jeudi 4 septembre 2014

IN A LONELY PLACE – Le Violent


Réalisation : Nicholas Ray
Société de production : Columbia Pictures
Genre : Film noir
Musique : George Antheil
Durée : 94 min
Date de sortie : 17 mai 1950 (USA)
Casting :
Humphrey Bogart : Dixon Steele
Gloria Grahame : Laurel Gray
Frank Lovejoy : Brub Nicolai
Martha Stewart : Mildred Atkinson
Jeff Donnell : Sylvia Nicolai



L’HISTOIRE

Dixon Steele, un scénariste de films alcoolique et caractériel, est suspecté du meurtre d’une jeune femme qu’il avait reçue chez lui. Sa voisine, Laurel Gray, témoigne en sa faveur avant de tomber sous son charme. Mais alors qu’ils mènent un début de vie de couple, elle découvre peu à peu le tempérament violent et excessif de Steele, et commence à douter de son innocence…


L’AVIS DE GENERAL YEN

In A Lonely Place, « Le Violent » en VF (les traductions françaises sont souvent déplorables, mais ici on touche le fond avec ce titre digne d’un film de série B) appartient à mon genre de prédilection : le film noir, que j’ai déjà abordé dans mes articles sur Double Indemnity et les plus grandes femmes fatales. Point de femme fatale dans ce film pourtant, bien que Gloria Grahame ait joué ce rôle de façon convaincante dans The Big Heat, par exemple. Car In A Lonely Place déroge aux codes du genre, et c’est ce qui en fait tout son intérêt.



Humphrey Bogart est Dixon Steele, un personnage fondamentalement ambigu et à la personnalité complexe. « Aux » personnalités  devrais-je dire, car c’est en quelque sorte un Dr Jekyll / Mr Hyde, tantôt sympathique et attachant, tantôt imprévisible et dangereux lorsqu'il a bu.  Steele est un homme tourmenté, un scénariste en panne d’inspiration qui noie ses soucis dans l’alcool. Mais c’est aussi un homme avec des idéaux, un certain sens de la justice : il n’hésite pas à défendre l’honneur insulté d’un vieil acteur déchu.

Laurel Gray, interprétée par Gloria Grahame, est séduite par cet homme blessé, peu ordinaire. En « bonne samaritaine », elle couve l’espoir de le « guérir » de ses afflictions en lui prodiguant son amour et en lui inspirant sa joie de vivre. Et ça marche au début : en panne d’inspiration avant de la rencontrer, il se remet à écrire. Et surtout, il se surprend à aimer à nouveau et à se faire aimer.

Mais Laurel se surestime et découvre peu à peu la face sombre de Dixon qui, imprévisible par ses accès soudains de colère et ses flambées de violence, l’effraie de plus en plus. Pis, elle en vient à douter du fondement même de leur liaison : elle lui avait témoigné une confiance aveugle en lui fournissant un alibi quant à l’affaire du meurtre de Mildred Atkinson. Et si, finalement, il avait trouvé le moyen de tuer cette femme, malgré tout ? Aux yeux de Laurel, Dixon commence à revêtir les habits du meurtrier. Et le spectateur de s’interroger avec elle...

"I was born when she kissed me. I died when she left me. I lived a few weeks while she loved me."

Alors résumons. Un personnage séduisant, mais mystérieux, inquiétant, et qui entraine sa « proie » dans sa chute, ça ne vous rappelle rien ? Eh oui, en lieu et place d’une femme fatale, In A Lonely Place nous propose un « homme fatal » en la personne de Dixon Steele. Cette inversion des codes du film noir rend le film singulier et passionnant.

En termes de mise en scène, le réalisateur Nicholas Ray joue intelligemment. Il n’est pas facile de rendre cohérent un film qui montre d’une scène à l’autre un personnage sympathique puis repoussant. Ici, la cohésion est assurée par des indices disséminés dans les scènes où Steele évolue dans un terrain apaisé. Je relève un symbole fort : la grille en métal ouvragé à l’intérieur de la maison de Dixon, qui évoque les barreaux d’une prison. Dixon est comme un lion en cage, qui sort chasser de temps à autre avant de regagner sa tanière.


Concernant les acteurs, de toutes les prestations de Humphrey Bogart, c’est probablement celle que je préfère. Et pourtant il y a de  la concurrence, étant moi-même un fan absolu du couple Bacall / Bogart. Il est excellent et très crédible dans ce rôle d’homme imparfait, viril mais manquant d’estime de soi. Ça nous change du Bogart macho sûr de lui. Une scène en particulier est saisissante, quand il imagine le meurtre devant un couple d’amis, qu’il invite à mimer la scène. La lumière qui éclaire son regard rend son expression féroce. Un loup prêt à mordre se dresse soudain sous nos yeux…

Gloria Grahame joue également son meilleur rôle selon moi avec cette Laurel sublime tant dans sa tendresse émouvante envers ce vieux lion blessé que dans son effroi grandissant.

Conclusion

In A Lonely Place (vous ne me ferez jamais dire « Le Violent ») brille par son traitement original des codes du film noir, l’alchimie de son duo d’acteurs (c’est la première fois que je vois Bogart en communion avec une autre actrice que Lauren) et un scénario aux petits oignons qui nous tient en haleine jusqu’au bout : l’affiche du film nous promet une fin pleine de suspense, il n’y a pas tromperie sur la marchandise !


NOTE : 9/10



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire