lundi 23 avril 2018

MEILLEURE ACTRICE 1957


Le Général Yen passe en revue les meilleures actrices de 1957, l'une des années les plus riches de la décennie, les grandes actrices de la fin de l'ère classique s'y étant donné rendez-vous. On notera en particulier la présence de deux performances "sœurs", dans deux films ayant le même sujet...


La favorite du Général 

ELEANOR PARKER pour Lizzie

Dans Lizzie, Eleanor Parker incarne une jeune femme à la triple personnalité, et se révèle absolument éblouissante dans son art d'actrice. Le passage d’une facette à l’autre lui permet de livrer une palette variée et nuancée d’expressions et de tonalités contraires. La grande force de sa performance est de bâtir une opposition angoissante entre Elizabeth et Lizzie, l'imprévisibilité de cette dernière transformant le film en un thriller psychologique haletant. Eleanor parvient cependant à intégrer dans Lizzie une part du charme d'Elizabeth, ce qui permet au spectateur d'être séduit par l'antagoniste du film. Même si la troisième personnalité n'est pas assez exploitée par le film, ses apparitions sporadiques ajoutent au suspense oppressant du film. La dernière partie permet à l'actrice de déchirer la carapace réservée d'Elizabeth pour lui faire vivre un torrent d'émotions en cascades. En somme, il s'agit d'une performance magnifique, l'une de celles qui font d'Eleanor Parker l'une des actrices phares des années 50.


Le tableau d'honneur

Elles l'ont courtisé, il ne les a pas élues. Mais le Général est magnanime, voyez plutôt :

DEBORAH KERR pour Heaven Knows, Mr Allison Deborah Kerr s'impose de plus en plus comme l'une de mes actrices favorites, et ce n'est pas sa performance dans ce film qui va contrecarrer son ascension. La rencontre entre le soldat Mitchum et la nonne Deborah dans ce petit coin de paradis sous la menace de l'armée japonaise est non seulement une explosion d'alchimie entre deux acteurs au puissant charisme intérieur, mais cela leur permet surtout d'explorer le thème de l'opposition apparente de leurs caractères et de leurs vocations. Deborah comme toujours brille dans la subtilité : la sensualité refrénée de son personnage de religieuse  affleure peu à peu, à mesure que l'actrice dévoile la personnalité cachée de l'héroïne. 

JOANNE WOODWARD pour The Three Faces of Eve : L'approche de type documentaire du film le rend moins intense et inférieur à Lizzie, qui traite de la même histoire de manière plus scénarisée et prenante. Mais que dire de la performance de Joanne, qui lui a valu l'Oscar de l'année, sinon qu'elle est merveilleuse ? Dans le petit jeu des comparaisons, "Eve Black" est moins nocive que "Lizzie", ce qui retire de la tension au jeu de l'actrice. En revanche, Joanne développe mieux la troisième personnalité qu'Eleanor, ce qui donne un sentiment d'équilibre et de crédibilité. Le rôle est malheureusement moins bien construit, et le contraste entre les deux premières personnalités, qui faisait tout le charme de la performance d'Eleanor, n'est pas assez exploité ici. Le rôle reste cependant l'un des sommets de la belle carrière de l'actrice.

AUDREY HEPBURN pour Funny Face : Même si la pétillante Kay Thompson excelle, dans son propre style, dans le rôle de la patronne du magazine de mode, je n'ai eu d'yeux que pour l'interprétation d'Audrey Hepburn, qui donne sa crédibilité au film en incarnant avec une grande justesse une jeune libraire, puis son passage au mannequinat. Le film aurait été bancal sans sa capacité à briller dans les deux registres, qu'elle relie en construisant une personnalité d'intellectuelle décalée, rêveuse et sophistiquée. 

ANNA MAGNANI pour Wild Is the Wind : L'Italienne Anna Magnani frappe fort dans ce rôle d'épouse "importée" d'Italie pour remplacer sa sœur décédée, auprès d'un mari qui lui renvoie sans cesse l'image idéalisée d'une ex-femme portée aux nues. L'actrice est épatante dès ses premiers pas en Amérique, où son sentiment d'étouffement touche droit au cœur. Puis elle dévoile progressivement son immense charisme et son pouvoir de séduction, qui bouleversent autant le spectateur que le cœur des hommes du film.


La revue terminée, le Général prend une pause bien méritée. Son célèbre thé recèle comme toujours bien des mystères...

Le Thé du Général

- Après-midi : Audrey Hepburn (Love in the Afternoon) ; j'aurais pu remplacer dans ma liste sa performance de Funny Face par celle-ci, tant son charme drôle et innocent y est à l'oeuvre, ce qu'elle rend avec un naturel déconcertant. Si le film est très agréable et reste l'un de ses meilleurs, le scénario est cependant trop conventionnel, ce qui amène l'actrice a être moins détonante et originale.


- Soirée : Deborah Kerr (An Affair to Remember), qui aurait elle aussi pu figurer plus haut sans son autre grand rôle de l'année ; il n'empêche, Deborah fait encore une fois du grand Deborah et n'a rien à envier à Irene Dunne dans ce remake du film de 1937. Son personnage est extrêmement sympathique, grâce à son jeu fait de sourires et de coups d’œils subtils, un "grand classique" de l'actrice qu'elle porte ici à la perfection. 

- Matinée : Mitzi Gaynor (Les Girls). Parmi les trois "girls", Mitzi  est pour moi la plus séduisante par sa personnalité, tantôt pétillante, tantôt mélancolique, et son jeu plus nuancé, en contraste avec ses deux camarades qui ont tendance à surjouer.

- Floral : Lauren Bacall (Designing Woman). Je n'aime pas tout dans cette performance, mais les bons côtés l'emportent et prouvent que Lauren sait être une actrice de comédie. Sans se départir de sa classe habituelle, qui plus est.

- Fleuri : Kay Kendall (Les Girls). Une déferlante charismatique et comique à la Rosalind Russell dans The Women. Mais elle en fait beaucoup trop pour que j'y adhère pleinement.

- Vert : Hope Lange (Peyton Place). Une performance bouleversante et attachante, qui fait beaucoup pour un film que je ne m'attendais pas du tout à aimer autant.

- Rouge : Lana Turner (Peyton Place). Son rôle reste assez classique et sobre, néanmoins le thème de la sensualité refoulée, qui donne du sens au film, est largement porté par son personnage, ce qui rend sa prestation très intense.

- Noir : Elizabeth Taylor (Raintree County). Un personnage de "Southern Belle" ambigu et au charme ténébreux et au caractère tempétueux, qu'Elizabeth Taylor interprète de manière si humaine qu'elle la rend attachante. Même si elle est parfois à la limite du surjeu, elle parvient à un équilibre salvateur en dévoilant le point de vue d'une anti-héroïne tragique qui aurait pu être dépeinte comme maléfique.

- Corsé : Patricia Neal (A Face in the Crowd). Si le film m'a déçu, ce n'est en rien à cause d'une Patricia Neal toujours aussi charismatique.

2 commentaires:

  1. J'adore 1957, autant pour les films que pour les actrices. Comme tu le sais, Eleanor Parker est mon idole de la décennie, et je suis bien sûr ravi de la voir citée si haut, mais dans mon esprit, 1957 a toujours été l'année Deborah Kerr, sublime dans deux performances. J'ai longtemps cru avoir une préférence pour Irene Dunne et la version de 1939 de Love Affair, mais pour avoir revu les deux coup sur coup il y a deux ans, j'ai changé d'avis et trouve à présent l'alchimie Kerr-Grant irrésistible. Sa religieuse perdue au milieu du Pacifique reste cependant mon rôle favori de l'actrice.

    Pour l'autre "double star" de l'année, Audrey Hepburn, je suis d'accord avec ton classement: j'ai été très agréablement surpris par sa performance dans Funny Face, sans pour autant l'inclure dans mon top 5, mais elle est également délicieuse dans Love in the Afternoon.

    Pour les autres, Magnani est sublime, Woodward a de très bons moments mais m'impressionne moins depuis ma découverte de Lizzie, Neal est effectivement très charismatique, Lange touchante, Turner épatante dans un contre-emploi, et Taylor sera à revoir mais le positif a toujours fini par l'emporter dans ce rôle là. Je n'ai pas encore vu Lauren Bacall, quant aux Girls, Gaynor m'a fait très bonne impression par son jeu nuancé, et Kendall est pour moi hilarante. Elg reste la moins intéressante des trois.

    Autrement, j'adore Dietrich dans Witness, mais il y a de petites maladresses à la fin qui m'avaient un peu déçu la dernière fois. Et chez les européennes, Tatiana Samoïlova est superbe dans Les Cigognes, Danielle Darrieux très bien dans Pot-Bouille, tandis que Giulietta Masina est au-delà des mots dans Cabiria. En Asie, j'aime beaucoup la maturité que projette Grace Chang dans Mambo Girl, même si ça reste un teen movie sans grand intérêt.

    Dernière découverte en date: Yvonne Mitchell dans Woman in a Dressing Gown, où elle joue très bien son personnage exaspérant, notamment dans la scène où elle apprend que son mari veut la quitter et où elle garde une dignité sidérante qui donne une forte nuance à son caractère puéril et désordonné.

    Projettes-tu d'avancer dans les années 1950? Je suis curieux d'avoir ton avis sur 1955 notamment!

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    1. Je vais probablement jongler entre des années où il me reste peu de films à voir (les années 30) et celles où j'ai beaucoup à creuser derrière des performances dont j'aimerais traiter (les années 50). Une incursion dans les années 40 est possible, mais même s'agit de ma décennie favorite en termes de films, je suis beaucoup moins fan des performances d'actrices (au contraire des hommes ; un jour, je commencerai mes tops d'acteurs par la fin des années 40, mythique pour moi).

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