dimanche 14 septembre 2014

PLATINUM BLONDE – La blonde platine


Réalisation : Frank Capra
Scénario : Jo Swerling d'après une histoire de Harry Chandlee et Douglas W. Churchill
Producteurs : Frank Capra et Harry Cohn
Société de production : Columbia Pictures
Genre : Comédie
Durée : 89 minutes
Date de sortie : 31 octobre 1931 (USA)
Casting :
Robert Williams : Stew Smith
Jean Harlow : Ann Schuyler
Loretta Young : Gallagher
Halliwell Hobbes : Smythe, le domestique
Edmund Breese : Conroy, l’éditeur
Reginald Owen : Dexter Grayson
Louise Closser Hale : Mme Schuyler
Donald Dillaway : Michael Schuyler


L’HISTOIRE

Le reporter Stew Smith enquête sur la rupture de fiançailles du riche playboy Michael Schuyler, et tombe amoureux de sa sœur Ann, qu’il épouse au grand dam de la famille de celle-ci et de son amie de longue date, sa collègue journaliste Gallagher. Mais, alors qu’Ann espère le transformer en un parfait gentleman, Stew n’aspire qu’à continuer à vivre comme avant…


L’AVIS DE FU MANCHU

Si, avant de voir ce film, je savais que l’intrigue allait me plaire, je ne pensais pas que La Blonde Platine allait me séduire autant – sans jeu de mots… Pourtant, je m’imaginais avoir fait le tour de Capra, ayant déjà visionné une bonne brochette de ses films, souvent pour le meilleur (Mr. Smith Goes to Washington, It’s a Wonderful Life…) ou pour du moins bon (It Happened One Night, désolé Frank mais je n’ai pas accroché… j’ai du mal avec Claudette Colbert, il est vrai). Frank Capra, en plus, c’est généralement beaucoup de bons sentiments et une petite dose de morale avec une fin que l’on voit venir de très loin : c’est bien fait et ça marche à chaque fois, mais ça peut lasser même un amateur comme moi.
Or ici, pas de grandiloquence capraienne à l’horizon, mais a priori une bonne comédie romantique légère et sans prétention, figurant des acteurs que j’avais envie de découvrir depuis un moment – ayant déjà vu Jean Harlow dans Libeled Lady - ; un bon film, donc, mais pas de quoi faire un article sur le blog… Et pourtant, Platinum Blonde m’a totalement conquis sur pas mal d’aspects que je vais maintenant aborder en détail.


L’histoire en elle-même apporte une bonne base et est suffisamment solide pour maintenir l’intérêt durant tout le film, tout en étant assez facilement prévisible. Ce qui est intéressant dans le traitement du film, ce sont les détails et la manière d’arriver à cette fin : car si le triangle amoureux est classique et rapidement discernable, la relation entre les personnages de Jean Harlow et de Robert Williams est bien étudiée, et évite de nombreux pièges scénaristiques en étant finalement assez « réaliste ». Les problèmes posés par cette histoire d’amour sont tout à fait crédibles, et on se prend à se demander si Stew Smith va s’adapter à sa nouvelle vie de château… Ce thème du « Cinderella Man », dans lequel Cendrillon est l’homme qui épouse la riche héritière, est d’ailleurs très bien abordé, et il est amusant de noter que, si l’histoire fait rêver les petites filles, les grands garçons sont plutôt enclins à prendre la comparaison comme une insulte - surtout dans les années 30 où c’était à l’homme de subvenir, seul, aux besoins de sa famille.

Robert Williams, dans le rôle principal de Stew Smith, est vraiment excellent : charismatique, il fait montre d’un sens de la répartie qui semble tellement naturel qu’il en est désarmant, et il joue à merveille de cet humour subtil et plein d’ironie qu’il distille dans ses répliques. Il est en tout cas et à mon sens totalement crédible dans ce rôle de journaliste « commun », intelligent et sympathique, qui tombe amoureux d’une belle dame de la haute société, et doit faire face à ces différences de statut social qui vont porter atteinte à sa fierté masculine. Acteur très prometteur à l’époque, Williams serait probablement devenu une star majeure d’Hollywood s’il n’était pas décédé brutalement juste après la sortie du film – destin tragique qu’il partage d’ailleurs avec Jean Harlow, qui a cependant eu le temps d’accéder à la gloire…

Jean Harlow, dans l’un des films qui l’ont rendue iconique, trouve dans le personnage d’Ann Schuyler un rôle à contre-emploi : quoi, Jean Harlow, la blonde platine, joue une « dame de la haute » ?! On peut être sceptique au départ, et à raison. Pourtant, bien que Jean soit plus crédible en femme « fatale » et quelque peu vulgaire, cela marche ici. Bien que je ne la trouve honnêtement pas spécialement belle, elle est souvent attachante, et il est clair qu’elle sait se montrer très séduisante dans ses face-à-face romantiques avec Robert Williams. Et parce qu’il y a une tension très sexuelle entre ces deux-là, l’alchimie prend finalement forme...

Dernier personnage et pas des moindres, puisqu’elle est créditée en haut de l’affiche – un peu étonnamment à mon avis -, Loretta Young est « Gallagher », la collègue journaliste secrètement amoureuse de Stew. Je la trouve un peu effacée par rapport à Jean Harlow, beaucoup plus flamboyante, qui en plus a le rôle-titre du film (« la blonde platine », c’est elle) face à la brune, discrète et dévouée Loretta. On est dans des clichés très hollywoodiens, je vous l’accorde, mais peu importe ici : Loretta Young est tellement adorable que l’on ne peut que s’attacher à son personnage, qui souffre en silence de l’attachement de Stew pour Ann, celui-ci ne voyant en Gallagher que son « compagnon » de longue date. Ce n’est peut-être pas très crédible (si vous avez une Loretta Young jolie comme un cœur comme plus proche confidente, vous préférez aller voir Jean Harlow, vous ?), mais après tout, pourquoi pas. Loretta est cependant très intéressante dans sa manière de rendre les émotions de son personnage, notamment quand elle apprend le mariage de Stew : émue aux larmes, elle le cache tant bien que mal, souriant à Robert Williams puis laissant son visage se décomposer dès qu’il a le dos tourné. Cela rend le personnage de Gallagher très touchant et sensible, à l’opposé de l’image de la journaliste conquérante des screwball comedies de l’époque, comme Rosalind Russell dans His Girl Friday, par exemple.

Ce film reste une comédie, très bien écrite et portée par le talent comique de Robert Williams et ses répliques tout en ironie, et par de nombreuses scènes très drôles. L’éloignement des aristocrates avec la réalité est d’ailleurs très bien rendu, et on sent la moquerie jubilatoire dans le comportement de Stew Smith quand il se moque des petites habitudes des maîtres et de leurs valets – notamment cette propension à saluer en se courbant, qui donne quelques comiques de situation très réussis… L’alchimie entre les personnages est aussi très présente, que ce soit entre Loretta Young et Robert Williams (qui font très « couple » pris sur le fait quand leur chef les découvre en train de faire des messes basses au début du film), ou entre Williams et Jean Harlow, qui ont un rapport à la fois sensuel et comique, en témoigne une belle scène de fou rire qui se communique même au spectateur.



Conclusion

Platinum Blonde est donc une comédie très réussie, très agréable à regarder et sublimée par un jeu d’acteurs excellent, notamment Robert Williams qui aurait mérité d’avoir une carrière beaucoup plus fournie. L’opposition brune/ blonde est classique mais marche très bien, principalement parce que les deux femmes sont attirantes et positives à leur propre manière. Jean Harlow ne joue pas une femme fatale, mais une vraie dame qui essaye de faire entrer l’homme qu’elle aime dans son monde, et Loretta Young incarne une beauté discrète mais incroyablement charmante… Si j’aime beaucoup Jean Harlow, qui a finalement un côté très touchant, c’est donc Loretta Young qui est ma révélation féminine dans ce film, et dont je vais m’efforcer de découvrir la filmographie plus en avant…


NOTE : 8,5/10




1 commentaire:

  1. Joli film, sans les "Capra moments" habituels, ce dont je ne me plains pas... L'histoire est intéressante et le film explore son sujet à fond. Je n'accroche pas beaucoup à Jean Harlow, mais elle joue très bien son rôle. Loretta Young est une révélation, quoique dans un rôle secondaire, et que dire de l'acteur principal, Robert Williams, qui aurait sans doute pu être une immense star.

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