Dernier chapitre de notre trilogie consacrée à l'année 1940. Après les meilleures actrices et les meilleurs acteurs, voici nos choix concernant les meilleurs films...
Cinquième
Place
- Fu Manchu sélectionne… REBECCA d’Alfred Hitchcock
- Fu Manchu sélectionne… REBECCA d’Alfred Hitchcock
D’autres films
auraient pu prétendre à une nomination, mais je porte finalement mon choix sur Rebecca
pour la cinquième place de ma liste. Il faut dire que le film est mené de mains
de maître, celles d’Hitchcock, qui réussit là ses débuts sur le sol américain.
Bien que l’histoire tienne plus du conte gothique (à la base, c’est un roman de
Daphne du Maurier) que d’un film à suspense « à la Hitchcock », on se
laisse rapidement prendre par l’intrigue dès l’arrivée des deux personnages
principaux dans leur manoir de Manderley : vieille demeure isolée du monde
et hantée par l’ombre d’une femme (la « Rebecca » du titre…) et de
sombres secrets, c’est bien autour d’elle que s’ancre toute l’atmosphère du
film. Outre les prestations nominées de Joan Fontaine et Laurence Olivier, on
retiendra parmi les personnages secondaires l’excellente Judith Anderson, qui
personnifie à merveille la redoutable Mrs Danvers…
Parmi une très forte concurrence dans cette catégorie de meilleur film, je sors de la masse cette très belle œuvre de Frank Borzage, qui traite des conséquences de l’arrivée au pouvoir des Nazis en Allemagne, du point de vue d’une petite communauté des Alpes bavaroises. Le titre (« La tempête qui tue » en VF) est sur ce point éloquent.
Au-delà de son
impact historique, toujours vivace aujourd’hui (il faut quand même songer que
les Etats-Unis n’étaient pas encore entrés en guerre à l’époque), The Mortal Storm est une
réalisation d’une grande beauté esthétique, au prologue et à l’épilogue très
soignés.
Tous les
personnages sont marquants, à commencer par le couple James Stewart / Margaret
Sullavan, mais pas seulement : chaque individu est important (c’est
d’ailleurs le sens du film, qui dit s’opposer au sacrifice de l’individu au
collectif), y compris ceux qui prennent le parti des Nazis. Même si ces
derniers sont – forcément – un peu caricaturaux, ils ne sont pas tous foncièrement
antipathiques, ce qui rend le film particulièrement puissant : la plupart des
personnages sont en fait victimes du nazisme, que ce soit par opposition ou par
adhésion à celui-ci... Une œuvre majeure qui mérite d’être redécouverte.
Quatrième
Place
- Fu Manchu sélectionne… THE GRAPES OF WRATH de John Ford
- Fu Manchu sélectionne… THE GRAPES OF WRATH de John Ford
Un film qui a
marqué son époque, et on comprend pourquoi : The Grapes of Wrath
(Les Raisins de la colère, en VF), c’est avant tout le récit
de l’Amérique profonde des années 30, de la « Grande Dépression » et
de la misère qu’elle a engendré. Son impact ne pouvait donc être que
considérable, encore aujourd’hui où le film fait figure de « témoin »
de son temps, d’autant plus avec une telle qualité de réalisation : il
suffit de la première scène, magnifique d’esthétisme et de simplicité (Henry
Fonda, petit point humain sur la route désertée…), pour s’en rendre compte.
Tous les acteurs sont au diapason d’Henry Fonda, et se fondent parfaitement
dans le film en incarnant cette famille de gens simples, honnêtes, sans grande prétention
sauf celle d’essayer de survivre dans un monde qui les a oubliés.
Voilà de quoi
garantir à The Grapes of Wrath une nomination bien méritée.
Malgré toutes ses qualités, il n’est cependant que quatrième, la faute à
quelques longueurs et, surtout, à d’autres films qui m’ont plus marqué sur un
plan très personnel…
- Général Yen sélectionne… WATERLOO BRIDGE de Mervyn LeRoy
Un tourbillon émotionnel qui culmine dans des scènes d’une rare intensité. Le scénario a fait le choix du mélodrame, choix rendu magnifique par la mise en scène. Certes, il pleut beaucoup sur Vivien Leigh, mais l’actrice est comme illuminée de l’intérieur. Sa prestation, très émouvante, nous fait presque oublier les inconsistances du dénouement qui, s’il est bien amené, nous semble évitable.
Troisième
Place
- Fu Manchu sélectionne… THE SHOP AROUND THE CORNER d’Ernst Lubitsch
C’est simple, à chaque visionnage, c’est encore meilleur : ce film est tellement subtil que je découvre à chaque fois une réplique à laquelle je n’avais jusque-là pas prêté attention, d’où un plaisir toujours renouvelé. James Stewart et Margaret Sullavan forment un couple toujours très agréable à voir évoluer (et en l’occurrence, à voir se jeter des piques farouchement pendant une bonne partie du film !), et leur alchimie comique fait des étincelles. Le tout est emballé dans un papier cadeau lubitschien teinté (pour nous qui le voyons aujourd’hui) d’une certaine nostalgie, tel un beau conte du passé : à voir et à revoir… et dans mon cas, à nominer !
Une merveille de « screwball comedy », qui a du génie en elle. La réalisation est brillante et les choix de Hawks font mouche à tous les étages. Tant le rythme rapide des dialogues que l’écriture de ceux-ci participent au rire, qu’il soit de mot ou de situation. La satire du journalisme est intelligente et fine, puisque malgré leur cynisme, les héros nous sont sympathiques. Une véritable pépite.
Deuxième
Place
- Fu Manchu sélectionne… WATERLOO BRIDGE de Mervyn LeRoy
Ah, j’ai beau me dire que la fin aurait pu être moins « conforme à la morale » (« C’est quoi cette fin ! », me disais-je à l’époque), Waterloo Bridge reste un de mes coups de cœur personnels. Vivien Leigh a fait un bond de géant(e) dans mon estime avec sa performance (oui, bien plus que pour Autant en emporte le Vent), et elle porte le film sans l’aide de personne… Pourtant, l’aide est bien présente : outre un très solide Robert Taylor dans le rôle du compagnon de la Myra de Vivien, le scénario, bien que très classique, renforce un édifice consolidé par une réalisation de qualité, dont la plus belle pierre restera cette fameuse et sublime scènes des retrouvailles de Leigh et Taylor dans Waterloo Station.
- Général Yen sélectionne… REBECCA d’Alfred Hitchcock
Un de mes Hitchcock préférés. Voilà un film à ambiance comme je les aime, qui traite du pouvoir d’un lieu sur ses habitants. La photographie, qui balance entre gothique et film noir avant l’heure, est superbe. Joan Fontaine a rarement été aussi séduisante et son personnage rayonne dans les ténèbres. Malgré tout, il me manque une petite touche supplémentaire, comme souvent chez Hitchcock, qui a fâcheusement tendance à me laisser sur ma faim.
Première
Place
- Fu Manchu sélectionne… THE GREAT DICTATOR de Charlie Chaplin
Comme du côté des acteurs, Chaplin reste pour moi indépassable cette année dans la catégorie du meilleur film. Plus je le revoie, et plus mon avis est tranché : The Great Dictator a quelque chose en plus. Il y a une certaine magie dans la performance de Chaplin, dans le scénario, dans ces scènes qui nous font rire, nous émeuvent, ou nous rappellent à quel point le film est avant tout une dénonciation de la dictature nazie. C’est aussi cela qui est si impressionnant dans Le Dictateur : Chaplin a réussi, de main de maître, à associer le burlesque de son personnage de Charlot (ici, le Barbier) avec des passages à l’intonation plus dramatique (les persécutions des juifs du ghetto), voire même à fusionner les deux en rendant Hynkel à la fois menaçant et drôle. Enfin, si Chaplin est omniprésent dans ce film, un petit mot pour Paulette Goddard, une actrice que j’aime beaucoup et qui apporte sa touche de charme au film dans le rôle d’Hannah – un personnage très humain qui permet une vraie identification du spectateur, par opposition à un Barbier très ancré dans la mythologie comique chaplinienne.
Un vrai petit chef d’œuvre, que je récompense en premier lieu pour son atmosphère désuète et nostalgique si réussie du Vieux Budapest. Le scénario est absolument brillant, puisqu’il fait s’enchevêtrer plusieurs trames. Quant aux acteurs, leur alchimie semble si facile qu’on oublierait presque l’effort de composition qu’ils font pour rentrer dans le moule de ce petit rêve lubitschien à la saveur d’antan. Mention spéciale aux seconds rôles (je pense surtout à « Pepi » et « Mr. Matuschek »), qui ajoutent une délicieuse cerise comique. Et de toute façon : Lubitsch est un génie, ce film n'en est qu'une preuve de plus...
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