Réalisation : Alfred Hitchcock
Société de production : Selznick International
Pictures
Scénario : d'après le roman de Daphne du Maurier
Musique : Franz Waxman
Durée : 130 min
Date de sortie : 12 avril 1940 (USA)
Casting :
Joan Fontaine : la seconde Mrs. de Winter
Laurence
Olivier : Maxim de Winter
Judith Anderson :
Mrs. Danvers
George Sanders : Jack Favell
L’HISTOIRE
A Monte-Carlo, la demoiselle
de compagnie de Mrs Van Hopper rencontre le séduisant Maxim de Winter, un aristocrate
anglais veuf depuis peu. Il l’épouse et l’emmène vivre avec lui en Angleterre,
dans sa propriété de Manderley. Mais la nouvelle Mrs de Winter est confrontée à
l’hostilité des occupants du manoir, et en particulier à celle de la
gouvernante, Mrs Danvers, qui semble vouer une vénération sans bornes à
l’épouse décédée du châtelain, Rebecca…
L’AVIS
DE GENERAL YEN
Le premier film d’Alfred Hitchcock abordé dans ce blog est aussi le
premier film « américain » du réalisateur britannique. Si Rebecca n’est pas le plus connu
de ses long-métrages, c’est pourtant le seul à s’être vu décerné l’Oscar du
meilleur film, et très certainement l’un de mes préférés d’Hitchcock.
L’intrigue de Rebecca
suit une trame que j’apprécie, et que j’ai retrouvée dans d’autres de mes films
favoris, comme Gaslight (avec
Ingrid Bergman) : une jeune femme innocente et naïve emménage avec son
nouveau mari dans une demeure hostile où elle se sent vite comme une intruse,
une étrangère.
Car oui, on ne peut analyser Rebecca
sans mentionner Manderley, un château à la Jane Austen au charme
romantique, mais qui dès l’abord ne rassure pas par ses dimensions. On est ainsi frappé par cette lumière blanche qui entre à flots par les larges fenêtres
au-dessus de l’escalier d’honneur. De chaque recoin de cette propriété,
toujours baignant dans l’ombre, on croit sentir la présence de la défunte
Rebecca, ou celle plus réelle et non moins effrayante de la gouvernante, Mrs
Danvers. La propriété de Manderley est un personnage à part entière du
film, un organisme vivant qui a conservé l’âme même de la châtelaine. A ce titre, la scène où Mrs de Winter découvre, à la fois émerveillée et
craintive, les appartements de sa « rivale », est grandiose et
sublime. La jeune femme est comme écrasée par le gigantisme et la beauté surannée
de la chambre. Cette seule scène symbolise l’aliénation du personnage :
comment s’approprier les lieux face à une telle concurrente, dont le portrait
trône encore sur les murs ?
Les personnages
Joan Fontaine trouve en Mrs de Winter l'un
de ses plus beaux rôles, sinon le meilleur. C’est une actrice que j’apprécie,
mais je lui reproche son manque de charisme et de présence à l’écran. Or dans Rebecca,
elle tourne ce point faible à son avantage, en incarnant de manière très
convaincante et sans excès (pas comme Gene Tierney dans Dragonwyck, par exemple…) cette femme qui ignore tout de la
vie maritale, lancée sans filet dans un monde qu’elle ne connait pas, et qui tente avec courage d’endosser les habits trop imposants
pour elle de l’ancienne maîtresse des lieux. C’est en fait une héroïne lambda,
une jeune femme timide en qui beaucoup peuvent se reconnaître. Le spectateur
découvre tout de son point de vue, elle subit l’intrigue et nous entraîne dans les péripéties avec elle. A noter que son prénom n’est jamais mentionné, comme pour mieux
souligner que sa petite personne est noyée dans un univers qui la dépasse, par
contraste avec Rebecca, un personnage si fascinant et singulier qu’il continue
à dominer les esprits bien après sa mort.
Deux autres personnages viennent compléter ce tableau et cerner notre
héroïne : la gouvernante et le mari.
Mrs Danvers (Judith Anderson) personnifie l’hostilité des lieux envers la nouvelle arrivante. C’est une femme froide, qui
vénère Rebecca et lui a voué sa vie. Véritable gardienne de la mémoire de sa
maîtresse, elle hante littéralement les couloirs de Manderley : il est
difficile de ne pas percevoir derrière chacun de ses pas le souffle d’un
éventuel fantôme vengeur…
Laurence Olivier est Maxim de Winter, un homme ambivalent. S’il est un véritable prince charmant au début
du film, sa personnalité change dès qu’il remet les pieds à Manderley. Il
devient plus taciturne et s’absente longuement, laissant son épouse sans
défense. L’acteur est particulièrement brillant dans ce rôle, puisque sans
renier une classe toute britannique, il fait cohabiter la douceur et la rage,
la bienveillance et le désespoir.
Points faibles
Par son scénario, Rebecca
ne surprend guère. Les rebondissements sont bien menés, mais en 1940, Hitchcock
n’est pas encore le maître du suspense des années 50. L’intrigue a cependant le
mérite de permettre au réalisateur de créer une ambiance gothique et
oppressante très réussie, ce qui m'intéresse bien plus que l'originalité du scénario. Il me manque malgré tout la « petite touche »
en plus pour classer le film en tant que chef-d’œuvre.
NOTE : 8,5/10
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