Réalisation : William Wyler
Scénario : Robert E. Sherwood d'après le roman Glory for Me de MacKinlay Kantor
Producteur : Samuel Goldwyn
Société de production : MGM
Musique : Hugo Friedhofer
Genre : Drame
Durée : 172 minutes
Date de sortie : 21 novembre 1946 (USA)
Casting :
Fredric March : Al Stephenson
Dana Andrews : Fred Derry
Harold Russell : Homer Parrish
Myrna Loy : Milly Stephenson
Teresa Wright : Peggy Stephenson
Virginia Mayo : Marie Derry
Cathy O'Donnell : Wilma Cameron
Hoagy Carmichael : Oncle Butch
L’HISTOIRE
En 1945, à la fin de la seconde guerre mondiale, trois soldats
démobilisés, le sergent d'infanterie Al Stephenson, le capitaine de l’armée de
l’air Fred Derry et le marin Homer Parrish, font connaissance à bord de l'avion
qui les ramène à Boone City, leur ville natale. Partagés entre l'impatience de
retrouver les leurs et l'appréhension de leurs réactions, ils vont devoir se
réadapter à la vie « normale »...
L’AVIS DE FU MANCHU
J’étais un peu sceptique avant de
commencer ce film, sa longueur (plus de 2h40 !) me freinant beaucoup. Mais
ayant lu de bonnes critiques, je me suis lancé, quitte à le voir en deux fois…
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que je n’ai pas été déçu, tellement ce
film m’a donné exactement ce que je voulais y trouver, et plus encore. The Best Years Of Our Lives est
un film magnifique, et je n’ai clairement pas vu le temps passer tellement
j’étais absorbé par l’intrigue et l’ambiance du film.
Points forts
The Best Years Of Our Lives est d’abord et avant tout l’histoire d’une époque, et ce film nous donne un témoignage de la vie dans une petite ville des Etats-Unis pendant l’immédiat après-guerre. Le fait que le film ait été tourné juste après la guerre (1946) est très intéressant en lui-même, car ce n’est donc pas un film historique que nous avons là. C’est un film qui avait pour but de montrer aux américains le destin de ces soldats retournant chez eux après la guerre, destin qui devait toucher bon nombre de familles à l’époque. D’ailleurs, The Best Years Of Our Lives n'est pas un mélodrame larmoyant s'apitoyant sur le sort de ces soldats, mais touche plutôt au drame social « contemporain ».
On retrouve cet appel à « l’universalité » - une histoire qui doit toucher tous les Américains, et le monde entier finalement - dans les trois histoires développées en parallèle. Le film suit trois soldats, provenant des trois corps d’arme composant l’armée américaine : l’armée de l’air, l’armée de terre et la marine. Une manière de réunir tous les soldats, toutes les histoires réelles, et de permettre plus facilement l’identification aux personnages pour le plus grand nombre.
De même, les trois soldats viennent de trois classes sociales différentes : Al Stephenson (Fredric March), le sergent d'infanterie, appartient à la classe supérieure aisée, et est banquier dans la vie civile. Homer Parrish (Harold Russell), le marin, vient de la classe moyenne supérieure, sa famille possède une maison de banlieue très américaine. Enfin le troisième homme, Fred Derry (Dana Andrews), est issu de la classe populaire et travaillait comme vendeur de glaces dans un magasin avant la guerre. Il est d’ailleurs très intéressant de remarquer que dans l’armée, les distinctions sociales s’effaçaient pour faire place à une autre hiérarchie : c’est ainsi le capitaine Fred Perry, l’homme le moins bien loti dans la vie civile, qui avait préséance devant le sergent Al Stephenson. C’est très intelligemment fait, car outre de pointer l’armée comme facteur de réunion et de promotion par le mérite, cela montre que les positions sociales ne reflètent pas forcément la valeur de chacun. D’ailleurs, les trois hommes vont sympathiser facilement à bord de l’avion qui les ramène chez eux.
Je ne veux pas trop révéler l’intrigue, mais il est déjà très intéressant de suivre ces trois destins, aux chemins séparés mais imbriqués, dans les méandres de leur vie familiale, professionnelle et sentimentale d’après-guerre. La force émotionnelle de leurs histoires ne peut que nous toucher, et la symbolique omniprésente et très étudiée est vraiment passionnante (la scène où Dana Andrews se retrouve dans un cimetière d’avions vers la fin du film, lui l’ancien as de l’aviation, est particulièrement puissante et évocatrice).
Passons aux acteurs, maintenant, tous excellents dans leurs rôles, aucun ne volant la vedette à l’autre : en fait, c’est à chacun de nous de « choisir » et nous identifier au personnage, à l’histoire qui nous parle le plus.
Fredric March est très crédible dans son rôle de père de famille et de mari qui essaye de se réhabituer à sa vie civile, et souvent assez drôle (il simule très bien l’ivresse et les lendemains de beuverie, dirons-nous…). On voit l’influence de la guerre sur lui, ses habitudes sont chamboulées (il lui est difficile de se réhabituer à dormir dans son lit, par exemple), et l’approche de son métier en est modifiée quand il doit décider s’il doit octroyer ou non un prêt à un ancien soldat. Sa complicité et son alchimie avec Myrna Loy, qui joue sa femme Milly, est frappante. Celle-ci est d’ailleurs parfaite dans son rôle de femme aimante, son jeu est toujours très juste, sans excès ou larmoiement excessif.
Le cas d’Homer Parrish a un intérêt particulier, car Harold Russell n’était pas un acteur professionnel, et son jeu est très subtil et ne suscite pas l'apitoiement. Il était réellement amputé des mains, chose que l’on découvre tout en douceur dans ce film, dans une très belle scène, très émouvante mais tout en retenue. Sa compagne Wilma est parfaitement interprétée par la douce Cathy O'Donnell, qu’il n’est pas trop difficile de trouver absolument adorable.
Le capitaine Fred Derry est joué par Dana Andrews, que j’ai toujours trouvé excellent dans ses films, et celui-là ne déroge pas à la règle. C’est d’ailleurs son histoire que j’ai trouvé la plus captivante, car c’est lui, à qui la guerre a, d’une certaine manière, le plus souri (capitaine, héros de guerre), qui va subir le plus durement le retour à la vie civile et le déclassement qu'il implique. Virginia Mayo interprète sa femme Marie, qu'il a épousée peu avant de partir au front.
J’ai aussi bien aimé le personnage d’Hoagy Carmichael - pianiste de profession - qui joue l’oncle d’Homer Parrish, toujours de bon conseil et dont le bar va servir aux réunions des trois amis.
Question réalisation, j’ai trouvé très bien construites certaines séquences : je pense à cette scène du petit-déjeuner dans la cuisine de la famille Stephenson, aux très longs plans fixes et où les personnages entrent, parlent et sortent sans aucune coupure ou presque. Cela permet de donner l’impression que l’on assiste à une vraie scène de la vie quotidienne d’une famille que William Wyler a juste « capturée ». Même chose lors de plusieurs moments importants dans le film, où cette fois la caméra, toujours en plan fixe (c’était assez courant chez Wyler apparemment) réussit à capter deux scènes en une, au premier plan et à l’arrière-plan. Wyler utilise cette technique au moins deux fois dans le film, lors d’une scène où Dana Andrews est au téléphone à l’arrière-plan, et lors de la scène finale. Il y a d’ailleurs un certain écho entre ces deux scènes qui n’est peut-être pas dû au hasard. Il pourrait y avoir une symbolique dans la distance entre Andrews et son interlocuteur, qui évolue de manière flagrante entre ces deux scènes, et si c'était vraiment l'intention de Wyler de relier les deux scènes entre elles, je trouve ça… génial, si si, n’ayons pas peur des mots !
Après avoir évoqué toutes les caractéristiques du film, il y en a une que je n’ai pas évoquée et qui m’a marquée, moi amateur de symboles, c’est la signification du titre, The Best Years Of Our Lives : « les plus belles années de notre vie ». Car c’est finalement le personnage de Marie Derry (Virginia Mayo), la femme de Fred, qui prononce la fameuse phrase : « I gave up the best years of my life », faisant référence aux sacrifices qu’elle dit avoir fait depuis le retour de Fred à la maison, les plus belles années de sa vie étant donc les années d'absence de Fred : les années de guerre. Ce qui est d’autant plus intéressant, et montre que le titre renvoie pour chaque personnage à une notion différente. Cela rappelle aussi que les années passées à la guerre sont pour les trois héros des années « perdues », où les autres ont continué à vivre et qu’ils ont pu apprécier. Alors que pour les trois soldats revenant du front, les plus belles années de leurs vies sont probablement encore à venir, c’est même leur futur immédiat (c’est mon interprétation, mais le message du film, vu son déroulement, me semble fondamentalement positif).
Points faibles
Vu que je vais mettre la note maximale à ce film (mais si !) et que je l'ai vraiment aimé de bout en bout, je vais faire une exception à la règle et ne pas mettre de point faible. Il est de toute façon tout à fait possible d'être moins touché par le film et concerné par les thèmes abordés…
Conclusion
The Best Years Of Our Lives est vraiment l’un des tous meilleurs films « classiques » que j’ai vus. A l’heure actuelle, seul Leave Her To Heaven (Péché Mortel) avec Gene Tierney m’a fait plus d’effet. C’est cela dont je parlais pour Mr. Smith Goes To Washington, et qui prend ici encore plus d’importance : lorsque le film vient de se terminer, on a une sensation de perfection. En fait, c’est un de ces cas où le film a comblé toutes nos espérances, et mieux encore : il les a dépassées.
NOTE : 10/10
Excellent film. Je craignais un scénario qui se reposerait trop sur les sentiments et les émotions (une caricature du mélodrame donc), mais en fait pas du tout : ce film est riche de la diversité de ses personnages, qui sont tous explorés de manière intéressante. Dommage cependant que le couple Harold Russell / Cathy O'Donnell ne soit pas davantage mis en valeur. Le scénario passe trop vite sur eux.
RépondreSupprimerConcernant les acteurs, j'ai pour ma part beaucoup apprécié Dana Andrews (comme souvent) dans un de ses rôles les plus profonds, et une Myrna Loy vraiment très touchante.