vendredi 26 décembre 2014

QUEEN CHRISTINA – La Reine Christine

 
Réalisation : Rouben Mamoulian
Société de production : Metro-Goldwyn-Mayer
Genre : Drame historique
Durée : 97 min
Date de sortie : 26 décembre 1933 (USA)
Casting :
Greta Garbo : la reine Christine de Suède
John Gilbert : Don Antonio de la Prada
Ian Keith : le comte Magnus Gabriel De la Gardie
Lewis Stone : le chancelier Axel Oxenstierna


L’HISTOIRE

Quand son père meurt au champ d’honneur en 1632, sa fille Christine accède au trône de Suède alors qu’elle n’est encore qu’un enfant. Elevée à la garçonne, c’est travestie en jeune homme qu’elle fait la connaissance au cours d’une de ses escapades du bel Antonio, diplomate espagnol chargé d’un message de son souverain pour la reine de Suède...


L’AVIS DE GENERAL YEN

Greta Garbo, c’est un mythe. Et l’on ne prend pas un mythe à la légère, sous peine d’être déçu. Aussi ai-je bien pris le soin de sélectionner le film qui, indépendamment de la prestation de l’actrice, avait le plus de chances de me plaire. Or quoi de mieux pour moi, passionné d’histoire suédoise, que d’aborder la filmographie de la plus grande actrice suédoise dans le rôle d’une souveraine suédoise des plus illustres ? 

Fort de ce constat, je me suis lancé à l’assaut du mythe. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est une réussite, que dis-je, une victoire totale par reddition sans condition des forces adverses : non seulement le film est mené de main de maître, mais surtout, j’ai jeté toutes mes réserves précautionneuses aux orties devant la prestation de son actrice star, qui m’a tout simplement fasciné.

Pourquoi dis-je que Queen Christina est mené de main de maître ? Démonstration. Ce que je demande à un film historique, c’est de m’offrir un spectacle à la hauteur des événements décrits ou, en l’occurrence, du personnage dont il est question. Quand on traite d’un souverain, on voit les choses en grand.

D'abord, le film possède un scénario équilibré, qui adapte la réalité en intégrant la dose de fiction romanesque, donnant ainsi une couleur d’épopée au récit historique. Queen Christina ne se veut évidemment pas une reconstitution fidèle de la vie de son héroïne. Le film se base sur la personnalité attestée de la reine, réputée indépendante et libre d’esprit, pour forger un personnage à la passion débordante, en contraste avec l’austérité toute luthérienne de son ministre, le chancelier Oxienstierna (Lewis Stone). Les conversations entre ces deux-là sont d’un grand intérêt, car on entre alors dans les arcanes du pouvoir, on assiste à la façon dont gouverne la reine. Le film se concentre sans surprise sur la vie romantique de la reine Christine, en alliant le vrai (les relations avec son favori Magnus De la Gardie et sa dame de compagnie, Ebba Sparre) et le fictif (sa rencontre avec don Antonio). Il est d’ailleurs intéressant de voir ici que le réalisateur n’a pas cherché à occulter la bisexualité de Christine. Eh oui, en 1933 le Code Hays n’est pas encore passé par là.

"It's all a question of climate. You cannot serenade a woman in a snowstorm."

Deuxième élément requis : de beaux décors d’époque. Le noir et blanc ne seyant pas vraiment aux films d’aventure, il faut compenser en montrant par exemple beaucoup de scènes d'intérieur et des scènes d’extérieur "nocturnes". Ici, on est en Suède, ce qui permet d’introduire des paysages enneigés, qui passent très bien à l’écran.

Et enfin, il me faut de la performance dans le jeu d’acteur, et pas qu’un peu ! On est dans les années 30, que diable ! Quand une reine parle, on lui donne de l’élocution, de la classe et du charisme ! Il faut que l’on sente la majesté du roi-héros devant nous, que l’on ressente la fascination que pouvaient avoir ses contemporains pour lui/elle ! Et à ce petit jeu, très peu d’actrices égalent une Garbo à son meilleur niveau.

Car oui, je crois avoir compris pourquoi l'on surnommait Greta Garbo la « Divine ». Le rôle d’une reine, suédoise qui plus est, lui sied à merveille. Très théâtrale (comme Katharine Hepburn – ce doit être la marque des grand(e)s), elle semble au cours du film faire déferler à l’écran les émotions qui tiraillent son royal personnage. Ce type de performance, qui pourrait paraître surjouée si ce n’était le rôle, convient parfaitement à l’idée que je me fais d’une grande reine légendaire. Garbo nous offre du spectacle à elle seule. Pas besoin du renfort d’effets spéciaux grandioses et magnifiques, la performance se suffit à elle-même. Ce qui est fascinant, car assez rare, en définitive.


"I have quite a collection of royal portraits. My suitors usually come in oil. And I've kept them - because I love a good painting."

Ce que j’aime aussi dans ce genre de film, c’est qu’il ne manque pas de nous offrir son lot de scènes inoubliables. Ainsi en est-il de l’entrée en scène très soignée de Garbo, au terme d’une cavalcade épique digne d’un grand western et d’une remontée de marches façon festival de Cannes en accéléré. L’épisode de la taverne, entre Christine et Antonio, est plein de quiproquos et de répliques subtiles. John Gilbert, qui a formé avec Garbo l'un des plus grands couples on-screen du cinéma muet retrouve ici de sa superbe : les deux anciens amants ont une réelle alchimie à l’écran. Sans oublier ce face à face mémorable entre Christine et la foule en colère qui déboule dans le palais : la classe ! Moi aussi je n’aurais pas fait un pas de plus face à un tel regard ! Quant à la scène finale, unanimement célébrée depuis 1933, elle est bel et bien digne du mythe.


Conclusion

Un mythe, en effet. Le mot est tout trouvé pour décrire l'effet que peut ressentir le spectateur en voyant Greta Garbo à l'écran. Dans Queen Christina, un film qui lui permet de donner la pleine mesure de son talent, elle parait de fait évoluer hors du temps, dans une dimension extra-terrestre. Divine.

NOTE : 9/10



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire