dimanche 25 novembre 2018

PANIQUE


Pays : France
Réalisation : Julien Duvivier
Genre : Drame / Film noir
Date de sortie : Septembre 1946 (Mostra de Venise)
Scénario : Julien Duvivier et Charles Spaak d'après le roman de Georges Simenon, Les Fiançailles de monsieur Hire (1933)
Photographie : Nicolas Hayer
Dialogues : Charles Spaak
Musique : Jean Wiener
Durée : 100 min
Casting :                
Michel Simon : Monsieur Hire
Viviane Romance : Alice
Paul Bernard : Alfred
Charles Dorat : Michelet


L’HISTOIRE

Dans un faubourg de Paris, une femme est retrouvée assassinée. Les gens du quartier soupçonnent Monsieur Hire, un homme asocial qu’ils n’apprécient guère. Pendant ce temps, celui-ci est séduit par les charmes d’Alice, tout juste sortie de prison pour un crime qu’elle n’a pas commis. Car Alice est prête à tout pour aider l’homme qu’elle aime, Alfred...



L’AVIS DU GÉNÉRAL YEN

Vous me donnez ce type de scénario et me citez la période – la fin des années 40 – et vous pouvez être certains de taper dans le mille. Avec Panique, de Julien Duvivier, on combine la France, le pays du réalisme poétique d’avant-guerre, et le film noir « à l’américaine », dont les plus belles heures ont cours à cette même époque.

Vous devez commencer à me connaître, les films que je préfère sont ceux que j’appelle « films à ambiance », et il n’est question que d’ambiance dans ces films noirs, eux qui semblent bâtis uniquement pour développer chez le spectateur ce fameux « frisson » propre au genre. Et Panique ne fait pas exception à la règle : décor de quartier populaire typique, terrain vague, dialogues la nuit tombée, visages à moitié dans l’obscurité… Qui a dit que le sombre n’était pas beau ? L’atmosphère de ce film, c’est aussi le choix de situer l’intrigue dans un environnement de fête foraine, avec ses jeux et ses rires pendant que le drame se noue, et sa musique qui résonne en sourdine et donne une film sa tonalité si particulière.

La construction de l'oeuvre en fait sa richesse, et celle-ci se trouve, comme souvent, dans les détails. Duvivier n’a pas négligé de tracer d'ingénieux parallèles : une même chanson d’amour placée à deux séquences bien différentes du film, comme pour souligner l’ironie du destin d’un couple ; une scène dans le jardin d’une église alors que le même couple discute de son avenir ; un avenir par ailleurs dramatisé chez une diseuse de bonne aventureuse, celle-ci trouvant un écho dans le personnage de Monsieur Hire traçant l’horoscope d’Alice…

La puissance du film réside bien-sûr dans la portée morale de sa dramaturgie, qui illustre les conséquences de la rumeur gratuite et des actions d’une foule qui souhaite se faire justice elle-même, les plus forts en gueule excitant l’orgueil des plus faibles, jusqu’à ce que l’effet de groupe joue son terrible rôle de catalyseur. Si Duvivier voulait montrer la face laide de l’âme humaine, il ne pouvait pas mieux s’y prendre, d’autant qu’il le fait grâce à une œuvre magnifique de beauté.

Côté acteurs, Michel Simon est l’interprète parfait de Monsieur Hire, avec ses airs bourrus et sa grosse barbe, des abords mystérieux et inquiétants que le personnage cultive en « espionnant » sa jolie voisine à sa fenêtre. Mais l’acteur assure avec aisance la transition, afin de briser la glace et de dévoiler l’intimité d’un homme misanthrope mais doux et, dans une certaine mesure, attachant.


Si Paul Bernard, en la personne d’Alfred, n’est pas sans talent pour dépeindre les ambiguïtés d’un homme plus ténébreux qu’il n’y parait – à l’inverse de M. Hire –, c’est bien Viviane Romance qui, au sein du couple d’acteurs, tire la couverture à elle. Il s’agit du deuxième film, et certainement pas le dernier, que je vois de cette actrice, qui est douée pour jouer la femme fatale. Sa voix mielleuse possède un teint « sucré » qui m’avait déjà bien plu dans L’Affaire du collier de la reine (1946), dans lequel elle est une comtesse manipulatrice au charme irrésistible. Ici, son rôle est capital en ce qu’elle figure le pendant opposé de la foule des quidams du quartier : contrairement à eux, elle est empathique ; eux sont passifs, lâches et suiveurs quand elle prend des risques et tente de donner un sens à ses actions. L’actrice est surtout brillante dans les moments de tension, de confrontation, que ce soit avec Monsieur Hire ou son amant, ainsi que dans le finale, car le personnage d’Alice, qui agit par amour, est le plus humain de tous, avec ses forces et ses faiblesses.

NOTE : 9/10.