Réalisation : Nicholas Ray
Société de production : Columbia Pictures
Genre : Film noir
Musique : George Antheil
Durée : 94 min
Date de sortie : 17 mai 1950 (USA)
Casting :
Humphrey Bogart : Dixon Steele
Gloria Grahame : Laurel Gray
Frank Lovejoy : Brub Nicolai
Martha Stewart : Mildred Atkinson
Jeff Donnell : Sylvia Nicolai
L’HISTOIRE
Dixon Steele, un scénariste de films
alcoolique et caractériel, est suspecté du meurtre d’une jeune femme qu’il
avait reçue chez lui. Sa voisine, Laurel Gray, témoigne en sa faveur avant de
tomber sous son charme. Mais alors qu’ils mènent un début de vie de couple,
elle découvre peu à peu le tempérament violent et excessif de Steele, et
commence à douter de son innocence…
L’AVIS
DE GENERAL YEN
In A Lonely Place, « Le
Violent » en VF (les traductions françaises sont souvent déplorables, mais
ici on touche le fond avec ce titre digne d’un film de série B) appartient à
mon genre de prédilection : le film noir, que j’ai déjà abordé dans mes
articles sur Double Indemnity
et les plus grandes femmes fatales.
Point de femme fatale dans ce film pourtant, bien que Gloria Grahame ait joué
ce rôle de façon convaincante dans The
Big Heat, par exemple. Car In
A Lonely Place déroge aux codes du genre, et c’est ce qui en fait tout
son intérêt.
Humphrey Bogart est Dixon Steele, un personnage fondamentalement ambigu et à la personnalité complexe. « Aux » personnalités devrais-je dire, car c’est en quelque sorte un Dr Jekyll / Mr Hyde, tantôt sympathique et attachant, tantôt imprévisible et dangereux lorsqu'il a bu. Steele est un homme tourmenté, un scénariste en panne d’inspiration qui noie ses soucis dans l’alcool. Mais c’est aussi un homme avec des idéaux, un certain sens de la justice : il n’hésite pas à défendre l’honneur insulté d’un vieil acteur déchu.
Laurel Gray, interprétée par Gloria
Grahame, est séduite par cet homme blessé, peu ordinaire. En « bonne
samaritaine », elle couve l’espoir de le « guérir » de ses
afflictions en lui prodiguant son amour et en lui inspirant sa joie de vivre. Et ça marche au début : en panne
d’inspiration avant de la rencontrer, il se remet à écrire. Et surtout, il se
surprend à aimer à nouveau et à se faire aimer.
Mais Laurel se surestime et découvre peu à peu la face sombre de Dixon qui, imprévisible par ses accès
soudains de colère et ses flambées de violence, l’effraie de plus en plus. Pis,
elle en vient à douter du fondement même de leur liaison : elle lui avait
témoigné une confiance aveugle en lui fournissant un alibi quant à l’affaire du
meurtre de Mildred Atkinson. Et si, finalement, il avait trouvé le moyen de
tuer cette femme, malgré tout ? Aux yeux de Laurel, Dixon commence à
revêtir les habits du meurtrier. Et le spectateur de s’interroger avec elle...
"I was born when she kissed me. I died when she left me. I lived a few weeks while she loved me."
Alors résumons. Un personnage
séduisant, mais mystérieux, inquiétant, et qui entraine sa « proie »
dans sa chute, ça ne vous rappelle rien ? Eh oui, en lieu et place d’une femme fatale, In A Lonely Place nous propose un « homme fatal »
en la personne de Dixon Steele. Cette inversion des codes du film noir rend le film singulier et passionnant.
En termes de mise en scène, le
réalisateur Nicholas Ray joue intelligemment. Il n’est pas facile de rendre
cohérent un film qui montre d’une scène à l’autre un personnage sympathique
puis repoussant. Ici, la cohésion est assurée par des indices disséminés dans
les scènes où Steele évolue dans un terrain apaisé. Je relève un symbole
fort : la grille en métal ouvragé à l’intérieur de la maison de Dixon, qui
évoque les barreaux d’une prison. Dixon est comme un lion en cage, qui sort chasser de temps à autre avant de regagner sa tanière.
Concernant les acteurs, de toutes les prestations de Humphrey Bogart, c’est
probablement celle que je préfère. Et pourtant il y a de la concurrence, étant moi-même un fan absolu
du couple Bacall / Bogart. Il est excellent et très crédible dans ce rôle d’homme
imparfait, viril mais manquant d’estime de soi. Ça nous change du Bogart macho
sûr de lui. Une scène en particulier est saisissante, quand il imagine le
meurtre devant un couple d’amis, qu’il invite à mimer la scène. La lumière qui éclaire
son regard rend son expression féroce. Un loup prêt à mordre se dresse soudain
sous nos yeux…
Gloria Grahame joue également son
meilleur rôle selon moi avec cette Laurel sublime tant dans sa tendresse
émouvante envers ce vieux lion blessé que dans son effroi grandissant.
Conclusion
In A Lonely Place (vous ne me
ferez jamais dire « Le Violent ») brille par son traitement
original des codes du film noir, l’alchimie de son duo d’acteurs (c’est la
première fois que je vois Bogart en communion avec une autre actrice que
Lauren) et un scénario aux petits oignons qui nous tient en haleine jusqu’au
bout : l’affiche du film nous promet une fin pleine de suspense, il n’y a
pas tromperie sur la marchandise !
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