Cette deuxième série se concentre sur trois films de l’ère Pré-Code
(1930-34).
Le 1er
juillet 1934, l’entrée en vigueur du Code
Hays met fin à une ère d’une grande audace créative à Hollywood. Ce guide
de censure va réguler pendant trente-quatre ans l’industrie du cinéma
américain : dans le but de préserver la bonne moralité des spectateurs,
chaque film devra désormais respecter des règles de décence, ce qui implique de
bannir injures, allusions sexuelles et violence. Modernes pour leur temps, les
films Pré-Code gagnent aujourd’hui à être redécouverts, tant pour leurs scénarios subversifs que pour les performances d'acteurs désinhibés...
BABY FACE – Liliane
Film de 1933, réalisé par Alfred E.
Green, avec Barbara Stanwyck et George Brent.
L’histoire : Abusée par les clients
de son père pendant sa jeunesse, la jolie Lily Powers décide de tenter sa
chance à New-York. Usant de ses charmes auprès des hommes, elle connait une
ascension sociale fulgurante…
“Use men ! Be strong ! Defiant ! Use men to get the things you want !”
Baby Face
est souvent considéré comme l’une des causes de l’entrée en vigueur du Code
Hays, quelques mois après sa sortie. Typique du Pré-Code, ce film surpasse pour moi ses contemporains, tant par le
message qu’il véhicule que par la prestation de son actrice principale.
Comme un autre grand Pré-Code, Red-Headed Woman (1932, avec Jean Harlow), Baby Face suit les menées d’une belle jeune femme qui utilise à dessein son immense potentiel de séduction pour s’élever dans la société. Mais là où le premier cité enrobe son sujet d’une saveur comique, qui adoucit son ton, Baby Face nous offre un résultat sombre, une claque dramatique, qui le rend plus réaliste et puissant.
Comme un autre grand Pré-Code, Red-Headed Woman (1932, avec Jean Harlow), Baby Face suit les menées d’une belle jeune femme qui utilise à dessein son immense potentiel de séduction pour s’élever dans la société. Mais là où le premier cité enrobe son sujet d’une saveur comique, qui adoucit son ton, Baby Face nous offre un résultat sombre, une claque dramatique, qui le rend plus réaliste et puissant.
Comme toujours, Barbara Stanwyck illumine le film :
elle campe une Lily au regard de braise et à la résolution d’acier. Chacun de
ses numéros de drague est un morceau d’anthologie, une leçon de séduction. D'un simple regard elle envoûte les hommes et le spectateur avec
elle. Car c’est aussi l’intérêt majuscule de ce film : son (anti-) héroïne effrontée parvient à susciter l’empathie malgré des actes condamnables.
Et, comme elle le prouve également dans Double Indemnity, Barbara est parfaite pour produire l’effet voulu. Car l’effet est clairement désiré par le réalisateur, ce qui démarque Baby Face de Red-Headed Woman, où le personnage de Jean Harlow, bien qu’attrayant, n’en reste pas moins irritable. Quand l’on sait que le Code Hays bannira tout procédé visant à attirer la sympathie du spectateur sur un personnage « criminel », on comprend le scandale qu’a pu provoquer un tel film.
“All the gentleness and kindness in me have been killed.”
Et, comme elle le prouve également dans Double Indemnity, Barbara est parfaite pour produire l’effet voulu. Car l’effet est clairement désiré par le réalisateur, ce qui démarque Baby Face de Red-Headed Woman, où le personnage de Jean Harlow, bien qu’attrayant, n’en reste pas moins irritable. Quand l’on sait que le Code Hays bannira tout procédé visant à attirer la sympathie du spectateur sur un personnage « criminel », on comprend le scandale qu’a pu provoquer un tel film.
THE DIVORCEE – La
divorcée
Film de 1930, réalisé par Robert Z.
Leonard, avec Norma Shearer, Chester Morris et Conrad Nagel.
L’histoire : Lorsque Jerry découvre que
son mari lui a été infidèle, elle le trompe à son tour. Mais celui-ci ne peut
passer outre…
Comme pour Alice Adams, The Divorcee me permet de parler d’un personnage et d’une
actrice qui m’ont tout particulièrement plu. Norma Shearer y incarne Jerry, une femme admirablement libre, qui
après avoir bâti un couple au sein duquel, pense-t-elle, l’épouse est en tous points l’égale
du mari, elle assume un divorce et continue seule son bonhomme de chemin, libre
d’esprit parmi les mondaines.
“The truth ? The last thing any man wants to hear from any woman !”
Même si l’on pourra regretter un scénario somme toute très conventionnel, ce film, réalisé en 1930, est considérablement en avance sur son temps. Le divorce est traité comme un sujet banal, il n’est même pas un obstacle moral pour le couple.
Le titre du film
n’est pas trompeur : c’est bien de la femme divorcée dont il s’agit : The
Divorcee est donc tout naturellement porté par une Norma Shearer brillante dans un rôle complexe qui occupe le devant de la scène. Sa Jerry
est à l’aise parmi les hommes, sa parole est respectée. Mieux : convoitée, bien que divorcée, elle est traitée comme
une reine. Toute la subtilité de l’actrice lui permet de
véritablement composer ce rôle, et de
dévoiler comme nulle autre les facettes de cette femme. Norma a remporté l’Oscar
de la meilleure actrice pour ce rôle, et à l’aune de sa prestation, c’est
amplement mérité.
EMPLOYEES’ ENTRANCE – Entrée
des employés
Film de 1933, réalisé par Roy Del Ruth,
avec Loretta Young, Warren William et Wallace Ford.
Warren William, qui interprète dans ce film un employeur
tyrannique, est surnommé « King of Pre-Code ». A son instar, je
déclare sa partenaire d’Employees’
Entrance, Loretta Young, Reine du Pré-Code. Et pourtant, cette même actrice incarnera plus tard des
femmes aux mœurs irréprochables et aux valeurs éprouvées, comme dans The Bishop’s Wife ou The Farmer’s Daughter (1947). Au
début des années 30, pourtant, Loretta multiplie les rôles de jeune beauté au visage d’ange, ses beaux yeux grands ouverts et la bouche en cœur. Un ange
pas toujours si innocent.
“With your looks, you shouldn't have any trouble finding a job.”
J’apprécie Employees’ Entrance pour deux
raisons, qui combinées, font de ce film un grand Pré-Code. Je l’ai citée, il y
a d’abord l’atout Loretta. Bien qu’elle ne domine pas le film comme dans Born to Be Bad (titre évocateur)
par exemple, son personnage, Madeleine, est d’un grand intérêt : sous ses
abords candides, elle n’en cède pas moins à la tentation d’avoir un emploi facilement, quel
qu’en soit le prix à payer.
Un rôle féminin, dans un Pré-Code typique, n’est pas là pour décorer comme une plante de salon. Non, le rôle féminin sert à électriser l’intrigue : dans Employees' Entrance, Madeleine est bien malgré elle l'élément perturbateur, qui, par son arrivée dans la vie de deux hommes, va susciter désir de possession pour l'un, amour pour l'autre, jouant ainsi à merveille un rôle de révélateur des personnalités masculines.
Tantôt vulnérable à l’extrême, tantôt drôle et enjouée, Loretta Young joue ici une partition sage, mais fortement symbolique : dans un Pré-Code, la femme est souvent manipulatrice (et amorale), comme dans la Lily de Baby Face, ou manipulée (et moralement en péril), comme ici Madeleine. Bien au-delà de l’aspect « subversif » d’une paire de jambes dévoilée, la figure féminine est une pièce maîtresse, sur laquelle aiment jouer les réalisateurs audacieux.
Un rôle féminin, dans un Pré-Code typique, n’est pas là pour décorer comme une plante de salon. Non, le rôle féminin sert à électriser l’intrigue : dans Employees' Entrance, Madeleine est bien malgré elle l'élément perturbateur, qui, par son arrivée dans la vie de deux hommes, va susciter désir de possession pour l'un, amour pour l'autre, jouant ainsi à merveille un rôle de révélateur des personnalités masculines.
Tantôt vulnérable à l’extrême, tantôt drôle et enjouée, Loretta Young joue ici une partition sage, mais fortement symbolique : dans un Pré-Code, la femme est souvent manipulatrice (et amorale), comme dans la Lily de Baby Face, ou manipulée (et moralement en péril), comme ici Madeleine. Bien au-delà de l’aspect « subversif » d’une paire de jambes dévoilée, la figure féminine est une pièce maîtresse, sur laquelle aiment jouer les réalisateurs audacieux.
L’autre « trait
de génie » du film réside dans son traitement du fonctionnement du grand magasin, indissociable du comportement de son directeur, Mr Anderson. Tourné
pendant la Grande Dépression, Employees’
Entrance dresse un portrait fin et saisissant d’un homme, obnubilé par
son succès personnel, prêt à tout pour garantir le développement comme la
survie de l’entreprise qui est devenue sa vie… et sa proie. Sur ce plan, le
film n’épargne rien à son spectateur. Cru et féroce, cet aspect du film est
très éloigné des attentes « screwballiennes » que le public manifeste alors pour s’évader de son contexte difficile. Mais le rire est bien présent. Il
coule même à flots par le biais de personnages secondaires qui sont autant de « comic reliefs », et bien sûr de l’inévitable
Loretta Young.
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