Aux débuts de ce blog, je n’aurais jamais pensé écrire un jour cet article. A vrai dire, la longiligne Audrey Hepburn (née Ruston, 1929 - 1993) était loin de figurer en haut de ma liste d’actrices à découvrir, la faute à un mauvais choix de premier film vu, à savoir le pourtant mythique Breakfast at Tiffany’s (Diamants sur canapé). Mais depuis, la curiosité aidant, ainsi qu’une filmographie variée, la plus Européenne des stars hollywoodiennes s’est installée confortablement dans les sommets olympiens de mes préférences personnelles. Actrice novatrice pour son époque par son style, Audrey Hepburn est passée maître dans l’art de combiner à l’écran un charme innocent et comique et une élégance sophistiquée. Ce nouvel article ambitionne de passer en revue ses films les plus marquants, au travers de thématiques caractéristiques de son œuvre.
L’art de la
métamorphose
Trait commun remarquable de plusieurs films d’Audrey Hepburn, la transformation de ses héroïnes lui permet d’explorer en un même film deux aspects d’un personnage. La métamorphose est avant tout physique et prend la forme d’un relooking complet, mettant ainsi d’autant plus en valeur l’élégance de l’actrice, ainsi que de ses tenues. Elle peut également se doubler d’une évolution de mentalité, l’héroïne apprenant les codes d’un monde jusqu’alors inaccessible (souvent mondain et bourgeois, toujours chic), sans renier non plus les traits de personnalité qui font tout son charme.
Sabrina
Un film de Billy Wilder (1954), avec William Holden et
Humphrey Bogart.
L’histoire :
Fille du chauffeur d’une riche famille, la jeune et innocente Sabrina (Audrey
Hepburn) a toujours été amoureuse de l’un des fils de celle-ci, David (William
Holden), en vain. Après un séjour d’études de deux ans à Paris, elle revient
transformée en une femme sophistiquée…
Sabrina est un mythe, car ici on contemple la
quintessence de ce qui a fait d’Audrey Hepburn une star. Si Roman Holiday
a révélé son charme innocent, Sabrina dévoile l’éclosion du style qui a
accompagné l’actrice pendant toute sa carrière, tant dans le jeu que l’apparence. Ainsi, c’est ce film qui voit la première
collaboration entre Hepburn et la couturier Givenchy. Et c’est ce film qui met
en scène la première métamorphose à l’écran, loin d’être la dernière, d’une
héroïne hepburnienne.
Ainsi, Sabrina est
l’une des plus pures incarnations du légendaire personnage-type que l’on
retrouve dans la plupart des films d’Audrey. Voulez-vous une héroïne au charme
à croquer, dont l’irrésistible attrait de son regard innocent n’a d’égal
que le sourire timide mais mutin ? Vous l’avez. Voulez-vous une héroïne à
l’élégance raffinée, dont la sophistication de la coiffure et de la tenue ne
cède en rien face à la séduction discrète et simple de son visage ? Vous
l’avez. Tout Audrey Hepburn est résumée en quelques scènes, au travers des deux
facettes qui ici se succèdent, et qui définissent sa persona à l’écran.
Comprenez-vous le mythe ?
Funny Face
VF : Drôle
de Frimousse. Un film de Stanley Donen (1957), avec Fred Astaire et Kay
Thompson.
L’histoire : A la recherche d’un
nouveau mannequin, la rédactrice en chef (Kay Thompson) et le photographe (Fred
Astaire) d’un prestigieux magazine de mode jettent leur dévolu sur une jeune
libraire (Audrey Hepburn) plus passionnée par la philosophie française que les
podiums new-yorkais…
Première comédie musicale d’Audrey Hepburn, Funny Face reprend le
dualisme innocence / sophistication inauguré dans Sabrina en le tournant
à l’extrême. Non seulement Jo, la jeune libraire, s’habille comme le cinéma
américain l’attend d’un « rat de bibliothèque », mais surtout son âme
de rêveuse intellectuelle la rend peu prédisposée à défiler pour un grand
couturier. Le scénario improbable la propulse donc dans un monde qu’elle
n’attend pas, ce qui lui permet de développer des situations qui conviennent
parfaitement au style comique de l’actrice.
Comme d’autres après lui, ce film met Audrey sous la coupe d’un
« Pygmalion », l’homme par qui la métamorphose arrive. On retrouve ici
dans ce rôle un photographe de mode joué par un Fred Astaire vieillissant, sans
grande alchimie avec sa partenaire, ce qui reste comme le principal point noir
de cette comédie musicale enjouée et un brin loufoque. Un loufoque en grande
partie dû à la pétillante Kay Thompson, qui excelle dans le rôle de la patronne
du magazine, dans un style très particulier.
Finalement, la crédibilité de l’œuvre (si cela a un sens tant elle est
déjantée) repose entièrement sur notre Audrey, qui parvient avec justesse à
mettre en valeur les deux versants de la féminité promus par le film : l’intellectuelle rêveuse, innocente et
moderne d’un côté, la beauté élégante et sophistiquée de l’autre. Surtout,
malgré un scénario qui brusque les transitions, elle relie l’une et l’autre, sa
métamorphose de style ne s’accompagnant pas de celle de son âme : par son
jeu, elle évolue en restant fidèle à sa personnalité. Cela étant, la morale de
l’histoire a vieilli avec le film. Certes, il s’agit d’une comédie musicale,
mais quand bien même, Funny Face verse un peu trop dans les clichés
américains sur Paris et les intellectuels, ce qui donne parfois une ambiance
étrange et désuète.
My Fair Lady
Un film de George Cukor (1964), avec Rex Harrison.
L’histoire :
Dans le Londres du début du XXe siècle, un professeur de
linguistique vaniteux, Higgins (Rex Harrison), parie qu’il est capable de faire
passer une fille des rues, Eliza (Audrey Hepburn), pour une grande dame, en lui
donnant des cours de phonétique.
My Fair Lady est une comédie musicale basée sur la
pièce « Pygmalion », de George Bernard Shaw, dont le thème s’inspire
librement du mythe de Pygmalion, le sculpteur dont la création, sa statue
Galatée, vient à la vie après qu’il s’est épris d’elle. Ici, le thème de la
métamorphose est donc évidemment central : Higgins se voit en sculpteur
d’une création qui époustouflera les milieux mondains. Misogyne comme le héros
grec du mythe, il n’a rien du bon Samaritain et sa démarche est égoïste.
Plus que de la
transformation en elle-même, c’est de l’effet de celle-ci sur Eliza dont il est
question. Il est d’ailleurs dommage que le film évacue la période de la
progression méritoire de l’héroïne en une seule scène au cours de laquelle, par
déclic, elle se révèle douée à répondre aux exigences de Higgins, alors que
jusqu’alors elle échouait piteusement. Même s’il s’agit d’une comédie musicale,
dont les enjeux diffèrent de la construction de personnage, il est dommage de
ne pas avoir pu observer Audrey Hepburn faire évoluer son héroïne pas à pas,
sachant qu’elle est justement douée dans l’art de la nuance.
Une icône
sous toutes les (hautes-) coutures
La simple
mention d’Audrey Hepburn évoque une image d’Epinal de distinction féminine et
moderne, marquée par le sceau de la mode. Quoique ce dernier aspect ne soit pas
ce qui m’intéresse chez elle, au contraire même, il me faut appuyer sur un fait
indéniable : cette actrice brille par une présence physique unique, les
costumes et les robes ne faisant que la mettre en valeur. Pour moi, l’élégance à
la Hepburn se décompose en trois aspects remarquables : la classe
charismatique de son attitude physique, la beauté sophistiquée (du moins après
métamorphose de l’héroïne), et l’incarnation d’une sorte d’allégorie de la féminité
par le jeu de caractère, de geste et de langage (et en particulier ce que j’appellerai
un « comique de charme » très réussi).
Roman Holiday
Un film de William Wyler (1953), avec Gregory Peck.
L’histoire :
En voyage officiel à Rome, Ann, une princesse éprise de liberté, décide de
fuguer du palais où elle réside et de découvrir la ville incognito. Alors que
son entourage la recherche, elle fait la connaissance de Joe, qui lui cache
qu’il est un journaliste qui devait l’interviewer…
Roman Holiday (Vacances
romaines) est pour Audrey Hepburn le film de la révélation : premier grand
film, qui la couronne d’entrée par l’Oscar de la meilleure actrice, première
ébauche du personnage-type hepburnien aussi. En effet, tous les ingrédients du
succès y sont déjà réunis. En première ligne, l’innocence du personnage, la romance
iconique, un personnage de conte de fée ; mais aussi, au second rang, des
dimensions plus complexes : la modernité de l’héroïne, un dilemme cornélien
(devoir v. amour), une intrigue bâtie telle un roman d’apprentissage.
Il s’agit certainement du film par lequel commencer sa filmographie : bien réalisé et efficace (William Wyler à la réalisation…), il constitue une bonne introduction au style hepburnien, et surtout, permet au spectateur de garder pour la suite d’autres cordes – plus complexes et subtiles – que l’actrice ajoutera à son arc au cours des films postérieurs.Surtout, avec ce film, savourez le plaisir de voir sous vos yeux une rose éclore : le charme de la jeune Audrey Hepburn, encore à l’état de bourgeon, se découvre à mesure que la princesse s’émancipe. A vrai dire, il est difficile d'imaginer une autre à sa place tant le rôle semble être fait pour elle, elle qui en dégage tous les arômes : fraîche et drôle, élégante et coquette, voilà lady Audrey dans sa prime jeunesse et, déjà, dans un sommet de romantisme tout en légèreté.
Breakfast at Tiffany's
VF : Diamants sur canapé. Un film de Blake Edwards (1961), avec George
Peppard et Patricia Neal.
L’histoire :
Holly Golightly (Audrey Hepburn), une jeune femme d’apparence sophistiquée,
mène une vie fantasque ponctuée de folles soirées. Entretenue par les hommes
sous son charme, elle rêve d’épouser le premier millionnaire venu. Jusqu’à sa
rencontre avec un jeune écrivain en panne d’inspiration (George Peppard),
lui-même entretenu par une maîtresse plus âgée (Patricia Neal).
Quoiqu’après un
deuxième essai le film m’a semblé plus agréable, mes critiques à son égard
restent globalement inchangées. La principale : Audrey n’était pas
l’interprète idéale pour ce rôle, tel qu’il a été conçu par son auteur
originel, le romancier Truman Capote. Songez que ce dernier a créé ce
personnage de jeune mondaine se faisant entretenir par plusieurs amants en
ayant à l’esprit non pas la longiligne et innocente Audrey mais la voluptueuse
et sulfureuse Marilyn, non pas la brune introvertie mais la blonde extravertie…
Peut-on faire un plus grand contresens dans le choix d’une actrice ?
Le personnage
d’Audrey est pourtant devenu mythique, et avec elle le film, porté par son
romantisme chic plus que par son scénario acerbe (le mal-être des deux protagonistes,
le sens de leur vie, la futilité de l’argent), l’impact de celui-ci étant
fortement réduit par le casting de l’héroïne de cet article et le happy-ending
choisi par le réalisateur. Est-ce à dire qu’elle réalise une mauvaise
prestation ? Surtout pas ! Elle compose une femme complexe, difficile
à saisir, dont le charme chic que dénote chacune de ses tenues haute-couture
est tempéré par un caractère bien trempé, à l’attitude plus populaire que
bourgeoise. Mais ce contraste ne me convient pas. Il manque à Hepburn la
« sensualité dangereuse » d’une Monroe ou peut-être plus adéquatement
d’une Lana Turner. Cependant, si à l’inverse de moi vous ne ressentez pas cette
frustration, alors vous réussirez certainement à apprécier l’œuvre et sa protagoniste,
car techniquement l’actrice s’en sort comme souvent avec l’étincelle de charme
innocent qui la caractérise, et qui plus d’une fois a dû faire fondre la glace
de la vitrine de Tiffany’s.
Charade
Un film de Stanley
Donen (1963), avec Cary Grant.
L’histoire :
Américaine expatriée à Paris, Regina, alias Reggie (Audrey Hepburn), apprend
que son mari – de qui elle souhaitait divorcer – est mort assassiné, mais aussi
qu’elle ignorait tout de lui. Elle se voit bientôt traquée par les ex-complices
de son époux, qui la soupçonnent d’avoir en sa possession le butin d’un vol que
son mari aurait récupéré sans le partager avec ses compagnons. Elle est bientôt
aidée dans ses mésaventures par le séduisant Peter Joshua (Cary Grant), mais ce
dernier semble en savoir un peu trop sur l’affaire…
A la croisée des
genres cinématographiques, Charade marque en soi un jalon important dans
la carrière d’Audrey Hepburn. Intrigue à suspense (que beaucoup de critiques
aiment à qualifier de « hitchcockien »), dialogues comiques finement
ciselés rappelant la screwball comedy, le film bénéficie d’un rythme
frénétique qui le rend très plaisant. Côté écriture, la combinaison des genres
de film policier et de comédie loufoque implique un scénario pour le moins
décousu et peu évident à suivre, voire « absurde », mais en toute connaissance
de cause et en parfaite cohérence avec le (non-)sens du film. Et qui de mieux chez
les acteurs que d’enrôler le roi de la screwball comedy des années 30,
reconverti dans le cinéma hitchcockien, à savoir Cary Grant ?
Dans Charade, on retrouve notre Audrey Hepburn en dame bourgeoise chic, a priori peu portée sur l’aventure, qui se voit entrainée bien malgré elle dans le non-sens ininterrompu de péripéties causées par les actes de son défunt mari. Le film est évidemment l’occasion de montrer l’actrice dans toute une panoplie de tenues à la mode sophistiquée et moderne (pour les années 60) : on se trouve ici dans la lignée de l’ambition « haute couture » de Breakfast at Tiffany’s. Le rôle d’Audrey est cependant bien plus cohérent avec son style de jeu et de personnalité. Si l’impertinence et la joie de vivre laissent poindre le bout de leur nez, c’est toujours pour laisser l’actrice renforcer le contraste entre humour et élégance.
Quand on parle de Cary Grant, difficile de ne pas évoquer d’alchimie : notre film ne fait pas exception, et s’avère sur ce point l’un des plus intéressants d’Audrey Hepburn. Il faut dire aussi que le parti pris de ne pas baser le récit sur la romance bénéficie aux acteurs, qui n’ont pas à en faire trop. Leurs scènes de complicité sont en outre bien intégrées entre quelques péripéties à suspense. Le couple fonctionne d’autant mieux que c’est l’héroïne qui mène la danse dans leur relation, et ce « à la Hepburn », autrement dit avec la part d’élégance et d’« adorabilité » qui la caractérise.
Les tribulations d’une dame ordinaire
Réduire la
carrière d’Audrey Hepburn à ses aspects chic et glamour serait manquer de vue
l’une de ses singularités : l’art de la simplicité, pour ne pas dire de la
sobriété. Même ses rôles les plus ancrés dans la haute-société lui laissent la
possibilité de développer une facette « femme comme les autres », ce
qui permet d’ailleurs une plus grande identification des spectatrices. Surtout,
le charme au naturel de l’actrice est mis en valeur dans quelques rôles où une « dame
ordinaire » se retrouve emportée dans le tourbillon d’une histoire inattendue…
Love in the Afternoon
VF : Ariane. Un film de Billy Wilder (1957), avec Gary Cooper
et Maurice Chevalier.
L’histoire :
Ariane (Audrey Hepburn) est la fille de Claude Chavasse (Maurice Chevalier), un
modeste détective privé parisien, dont le dernier client cherche à prouver
l’infidélité de son épouse. À la suite de l’enquête de Chavasse, le mari trompé
se met en tête de tuer le séducteur suspecté, un playboy bien connu nommé Frank
Flannagan (Gary Cooper). Mais Ariane a vent de ses intentions et décide de
prévenir le bel homme en péril…
A bien des égards,
Love in the Afternoon est certainement l’un des films les plus divertissants
de cette liste. Comédie romantique, film à suspense, Billy Wilder joue sur
plusieurs tableaux pour un résultat très réjouissant. Certes, l’histoire d’amour
pâtit grandement de l’écart d’âge (encore !) entre Audrey Hepburn et Gary
Cooper, qui commence à accuser le poids des années, mais le talent pour la
romance déployé par les deux acteurs parvient à rendre un minimum crédible leur
histoire (contrairement à Fred Astaire dans Funny Face).
A l’opposé d’une
habitude tenace, le titre français (Ariane) est simpliste mais vise
juste : le film est finalement bien une étude du personnage de l’héroïne,
une jeune Française comme les autres, violoncelliste, vivant dans un
appartement parisien comme il en existe des milliers. Mais, dans ce conte
« à la Française » (enfin, selon Hollywood !), l’aventure ne
rode jamais loin, le métier de son père étant le déclencheur de son
« évasion », qui prendra la forme d’une romance inattendue.
The Nun's Story
VF : Au
risque de se perdre. Un film de Fred Zinnemann (1959), avec Peter Finch.
L’histoire :
Fin des années 1920. Issue d’une famille aisée de Bruges, la jeune Gabrielle
décide d’entrer dans un couvent de religieuses hospitalières. Devenue sœur Luc,
elle doit concilier sa soif d’aventures missionnaires (elle rêve d’aller en
Afrique) avec le dur apprentissage des règles strictes de sa congrégation, en
particulier l’impératif d’humilité et de sacrifice absolu des ambitions
personnelles. Quand elle partira enfin pour le Congo, ce sera pour se trouver
affectée comme infirmière assistante auprès d’un chirurgien athée…
Ce beau film appartient
au genre des « histoires de vie », dont le thème principal est plus
axé sur la description du sens de la vie du héros que sur le héros lui-même, ce
qui limite les possibilités des acteurs. Sûre de sa vocation (entrer dans les
ordres pour servir en Afrique dans un but humanitaire), sœur Luc se voit donc
constamment ballotée par des vagues contraires, qui permettent au film de
questionner ses convictions profondes. Ainsi, elle doit s’acclimater à la vie
frugale et rude des sœurs de sa congrégation alors qu’elle est issue de la
bourgeoisie, et surtout, elle doit faire vœu de renoncer à ses rêves alors
qu’elle est entrée au couvent justement pour les réaliser.
La partition
d’Audrey Hepburn dans les habits d’une religieuse est sans fausse note, mais ce
type de rôle valorise assez peu à mes yeux l’actrice, car l’habit religieux me
parait trop cacher la personnalité des héroïnes pour nourrir l’originalité du
jeu d’acteur. Il n’empêche, à l’instar d’une Deborah Kerr avant elle, Audrey
s’avère à son aise pour mettre en valeur la contradiction récurrente chez les
nonnes « made in Hollywood » : leur vocation est sans cesse mise
à l’épreuve par leurs désirs, qu’ils soient charnels chez Kerr ou d’ambition
chez Hepburn. Ici, les qualités de
sobriété et de charisme innocent de notre actrice sont les bienvenues, et elles
servent à merveille le propos du récit, qui se nourrit de questionner, de
surprendre encore et encore la protagoniste.
The Nun’s Story est d’ailleurs en grande partie
appréciable pour les nombreux débats d’opinion qu’il suggère : entrer dans
les ordres permet-il de réussir sa vie ? Peut-on concilier humilité
religieuse et ambition de servir son prochain ? Une nonne peut-elle concilier
ses vues avec un athée ? Et enfin, quelle est le meilleur choix à faire
pour continuer une vie qui a du sens quand son pays est menacé ? Ainsi,
les dilemmes posés à sœur Luc lui permettront de tracer sa voie, et questionnent
en retour le spectateur : qu’auriez-vous fait à sa place ?
The Children's Hour
VF : La rumeur. Un film de William Wyler (1961), avec Shirley
MacLaine et James Garner.
L’histoire :
Deux amies, Martha (Shirley MacLaine) et Karen (Audrey Hepburn) ouvrent une
école privée pour filles de bonne réputation. Mais leur quotidien sans
histoires va être bouleversé par les mensonges de l’une des écolières, qui les
accuse d’entretenir une relation lesbienne…
Je reste toujours
frappé par la force des films traitant des ravages cruels et injustes causés
par la rumeur, et celui-ci ne fait pas exception. Contrairement à sa première
version de 1936 (These Three), cette adaptation de la pièce éponyme de
Lillian Hellman conserve le thème de l’homosexualité. Tout l’enjeu du film est
dans la réaction des différents personnages à l’irruption de la rumeur, qui empoisonne
peu à peu tous les esprits et permet au réalisateur de créer un climat de plus
en plus pesant puis oppressant, pour les deux héroïnes comme pour le public.
Comme vous pouvez
le deviner, le film est porté par l’alchimie viscérale des deux actrices
principales, inspirées par la relation forte et bouleversante entre les deux
protagonistes. Shirley MacLaine est la première à briller : bénéficiant
d’un personnage au caractère plus démonstratif, elle déploie pendant les deux
tiers du film des émotions d’une puissance rare, et réalise une remarquable
composition des sentiments contrariés et ambigus de Martha.
Audrey Hepburn
règne pour sa part sur la fin du film, qui lui permet de développer à merveille
la posture droite, calme et déterminée de son personnage, jusqu'à la magnifique
scène finale. Sa sobriété introvertie est mise à excellente contribution,
d’autant qu’elle se pare au fil des scènes de dignité, de courage et de
fermeté. Les rôles pleins d’innocence toute mignonne du début de sa carrière semblent
bien loin avec cette prestation, qui exige subtilité et maturité de notre
actrice…