Pays : Royaume-Uni
Réalisation : Albert Lewin
Genre : Drame, Fantastique
Date de sortie : Février 1951
Scénario : Albert Lewin
Photographie : Jack Cardiff
Musique : Alan Rawsthorne
Durée : 122 min
Casting :
James Mason : Hendrik van der
Zee
Ava Gardner : Pandora Reynolds
Nigel Patrick : Stephen Cameron
Sheila Sim : Janet
Harold Warrender : Geoffrey
Fielding
Mario Cabré : Juan Montalvo
L’HISTOIRE
1930. Sur la plage d’un petit port espagnol, deux corps sans vie sont retrouvés dans les filets des pêcheurs. Assistant à la scène, le vieil archéologue George Fielding se remémore comment tout a commencé, quand le chemin de la belle Américaine Pandora Reynolds, fantasme de tous les hommes, a croisé celui du mystérieux Hendrik van der Zee, le marin maudit de la légende…
Dès les premiers instants du film, vous comprenez : la mer qui rejette deux corps, la vue sur une baie ensoleillée, le carillon qui résonne. D’emblée, une tonalité fataliste s’installe, une atmosphère comme je les aime s’impose. Malgré sa longueur, propre aux films d’aventure, le rythme de ce mélodrame imbibé de couleur locale espagnole ne s’amenuise pas, et cette ambiance si singulière reste présente du début à la fin.
La force de Pandora réside dans la confrontation
entre deux icônes. Car si le Hollandais Volant est un mythe bien connu qui a
fasciné nombre d’auteurs, le film articule à cette première légende une
seconde, plus tangible : celle d’une femme fatale, Pandora. Ce nom
évoque bien sûr le mythe grec éponyme, ce qui renforce le fatalisme du film ainsi
que sa portée symbolique.
Pandora Reynolds
est à bien des titres un personnage rare et fascinant. Sa troublante beauté
séduit chaque homme qu’elle rencontre, et tous la courtisent, rivalisant pour
cela d’audace remplie de symbolisme viril (course automobile, corrida). Les
arômes de la tragédie semblent s’animer à son passage : quand un
prétendant éconduit se suicide, elle s’éloigne, lasse de cette démonstration de
passion vaine ; à un autre qui se dit prêt à tout pour elle, elle le teste
en lui demandant de sacrifier ce qu’il a de plus cher au monde après elle.
Comme la Pandore de la mythologie, elle semblé vouée à semer le malheur. Son
désintérêt presque cruel pour le désir des hommes lui confère une réputation
sulfureuse. Il faudra finalement attendre sa rencontre avec l’un des plus
grands Maudits de la littérature pour que, paradoxalement, elle puisse
s’humaniser : le héros maudit sera la rédemption de la beauté fatale, et
vice-versa. Le thème du film est admirablement construit et s’allie
parfaitement avec l’atmosphère mélancolique de la réalisation d’Albert Lewin,
par ailleurs ponctuée de scènes aux décors somptueux.
Quant à James Mason, il prouve encore une fois
(cf. Odd Man Out) qu’il a un don pour
incarner avec conviction des héros au destin tracé, maudits. Son aura teintée
de charisme désenchanté sied à merveille au marin légendaire, qui est ici voué
à parcourir les sept mers jusqu’à ce qu’une femme soit prête à mourir pour lui.
Notez que sa présence scénique n’en est que plus forte quand s’installent des clair-obscur d’une grande beauté cinématographique, ce qui n’est pas sans
rappeler les techniques du film noir (cf. en particulier le splendide
« mélodrame noir » en couleurs LeaveHer to Heaven).
Les autres
personnages qui gravitent autour du couple protagoniste servent surtout à mieux
faire ressortir leurs personnalités ou à proposer des rebondissements
scénaristiques. Leurs interprètes ne sont guère mémorables, à l’exception de deux d'entre eux. Incarnant le torero Montalvo, Mario Cabré livre une prestation solide grâce à son charisme machiste, rempli d'orgueil et de frustration. Quant au narrateur de notre histoire, l’archéologue Geoffrey Fielding, il est joué par Harold Warrender, un acteur qui évoque le personnage-type du vieux sage (ce qui renforce sa fascination pour le Hollandais
Volant), et dont le regard bleu pénétrant couve Pandora d’une bienveillance
toute paternelle… non dénuée d’une pointe de désir. Mais pouvait-il en être
autrement ?
NOTE : 8/10.