dimanche 22 juillet 2018

MEILLEURE ACTRICE 1933


Accomplissant un saut temporel de plus de vingt ans, le Général Yen est de retour dans la période phare des grandes actrices classiques, juste à temps pour passer en revue ses favorites de 1933. Oubliez la surcotée 1939 : s'il n'y avait qu'une année à retenir dans cette décennie, ce serait celle-ci.


La favorite du Général 

MIRIAM HOPKINS pour The Stranger's Return

Au sein d'une année 1933 qui voit Miriam Hopkins enchaîner trois performances toutes dignes des plus grands éloges, c'est bien ce rôle de fille prodigue de retour chez elle qui retient le plus mon admiration. Il faut bien comprendre que, parmi toutes les actrices du début des années 30  (l'ère Pré-Code), Miriam Hopkins est celle qui s'échine le plus à dépeindre des personnages marginaux, regardés de travers par la bonne société, tout en les faisant aimer du public par sa force de caractère explosive et joviale, sa repartie mordante et amorale, sans oublier une frivolité très séduisante. Si dans ce film l'actrice reste sur un rôle de jeune femme "déviante" (une divorcée qui revient de la ville dans sa ferme familiale), elle surprend en renouvelant sa personnalité à l'écran : toute l'explosivité qui faisait sa marque de fabrique est ici contenue par Miriam, qui canalise toute la tension latente (haineuse ou sexuelle) entre les protagonistes pour dégager une sensibilité extraordinaire, souvent par son regard. Si l'immense Lionel Barrymore n'est pas en reste en grand-père un peu bourru, sa façon tendre de la regarder et de lui parler met en valeur le charme tranquille (donc insoupçonné !) développé par l'actrice, tandis que leur alchimie crève l'écran. En définitive, l'identification à l'héroïne et l'envie de l'aimer sont si fortement ressenties par le spectateur que, à l'évidence, la place de Miriam Hopkins cette année-là ne pouvait être que tout en haut de la hiérarchie.


Le tableau d'honneur

Elles l'ont courtisé, il ne les a pas élues. Mais le Général est magnanime, voyez plutôt :

GRETA GARBO pour Queen Christina : Le mythe Greta Garbo prend tout son sens avec ce film : jamais l'actrice ne m'a semblé autant mériter son surnom de "Divine". Il faut dire que son fameux jeu théâtral, qui dans d'autres films peut me sembler hors de propos, convient ici parfaitement pour incarner une reine, suédoise qui plus est. Fière et froide d'abord, la reine Christine version Garbo dévoile dans l'intimité un romantisme passionné, révélé par l'alchimie retrouvée de l'actrice avec John Gilbert. Certes, le film est d'une qualité exceptionnelle pour l'époque, mais elle ne le porte pas moins sur ses épaules grâce à cette performance fascinante. Cependant, je la place derrière Hopkins principalement pour deux raisons : comme d'habitude, Garbo reste dans son registre et n'innove pas ; et l'émotion suscitée est moins forte car plus distante, moins personnelle. 

BARBARA STANWYCK pour Baby Face : Ce film pourrait être une ode tout entière à la capacité de séduction de l'immense Barbara Stanwyck, qui électrifie la pellicule à chacun de ses regards de braise. C'est oublier bien vite toute la dimension tragique que l'actrice apporte au personnage de Lily, une jeune femme sans scrupules prête à tout pour grimper dans la hiérarchie sociale. Si Barbara compose admirablement la détermination froide du personnage, le chef d'oeuvre de sa performance est sans conteste de parvenir à nous rendre sympathique une anti-héroïne, grâce à sa capacité à émouvoir. Elle fait ainsi de Lily une jeune femme terriblement humaine et proche de nous.

LORETTA YOUNG pour Midnight Mary : Aux côtés de Barbara Stanwyck et Miriam Hopkins, Loretta Young est l'autre actrice prolifique de 1933. Ici, Loretta interprète un personnage adorable malmené par un destin implacable, qui lutte pour survivre dans la rue puis dans les salons de la pègre. La sublime présence scénique de l'actrice, lumineuse dans un décor sombre et contrasté, symbolise la vie de l'héroïne. Dans un film qui joue sur l'opposition nuit / jour, le jeu de Loretta s'accorde parfaitement avec les choix de réalisation. Bouleversante sous les traits de Mary, jeune fille maudite, l'actrice s'amuse avec les nuances qu'elle apporte à son jeu : d'une candeur désarmante, elle est capable de se transformer à dessein en séductrice effrontée, sans perdre pour autant le charme constant qui se dégage de l'attitude de Mary. 

JOAN BLONDELL pour Gold Diggers of 1933 : Joan Blondell incarne ici son personnage type, celui d'une chorus girl sans le sou mais combative à l'époque de la Grande Dépression. Elle s'impose sans conteste comme la plus marquante des "gold diggers" grâce à la vivacité de son jeu, qui lui permet de composer une jeune femme séduisante, entreprenante mais aussi comique. Mais surtout, elle saupoudre à merveille sa performance de moments d'émotion, rendant son personnage très humain, ce qui conforte le propos non seulement du film, mais aussi celui du producteur des différents spectacles dans le film, à savoir décrire le sentiment des hommes et femmes ancrés dans une époque difficile.  A ce titre, son moment de gloire est sans conteste le beau numéro final sur "Remember my forgotten man".


La revue terminée, le Général prend une pause bien méritée. Son célèbre thé recèle comme toujours bien des mystères...

Le Thé du Général

**** Miriam Hopkins (Design for Living)un ménage à trois scandaleux pour l'époque, délicieux pour nous, surtout avec une pétillante Miriam Hopkins au milieu 
**** Joan Blondell (Blondie Johnson), l'un des meilleurs rôles d'une actrice que j'apprécie beaucoup, qui donne de la profondeur, de la crédibilité et une grande humanité à une femme dirigeant la pègre locale 
**** Miriam Hopkins (The Story of Temple Drake), toujours explosive, mais avec une part plus sombre et tragique, dans un film marquant émotionnellement
*** Barbara Stanwyck (The Bitter Tea of General Yen), un rôle très intéressant en ce qu'il amène une jeune Occidentale à revoir ses préjugés sur un général chinois qui parvient à la fasciner
*** Barbara Stanwyck (Ladies They Talk About), une intrigue un peu facile et peu réaliste, mais une héroïne combative et charmante à souhait, qui apprend à se débrouiller dans une prison pour femmes
*** Katharine Hepburn (Little Women), quelques lenteurs dans l'intrigue, mais l'actrice parvient à le rendre plaisant en peignant une Jo March vigoureuse et inoubliable
*** Jean Harlow (Bombshell), une performance explosive et sexy, si vous voulez découvrir le phénomène Jean Harlow (avec ses qualités comme ses faiblesses), commencez par ici
*** Constance Bennett (Our Betters), à nouveau une de mes actrices fétiches, ici délicieusement mondaine, manipulatrice, et dont la séduction toute hypocrite n'a d'égale que le charisme brodé de sophistication
** Ann Harding (Double Harness), une actrice que j'apprécie de plus en plus, et qui séduit forcément, mise en valeur par la classe de William Powell
** Loretta Young (Employee's Entrance), un rôle charmant et bouleversant d'une jeune et jolie employée sous l'emprise de son patron
** Loretta Young (Man's Castle), le contrepoids idéal à la virilité de Spencer Tracy, permettant de ne pas briser la magie d'une réalisation épurée et comme hors du temps
** Fay Wray (Ann Carver's Profession), un film daté, mais une performance de femme moderne adorable, et toujours cette belle expressivité au fort impact visuel
Lillian Gish (His Double Life), la reine du cinéma muet qui parle, l'événement est de taille, le film l'est moins ; cependant, l'actrice y révèle un timbre de voix qui fait regretter de ne pas l'avoir vue plus souvent sur les écrans dans cette décennie 1930
* Fay Wray (One Sunday Afternoon), encore un film qui semble émerger des limbes du temps, avec un mauvais Gary Cooper mais une Fay au pouvoir de séduction intact, qui plus est amusante dans la variation vulgaire de son personnage
* Loretta Young (Zoo in Budapest), dont l'innocence est l'une des forces d'un film au charme hors du temps, malgré un scénario très vide
Constance Bennett (Bed of Roses), un film étrange que j'ai pourtant vu une seconde fois : pas de doute, même si elle est ici moins à son avantage, Constance n'en a pas fini d'être fascinante