Le Général Yen, gai cavalier, poursuit son voyage et arpente les contrées florissantes des années 40 et 50. En guise de perles, il a déniché tout heureux trois véritables joyaux. Et ce au péril de sa vie, car une morsure n’est jamais loin avec…
THE LITTLE FOXES – La
vipère
Film de 1941, réalisé par William Wyler, avec
Bette Davis, Herbert Marshall, Teresa Wright et Dan Duryea.
L’histoire : Dans le Vieux Sud du
début du 20ème siècle, Regina et ses deux frères tentent d’assouvir
leur ambition et leur cupidité par tous les moyens. Pour parvenir à ses fins,
elle n’hésite pas à manipuler ses proches, à commencer par sa propre fille, la
naïve Alexandra.
Avouons-le d'entrée, je
suis loin d’être le plus grand fan de Bette
Davis, une actrice qui, par son jeu, me laisse souvent assez indifférent,
quoique son talent ne fasse objectivement aucun doute. Mais il arrive – et ce n’est
pas rien – qu’elle dégage une étincelle, un je-ne-sais-quoi de plus que dans la
majorité de ses films, qui me fait totalement adhérer à sa performance. Cette
étincelle, je la retrouve dans The
Little Foxes, au titre français pour une fois bien inspiré : « La Vipère ».
Alors bien sûr,
si cette grande actrice me plait dans ce
film, la palme en revient en grande partie au réalisateur, sans oublier le
reste du casting. William Wyler est
certainement un des cinéastes classiques que je préfère. On lui doit ainsi des
pépites comme The Best Years of Our Lives, Wuthering Heights,
Roman Holiday, mais aussi,
puisque l’on parle de Bette Davis, Jezebel,
le premier rôle stratosphérique de la dame.
“You'll wreck the town, you and your brothers. You'll wreck the country, you and your kind.”
Dans The Little Foxes, Wyler nous
brosse un tableau familial comme je les aime, sis dans une petite ville
provinciale sudiste. La famille dont il s’agit, les Hubbard, est dépeinte comme
un véritable clan aristocratique, qui plus est honni par ses voisins, qui en
font à vrai dire une bête maléfique tapie dans leur contrée. A sa tête, Regina
et ses deux frères : des ambitieux, des malins, des cyniques. Les « éléments
rajoutés » de la famille (épouses, mari) sont des victimes qui ont été
pris dans les filets de ces vampires modernes. Bette Davis domine la fratrie de
toute sa splendeur en incarnant cette marâtre sudiste froide et calculatrice aux
faux airs de belle-mère de Cendrillon. D’un charisme détonnant, son personnage
est jouissif dans ses confrontations avec ses frères et ses petites manigances.
On la croit tantôt vaincue, tantôt invincible, et j’adore ça.
“The world is open for people like you and me. There is thousands of us all over the world. We'll own the country some day. They won't try to stop us.”
Mais il n’y a
pas que Bette Davis dans un film qui regorge de grandes performances et de
dialogues croustillants (« Do you like me? / Not today. / I’ll come
back tomorrow! »). Herbert Marshall
lui vole presque la vedette dans le rôle de son mari, un homme malade et pourtant
fort. Il est brillant dans son incarnation d’une figure sage, tranquille mais
déterminée. L’opposant parfait à Davis. Il est aussi touchant avec sa fille,
Alexandra (surnommée « Zan »), jouée par une adorable Teresa Wright, très convaincante dans
le tout premier rôle de sa carrière – et l’un de ses meilleurs. Car Alexandra
est la fille sous influence, couvée par sa mère, mais pas encore « corrompue ».
Au sortir de l’adolescence, elle commence à découvrir le monde. Son évolution
et ses choix forment l’autre trame motrice du film.
Pour finir,
mention spéciale à la scène finale, un chef d’œuvre absolu…
CAT ON A HOT TIN ROOF – La
chatte sur un toit brûlant
Film de 1958, réalisé par Richard Brooks,
avec Elizabeth Taylor, Paul Newman et Burl Ives.
L’histoire : Dans le Sud des Etats-Unis,
une riche famille se déchire. Rien ne va plus entre Maggie et Brick, un jeune
sportif à la carrière brisée, alcoolique et repoussant les ardeurs de sa femme.
En brouille avec son père, il apprend que celui-ci, qui ignore son sort, est
mourant...
Cat on a Hot Tin Roof a des allures de huis-clos, et ce n’est
certainement pas un hasard pour un film basé sur une pièce de théâtre. Ambiance
étrange que celle de cette villa du Sud profond (encore !), où les vieux
chants confédérés de garnements insupportables s’allient aux couleurs un peu
désuètes des robes des femmes et des décorations de la petite fête donnée en
l’honneur du patriarche. L’ambiance est lourde, le temps est à l’orage. Et
l’orage va éclater.
“You know what I feel like? I feel all the time like a cat on a hot tin roof.”
Toute la
richesse du scénario est de déclencher la tempête sur plusieurs fronts. Tout
dans cette famille semble surfait, les relations ne sont cordiales qu’en
surface, et l’hypocrisie règne en maître. Le frère de Brick et sa femme ne
sont-ils pas venus pour préserver leur part d’héritage ? Le personnage de
Brick, justement, est central à l’histoire : chouchou de son père, il est pourtant
en froid avec lui et le critique ouvertement ; son couple est en crise, et
il rejette sa femme Maggie pour des raisons qu’elle ignore.
“And you say he left you nothing but a suitcase with a uniform in it?”
La relation père
– fils est pour moi la plus grande réussite de Cat on a Hot Tin Roof. Paul
Newman (Brick) et Burl Ives (le
père, « Big Daddy ») sont absolument grandioses quand ils s’adressent
l’un à l’autre, en particulier lors d’une scène sublime à la cave, sur une
musique fabuleuse. Un de mes plus grands moments de cinéma, qui justifie à
lui-seul de voir un film qui abuse parfois d’un rythme d’escargot.
L’autre atout du
film est bien entendu « Maggie the Cat », jouée par Elizabeth Taylor, un rôle fait sur
mesure pour l’actrice qui « miaule » presque à l’écran en usant d’une
petite voix suraiguë. Elle est plus sensuelle que jamais pour incarner une
épouse frustrée sexuellement par son mari. Ce chat-là se hisse à la hauteur des
deux protagonistes masculins, et la féminité exacerbée de Taylor répond aux
débordements machos et à la violence à peine contenue des hommes.
THE SNAKE PIT – La fosse
aux serpents
Film de 1948, réalisé par Anatole Litvak,
avec Olivia de Havilland, Leo Genn, Celeste Holm et Mark Stevens.
L’histoire : Une femme se retrouve
internée dans un hôpital psychiatrique sans avoir le souvenir d’y être jamais
entrée.
The Snake Pit est le film qui m’a définitivement fait
aimer Olivia de Havilland. Film assez dur, il raconte la vie d’une détenue
internée psychiatrique, Virginia Cunningham. Cet asile ne diffère d’une prison qu’au vu des médecins et infirmières
qui gèrent tant bien que mal les patients. Ce film est passionnant pour
l’immersion dans cet univers clos divisé en de multiples
« zones » où cohabitent des individus à l’état similaire. Les
personnes proches de la réinsertion sont en zone 1. Ils pourront bientôt
sortir. Mais tout en bas de l’échelle, c’est l’enfer pour une personne
saine : la cauchemardesque « fosse aux serpents ».
“Here I was among all those people, and at the same time I felt as if I were looking at them from some place far away.”
Si j’ai apprécié
ce film, c’est d’abord parce que la réalisation brille : on nous laisse
« respirer » par des flashbacks révélateurs ; l’état psychique
de l’héroïne est constamment comparé à celui des autres patients ; la mise
en scène des temps forts du film est révélatrice de la perte de repères de
Virginia, ainsi que de ses émotions.
“When there are more sick ones than well ones, the sick ones will lock the well ones up.”
Bien évidemment,
ce film est ce qu’il est grâce à la performance de son interprète principale. Olivia de Havilland est sensationnelle
dans un rôle tout sauf glamour, ce à quoi elle m’a habitué. Mais ici, elle nous
peint une Virginia déroutée et déroutante : on ressent, on vit même, ce
que son personnage lui-même éprouve. Et pourtant, on la voit aussi de
l’extérieur, à travers les yeux de son médecin et de son mari. C’est là la
force du film et de l’actrice : nous faire voir de l’intérieur ce qui
d’ordinaire n’est concevable que d’un point de vue externe. Il est très
difficile pour le public de s’identifier à une personne en perte de repères,
anormale ou même déviante. Il faut donc une grande performance émotionnelle
pour faire intérioriser au spectateur le point de vue de Virginia. C’est le cas
ici, et je ne peux qu’applaudir l’artiste.
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