dimanche 25 février 2018

MEILLEURE ACTRICE 1961


Le Général Yen passe en revue les meilleures actrices de 1961, une année qui regorge de films ayant pour objet le désir féminin, sous toutes ses formes, mettant ainsi en valeur des actrices sachant jouer de leur sensualité, qu'elle soit explosive ou plus subtile.


La favorite du Général 

NATALIE WOOD pour Splendor in the Grass

Dans ce beau film d'Elia Kazan, centré sur l'éveil des sentiments amoureux et du désir à l'adolescence, Natalie Wood réalise une performance que l'on ne peut que qualifier de chef d'œuvre. L'enfant star des années 1940-50 est devenue une petite boule de sensualité refrénée, qui ne demande qu'à se libérer des contraintes étouffantes de la société de l'époque. Au fur et à mesure que les minutes passent, on peut voir son personnage, Deanie, se transformer, passant d'une jeune fille d'apparence sage à une jeune femme torturée par un désir qu'elle ne peut assouvir. L'actrice entre littéralement en transe sur la pellicule pour délivrer une explosion d'émotions, entre hystérie et dépression, tout en évitant l'écueil du sur-jeu. Le contraste entre les deux états est saisissant et permet de donner son réalisme à la construction du personnage, qu'elle parvient par ailleurs à rendre terriblement attachant grâce à sa personnalité et à son charme.


Le tableau d'honneur

Elles l'ont courtisé, il ne les a pas élues. Mais le Général est magnanime, voyez plutôt :

DEBORAH KERR pour The Innocents Dans un film à ambiance gothico-horrifique sublimé par sa photographie en noir et blanc, Deborah semble comme une lumière dans l'obscurité, dont la lueur vacille en même temps que son âme. Belle à couper le souffle dans sa maturité, elle hante le spectateur comme elle est hantée par des fantômes en gouvernante tantôt bienveillante, tantôt au bord de l'hystérie (elle aussi !). Comme dans tous ses meilleurs rôles, son jeu plein de classe laisse entrevoir un érotisme latent et refoulé (et ici plutôt malsain !), dont la subtilité ne cesse de me surprendre.

SHIRLEY MACLAINE pour The Children's Hour Comme dans la version de 1936, il m'est difficile de départager les deux protagonistes, qui brillent chacune à leur manière. C'est néanmoins Shirley MacLaine qui gagne ma préférence pour son beau portrait de la passionnée Martha Dobie. Dégageant une personnalité et des émotions d'une puissance rare, l'actrice parvient à construire un personnage fort et inoubliable, allant jusqu'à éclipser Audrey Hepburn sur la première partie du film grâce à sa remarquable composition des sentiments contrariés et ambigus de Martha.

LOLA ALBRIGHT pour A Cold Wind in August Incarnant une femme mûre qui séduit un adolescent, Lola Albright s'empare avec aisance de ce rôle particulièrement délicat. Loin de rester sur le seul créneau de la sensualité débordante, qu'elle maîtrise d'ailleurs à merveille, elle est aussi et surtout séduisante et convaincante dans toutes les étapes de sa relation avec le protagoniste masculin, son jeu indiquant avec finesse la passion, les doutes ou les craintes qu'elle éprouve, construisant ainsi un personnage complexe.

GERALDINE PAGE pour Summer and Smoke Une performance techniquement impressionnante, qui permet à l'actrice de développer en profondeur la personnalité complexe d'Alma, une "vieille fille" qui refrène ses passions charnelles mais qui aime de tout son âme, depuis sa plus tendre enfance, son voisin, un homme bien plus porté sur les plaisirs matériels de la vie. Geraldine Page a beau être excellente, je n'arrive pas à aimer assez son personnage, ce qui me pose problème pour apprécier plus ce film. Alma est une rêveuse, qui ne jure que par la puissance de l'amour qui résulte de la rencontre de deux âmes ; il me faut donc retrouver le charme des mots qu'elle prononce dans l'attitude de l'actrice, ce qui me manque ici, malgré des fulgurances, en particulier sur la fin, qui me décident à l'intégrer dans les cinq de l'année.


La revue terminée, le Général prend une pause bien méritée. Son célèbre thé recèle comme toujours bien des mystères...


Le Thé du Général

- Classique : Audrey Hepburn (The Children's Hour), qui compose une Karen pleine de dignité et de classe ; elle règne sur la seconde partie du film, qui lui permet de développer à merveille la posture droite, calme et déterminée de son personnage, jusqu'à la magnifique scène finale.

- Irish : Piper Laurie (The Hustler), qui séduit dès le premier regard lancé à Paul Newman ; son interprétation d'une jeune femme qui comble le vide de son existence par la boisson est excellente, et le couple formé par ces deux âmes en peine est déchirant d'humanité, même si leur relation reste secondaire dans le film.

- Corsé : Natalie Wood (West Side Story), qui délivre une performance de caractère dans ce film mythique (même s'il a beaucoup vieilli), sans pour autant se démarquer autant que je l'aurais souhaité. 

- Amer : Audrey Hepburn (Breakfast at Tiffany's), dont le charme et le classe ne peuvent rattraper les défauts d'un film qui m'a beaucoup déçu : outre la pauvreté du scénario, Audrey n'est pas bien castée dans un rôle de prostituée mondaine qu'elle ne parvient pas à rendre crédible, malgré tous ses efforts pour incarner un personnage extraverti, à contre-emploi de ses rôles habituels. 

3 commentaires:

  1. Les trois premières sont parfaites: j'aurais tendance à donner une minuscule longueur d'avance à Shirley MacLaine dont le personnage me touche le plus, mais il m'est sincèrement impossible de les départager. The Innocents est l'un des plus grands rôles de Deborah Kerr, et Splendor in the Grass est sans conteste le sommet absolu de Natalie Wood.

    Je suis en revanche resté hermétique à cette interprétation là de Geraldine Page, que je trouve nettement moins suffocante l'année suivante dans Sweet Bird of Youth par exemple. Mais comme toi, je garde une certaine amertume pour Breakfast at Tiffany's, pour moi un film irritant, avec un contre-emploi hélas peu convaincant pour Audrey Hepburn.

    Par contre, je l'adore dans La Rumeur, où même si MacLaine à le rôle le plus marquant, elle ne se laisse jamais éclipser grâce à son élégance et sa dignité. Piper Laurie est quant à elle excellente mais plutôt secondaire, Natalie Wood ne m'a jamais beaucoup inspiré dans West Side Story, et je n'ai pas vu Lola Albright, qui semble sensationnelle!

    J'ajouterai trois noms que tu ne cites pas et que j'aime cette année là: Marilyn Monroe, vraiment touchante dans son chant du cygne, avec une entrée en scène fascinante dans les rues de Reno; Carroll Baker dans Something Wild, une performance incroyablement douloureuse par son réalisme (elle y incarne la victime d'un viol); et Lucyna Winnicka dans Mère Jeanne des Anges (Matka Joanna od Aniołów), la version "réaliste" dirons-nous de la folle histoire des possédées de Loudun, dix ans avant la version "barrée" mais non moins fabuleuse de Ken Russell et Vanessa Redgrave.

    D'autre part, j'ai beaucoup d'affection pour Marina Vlady dans La Princesse de Clèves, parce que sa dignité est telle qu'on croit absolument à la vertu du personnage malgré ses désirs, sans qu'on puisse parler d'une grande performance pour autant. A ce stade, les trois autres premiers rôles féminins vus sont Vivien Leigh dans The Roman Spring of Mrs. Stone, qui fut une déception générale (surtout Lotte Lenya) encore que la star en soit le meilleur élément; Anouk Aimée dans Lola, avec toujours cette diction très problématique de la part de l'actrice, même si j'aime bien le film (et Élina Labourdette!); et Jeanne Moreau dans La notte, où... elle marche très bien.

    En attendant de découvrir Lola Albright donc. J'attends la suite de tes palmarès d'actrices!

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    1. Dans mon esprit, il y a un écart entre les quatre premières et la 5e place pour cette année. Geraldine Page, Audrey Hepburn et Piper Laurie sont dans un mouchoir de poche.
      Je retiens Carroll Baker dans Something Wild, qui a échappé à mon radar mais dont le rôle parait en effet très puissant.
      Pour la suite des palmarès, un nouvel article est quasiment achevé et ne devrait pas tarder...

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  2. Bonjour,
    J’adore les films classiques, surtout ceux réalisés en 1930. J’ai entendu parler de Natalie Wood et de ces rôles mythiques. J’apprécie cette petite liste que vous avez concoctée. Ce sera avec plaisir que j’y jetterai un coup d’œil.

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