lundi 12 décembre 2016

TOP 5 : BETTE DAVIS


Bette Davis (1908-1989) est pour moi une actrice bien singulière. A juste titre l'une des plus célébrées de l'âge d'or, elle s’est spécialisée dans un type de cinéma mélodramatique qui, s’il reste de qualité, n’est pas tout à fait ma tasse de thé (et je m’y connais !). Mais même sans être son plus grand fan, j'ai eu envie de lui rendre ici un hommage appuyé, en mettant l'accent sur ses cinq performances qui m'ont tout particulièrement transporté. Avant tout, Bette Davis a eu la chance et l’opportunité de tourner avec un réalisateur qui est l’un de mes favoris, car il est passé maître dans l’art de sublimer l’atmosphère de ses films et d’obtenir le meilleur de ses actrices : William Wyler. Plus généralement, Bette ne me plaît jamais tant que dans un univers où elle peut canaliser son charisme au service de l’ambiance façonnée par le cinéaste ou créer une alchimie avec des partenaires masculins à son niveau. 


N°5 : Judith Traherne dans Dark Victory


VF : Victoire sur la nuit. Un film d’Edmund Goulding (1939), avec Bette Davis, George Brent, Geraldine Fitzgerald et Humphrey Bogart.

Son histoire : Une jeune héritière pleine de joie de vivre se voit diagnostiquer une tumeur au cerveau. Après l’opération chirurgicale, son médecin lui cache la vérité sur sa condition afin qu’elle puisse mener sa vie comme auparavant…

Pourquoi elle est n°5 : J’attendais plus de Dark Victory, qui aurait pu être un chef d’œuvre et se repose un peu trop sur la force émotionnelle de son actrice principale. Néanmoins, Bette Davis brille de tous ses feux dans ce film, l’un de ses plus célèbres. Sa prestation comporte la « spéciale Bette Davis », qu’on retrouve dans ses meilleurs rôles, et qui consiste à donner au caractère de son personnage des facettes antinomiques avec un naturel désarmant. Ici, elle fait cohabiter gaieté et mélancolie, force mentale et faiblesse physique, avec la plus grande subtilité. Dans d'autres films, on trouvera plutôt des personnages malfaisants et pourtant attachants ou fascinants…

Le film en bref…

Les plus :                                                            Les moins :
Une forte intensité émotionnelle ++                     Le scenario peu travaillé -
La finesse d’interprétation de Davis ++                 Un jeu larmoyant parfois trop forcé -


N°4 : Gabrielle Maple dans The Petrified Forest


VF : La forêt pétrifiée. Un film d’Archie Mayo (1936), avec Bette Davis, Leslie Howard, Humphrey Bogart et Genevieve Tobin.

Son histoire : Dans un petit relais-restaurant isolé au beau milieu du désert, un voyageur sans le sou fait étape et rencontre la fille du tenancier, une jeune femme rêveuse et idéaliste, alors qu’un bandit notoire récemment échappé de prison rode dans les environs…

Pourquoi elle est n°4 : D’abord parce que ce film est une vraie claque. Un huis-clos efficace à l’ambiance de western, qui bénéficie d’une distribution prestigieuse. Si la palme de la performance revient à un Leslie Howard éblouissant de charisme poétique, la jeune et blonde Bette Davis n’est pas en reste et produit ce qui est alors (en 1936) selon moi son sommet. Sa prestation possède un atout unique dans sa filmographie : à l’unisson de Howard, qui était déjà à son avantage à ses côtés en 1934 dans Of Human Bondage, elle dégage une vigueur inattendue dans un rôle de jeune fille innocente. Il émane d'elle une forme de beauté singulière et timide, un charme mélancolique que je ne lui avait jamais vu (et ne lui ai jamais revu depuis) et qui lui va à ravir.

Le film en bref…

Les plus :                                                            Les moins :
Des acteurs au sommet +++                                 Une intrigue peu originale -
Un huis-clos haletant +++                               
Mélancolie et idéalisme au rendez-vous +                              


N°3 : Julie Marsden dans Jezebel


VF : L’insoumise. Un film de William Wyler (1938), avec Bette Davis, Henry Fonda, George Brent et Margaret Lindsay.

Son histoire : Dans la Louisiane d’avant la Guerre de Sécession, une jeune femme au tempérament fougueux et indépendant se fâche gravement avec son fiancé. Elle se met alors en tête de le reconquérir.

Pourquoi elle est n°3 : La première collaboration entre Bette Davis et William Wyler accouche d’une véritable pépite. Car même si tout n’est pas parfait à mon goût, ce portrait de « Southern Belle », un an avant Autant en emporte le Vent, est un vrai tour de force : jeune femme irritable façon Scarlett O’Hara, Julie n’en a pas la force quasi-mystique, et c’est tant mieux : son personnage n’en est que plus réaliste. Bette déploie toute son aura pour séduire son public avec un personnage pourtant assez antipathique, et pour bâtir une romance tempétueuse, donc captivante, avec Henry Fonda. Sa performance s'essouffle cependant dans la fin du film, qui se concentre moins sur la personnalité de Julie et plus sur des événements sur lesquels elle n’a pas de prise. La preuve néanmoins que Wyler sait la mettre en valeur dans un bon drame d'époque.

Le film en bref…

Les plus :                                                            Les moins :
Le couple Davis – Fonda ++                                  Une 2e partie en demi-teinte --
Un personnage au “charme” antipathique ++                    


N°2 : Leslie Crosbie dans The Letter


VF : La lettre. Un film de William Wyler (1940), avec Bette Davis, Herbert Marshall, James Stephenson et Gale Sondergaard.

Son histoire : En Indonésie, dans une plantation, une femme abat un homme au cœur de la nuit. Elle invoque la légitime défense pour expliquer son geste. Alors que tous sont portés à la croire sur parole, son avocat semble garder un soupçon…

Pourquoi elle est n°2 : Je reprends ici mon avis de l’article consacré aux meilleures actrices de l’année 1940, auquel vous pouvez vous reporter pour une analyse plus approfondie. Dans ce film, William Wyler réussit encore une fois des miracles, et sublime une deuxième fois Bette Davis grâce à une excellente mise en lumière, et ce au propre comme au figuré : les éclairages au clair de lune de début et de fin sont sublimes. Davis nous gratifie ici de mines glaciales pourtant non départies d’humanité, du haut d’un regard empli d’une expressivité intense. Un immense charisme qu’elle met au service d’une intrigue bâtie sur le doute et la suspicion.

Le film en bref…

Les plus :                                                            Les moins :
Une ambiance précurseur du film noir +++                               
La subtilité du jeu de Bette Davis ++                              


N°1 : Regina Giddens dans The Little Foxes


VF : La vipère. Un film de William Wyler (1941), avec Bette Davis, Herbert Marshall et Teresa Wright.

Son histoire : Dans le Vieux Sud du début du 20ème siècle, Regina et ses deux frères tentent d’assouvir leur ambition et leur cupidité par tous les moyens. Pour parvenir à ses fins, elle n’hésite pas à manipuler ses proches, à commencer par sa propre fille, la naïve Alexandra.

Pourquoi elle est n°1 : Pour le sommet de la collaboration Wyler – Davis que constitue ce grand mélodrame somptueux situé dans l’antre d’un clan familial du Vieux Sud, et la performance de l’actrice, en tous points fabuleuse. Comme j’ai déjà pu le décrire plus en détails dans un article précédent, le personnage de Bette, Regina, est un modèle de femme calculatrice, au charisme serein et dévastateur. Le jeu de dupes avec ses frères et sa relation vipérine avec son mari et sa fille sont des monuments. S’il ne tenait qu’à moi, Bette Davis n’aurait joué que des personnages machiavéliques : les interpréter est une telle réussite !

Le film en bref…

Les plus :                                                            Les moins :
La mise en scène inspire de Wyler +++                 Quelques petites longueurs -
L’opposition Bette Davis – Herbert Marshall ++
Une Regina pleine de duplicité ++     
                          

2 commentaires:

  1. Peut-être mon actrice préférée de l'âge d'or du cinéma américain, même si je reconnais qu'elle a parfois tendance à en faire trop: j'ai revu Juarez cette semaine...

    Evidemment j'aime ton top 5, et suis notamment très content de voir une mention pour La Forêt pétrifiée, non seulement un bon film, mais à mes yeux la meilleure performance de Davis dans la première partie de sa carrière (avant le décollage stratosphérique amorcé par Jezebel). Les honneurs reviennent effectivement à Leslie Howard, mais elle détonne vraiment dans un rôle qu'elle élève par rapport au scénario.

    Autrement, j'adore inconditionnellement Dark Victory. Même le scénario, trop simple et sans autre but que de faire monter les larmes, ne me dérange pas, mais je reconnais que Davis tire vraiment l'histoire vers le haut. C'est pour moi sa deuxième meilleure performance après All About Eve (je me souviens que tu n'aimes pas spécialement ce film, je serai curieux d'avoir ton avis sur la question).

    Quant aux Wyler, j'opérerai probablement quelques petits changements de place. En fait, j'ai revu The Little Foxes cet été: c'est toujours un énorme chef-d’œuvre, et même mon choix comme meilleur film de l'année (Citizen Who?) malgré quelques longueurs que je n'avais pas décelé les deux premières fois, mais ce n'est plus nécessairement la performance que je préfère de Davis. C'est très intéressant parce qu'elle a tout fait pour ne pas imiter l'interprétation apparemment légendaire de Tallulah Bankhead, mais j'ai précisément eu le sentiment qu'il manquait une dimension humaine au personnage, sans que ce soit dérangeant puisque Regina est techniquement un monstre, sans compter que l'actrice montre bien comment être mise en difficulté par ses frères la rend d'autant plus fascinante, surtout pour rebondir dans la foulée. Du coup c'est excellent, mais après cette troisième visite, j'ai presque regretté que ce ne fût pas Bankhead qui ait hérité du rôle. Les performances extraordinaires d'Herbert Marshall et Patricia Collinge, plus la sympathique Teresa Wright, vraiment très bien pour un tout premier rôle, ont peut-être un peu détourné mon attention de Davis, mais leurs personnages ont évidemment un quotient sympathie qui fait cruellement défaut à l'héroïne.

    Enfin, d'accord avec Jezebel et sa deuxième partie moins inspirante, mais ça reste une interprétation qui gagne des points à chaque fois, et j'adore la mise en scène de la fièvre jaune. Mais finalement, j'en reviendrai toujours à La Lettre: c'est tellement intense malgré un jeu plus minimaliste qu'à l'accoutumée, et la mise en scène "noire" et tropicale est si parfaite que l'ensemble forme à mes yeux un immense chef-d’œuvre, peut-être mon film préféré de 1940 même si je voterais plus volontiers pour Le Dictateur ou The Shop Around the Corner pour le titre suprême. Tu ne trouves vraiment pas de "moins" au film?

    Du coup, si je devais reprendre mon propre classement de ses performances, mon top 5 actuel serait sans doute davantage: 1° All About Eve, 2° Dark Victory, 3° The Letter, 4° Jezebel, 5° The Little Foxes, mais rien n'est jamais définitif avec moi, ayant tendance à changer d'avis. Pour le top 10, j'intégrerais plus volontiers The Petrified Forest à la place de Old Acquaintance, un bon rôle qui ne lui pose néanmoins aucune difficulté, alors qu'elle apporte réellement quelque chose à la Forêt.

    PS: Tu choisis vraiment de bonnes photos pour introduire tes articles. Entre la royale Deborah et le sourire très charismatique de Bette, l'accroche est toujours très réussie.

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    1. Concernant All about Eve, le film m'a en fait beaucoup déçu ; j'en attendais plus, l'intrigue étant alléchante et Bette Davis unanimement célébrée. Or, je me suis pas mal ennuyé. Techniquement, c'est bon, et je n'ai pas de reproches à faire aux acteurs / actrices, mais question enthousiasme, c'est raté. La rivalité aurait pu bien mieux être exploitée, et à part quelques punchlines, je n'ai pas été séduit par le jeu des actrices (Baxter plus que Davis, c'est à noter), encore que j'apprécie généralement bien George Sanders dans ses rôles (la prestance, sans doute). Il faudra que je le revois pour avoir une opinion définitive.

      Sur le personnage de Regina, ce que j'apprécie justement c'est que Bette Davis ne la dépeint pas de manière ostensible comme un monstre. Elle use de beaucoup de froideur, de mines hautaines, et reste au fond assez discrète, par rapport aux personnages masculins. Mais c'est pour cette raison qu'elle en ressort grandie, puisqu'elle tire les ficelles. J'aime ce type de personnage, calme, pas trop flamboyant mais implacable. Bette Davis ne m'y avait pas habitué, c'est le même effet que de voir Miriam Hopkins calme et posée dans The Stranger's return...

      Je n'ai effectivement pas souvenir de "défauts" à donner à The Letter, la réalisation, le scénario et les acteurs étant au rendez-vous. En cherchant bien, on doit pouvoir trouver !

      Oui j'essaie d'utiliser des photos d'accroche qui résument bien l'opinion que je me fais de l'actrice ou de l'acteur dont il est question. Pour Bette, il y a un je-ne-sais-quoi dans son (léger) sourire et son regard, dans ses films des années 30 (Petrified Forest est le meilleur exemple), qui lui donne un charme simple et énigmatique...

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