts

Le scénario est donc ce qui m’a attiré d’emblée vers le film, et qui a réussi à me captiver tout du long. La première partie est assez classique, assez longue, et prend le temps de montrer l’attachement grandissant des deux personnages principaux. L’ambiance de début, et notamment celle de la « fuite » de l’asile, est très bien restituée, tout en mystère, dans cette atmosphère brumeuse de la lande anglaise, avec ce brouillard oppressant qui semble enfermer le héros, John Smith (Ronald Colman), plus que l’asile lui-même : il avance perdu, comme dans un rêve, prisonnier de son esprit plus que des murs de l’asile dont il s’échappe assez facilement. Ce qui est très intéressant, c’est que l’on se rend compte que ce n’est pas l’asile qui est « l’ennemi » - cela ressemble plus à un hôpital d’ailleurs -, mais bien son esprit, véritable prison intérieure dont il peine à sortir, pouvant à peine prononcer quelques mots.
C’est le personnage de « Paula » (Greer Garson), nom de scène d’une chanteuse de music-hall, qui va faire retrouver la lumière à son « Smithy », en lui prodiguant l’attention dont il a désespérément besoin pour sortir de son mutisme. Là encore, le film prend son temps dans la narration de la romance entre ces deux personnages : cela peut sembler long, mais on est alors pris au jeu, et on s’attache à eux alors que leur amour s’installe petit à petit et que leur bonheur semble grandir avec les années, les événements heureux s’enchaînant les uns les autres.
Et c’est cela qui est très bien pensé : on est d’autant plus peiné pour eux quand l’accident de Smith arrive. Quand lui ne se rappelle rien, le spectateur sait, ce qui engendre une attente, très bien travaillée. On le voit rejoindre sa famille, avoir d’autres plans pour son futur, sans Paula… Sans Paula. Puisque le personnage de Paula disparait totalement de l’histoire pendant ce temps-là, pour ne réapparaître que lors d’une scène très intéressante, et très bien amenée scénaristiquement. D’autant plus que l’on n’a envie que d’une seule chose, c’est qu’il la reconnaisse…

Moi qui aime beaucoup les symboles, j’ai été comblé avec celui de cette fameuse clé : la clé de la maison que John Smith occupait avec Paula, et qu’il a gardée avec lui après avoir retrouvé son ancienne vie. C’est la clé de sa mémoire (ce que suggère la fin d’ailleurs, et le moment où il retrouve définitivement sa mémoire est le moment où il utilise cette clé), mais aussi la clé de son amour perdu pour Paula. Il la garde toujours sur lui, et elle lui rappelle (et à nous aussi) constamment ce passé oublié. Il est prisonnier de son passé – comme le rappelle le titre francophone – parce qu’il n’arrive pas à se souvenir de ces années passées avec Paula, qui sont pourtant essentielles dans sa vie et qui ont fait son bonheur.
Cette clé, c’est donc le rappel constant d’un manque, qui ne pourra être comblé que lorsqu’il retrouvera accès à sa mémoire – lorsqu’il se rappellera Paula. Le fait qu’il ne ressentait pas ce manque avant, quand il vivait avec Paula en tant qu’amnésique, est aussi intéressant : on voit bien que sa vie d’avant-guerre ne lui plaisait guère, et il n’est d’ailleurs pas réellement « heureux » après avoir retrouvé sa véritable identité. Enfin, cette symbolique de la clé donne lieu à une très belle scène, la scène du théâtre, où la fameuse clé est mise en évidence au son de la musique sublime et entêtante du Lac des Cygnes… (Rien que d’y penser ça me donne des frissons, si si je vous assure !).

Concernant les personnages maintenant, Ronald Colman livre une excellente performance dans la double-peau de John Smith / Charles Rainier. Il y a comme une note de roman d’apprentissage dans l’histoire de son personnage, qui commence perdu et égaré, avant de s’accomplir puis de reperdre la mémoire, devant se reconstruire à nouveau, mais n’étant pleinement heureux et « complet » que lorsque ses deux moitiés sont enfin réunies. Je trouve sa prestation d’amnésique assez convaincante, et le fait qu’il ne sache plus parler correctement est aussi très intéressant : d’une certaine manière, ayant perdu son passé depuis son enfance, il a aussi perdu son éducation, et doit donc réapprendre à vivre en société. Au final, son personnage est très attachant et réussi.

Face à lui, une actrice que j’ai découverte sur ce film, Greer Garson joue le rôle de Paula Ridgeway / Margaret Hanson. Dès sa première scène, j’ai été comme happé par son regard (« Aaah mais, quelle classe !! »), et elle donne à son personnage une présence incroyable, tour à tour mystérieux (scène de la rencontre), empathique, drôle (« She’s Maaa Daiiiisy !!! »), puis admirable de ténacité teintée de mélancolie, voire de résignation.
C’est un personnage très romanesque, dont les décisions ne suivent pas forcément la logique, mais qu’on ne peut qu’aimer pour cela. Greer Garson est parfaite pour ce rôle en plus d’être légitime (car britannique), et arrive à nous transmettre les émotions de son personnage, notamment dans cette deuxième partie où le suspense monte petit à petit (« Ah ! Va-t-elle lui faire retrouver la mémoire ?! ») en même temps que l’intensité mélodramatique et l’attente du spectateur (« Mais s’il ne retrouvait jamais cette fichue mémoire ?! »). Bref, Greer Garson, j’adore et j’adhère, notamment parce que j’y retrouve cet air de grande lady que j’ai déjà aimé chez des actrices comme Jean Arthur ou Irene Dunne par exemple…


Points faibles

Le film n’est pourtant pas parfait, et il n’échappe pas, à cause de sa durée (plus de 2 heures quand même), à certaines longueurs. Je trouve la première partie, bien qu’un poil longue, plutôt bien calibrée, et sa longueur permet de s’attacher aux héros, pour mieux ressentir le manque qu'ils perçoivent ensuite. C’est plutôt dans la deuxième que j’aurais des choses à dire, l’attente durant un peu trop longtemps pour les nerfs du spectateur (« Aaaargh non mais il ne va pas la retrouver cette mémoire, ou quoi ! »). Du coup, c’est la fin qui se trouve trop précipitée, ce qui est quand même dommage…
J’ai eu un gros doute concernant le scénario qui m’a fait revoir certaines scènes plusieurs fois : à propos d’un certain anneau de mariage. Je m’explique : John Smith est marié, il doit donc avoir un anneau de mariage à sa main gauche… Ce qui devrait lui mettre la puce à l’oreille après son accident de Liverpool, et lui donner un indice sur ses années « perdues » ! Or, en regardant attentivement, il ne possède pas d’anneau, ni avant, ni après son accident : soulagement, car pas de polémique possible, donc… Même si l’absence d’anneau m’étonne : normal pour cette époque, ou astuce du réalisateur qui aurait vu le possible problème ? Heureusement, c’est finalement sans importance… (je sais, je vais parfois chercher des détails, moi !)


Conclusion

Random Harvest est pour moi une très bonne surprise (une récolte hasardeuse mais heureuse, si je puis me permettre. Non ?). Le scénario colle parfaitement au genre de films que va me plaire, avec un héros à la fois normal et « extraordinaire » (donc digne d’intérêt), un peu de romance, une intrigue qui monte en suspense et en intensité... Et si on y ajoute une Greer Garson au port altier pour une touche de charme et de classe, rien d’autre à dire, Random Harvest fait à coup sûr partie de ces films que je reverrais avec plaisir…


NOTE : 9,5/10