Le Général Yen passe en revue les meilleures actrices de 1937, une année marquée par la rivalité prononcée entre ses illustres favorites et celles de l'honorable Docteur...
La favorite du Général
BARBARA STANWYCK pour Stella Dallas
Evidemment, je ne pouvais laisser passer l'occasion de sacrer Barbara Stanwyck, qui signe ici probablement sa performance la plus difficile et la plus brillante. Si ce film, un pur mélodrame, est loin du chef d'oeuvre, il a le mérite d'être entièrement entre les mains de son actrice principale, qui a tout loisir pour étinceler à l'écran en distinguant le spectateur d'une palette d'émotions marquée de son sceau. Et de la matière, elle en a à foison, car son héroïne, Stella, possède une vie plutôt mouvementée : la jeune "louve" aguicheuse du début accède à un rang social supérieur par son mariage, puis laisse la place à une femme mûre aux goûts vulgaires fréquemment humiliée par le mépris de ses pairs. Fidèle à son habituel jeu nuancé, Barbara n’accentue pas les traits de l'héroïne et évite ainsi la caricature, donnant surtout à Stella un aspect profondément humain, qui rend au personnage sa dignité durement éprouvée. Cet aspect est particulièrement visible dans la relation de Stella avec sa fille Laurel (interprétée par l'excellente Anne Shirley), source d'une alchimie touchante entre les deux actrices, évidemment l'un des points forts du film. Et le meilleur de l'actrice est bien sûr pour la fin, puisque toute la beauté du jeu d'émotions de Barbara est résumée par ce regard déchirant lors de la sublime scène finale.
Le tableau d'honneur
Elles l'ont courtisé, il ne les a pas élues. Mais le Général est magnanime, voyez plutôt :
- JEAN ARTHUR pour Easy Living : Dans le meilleur rôle de sa carrière, Jean Arthur domine entièrement cette
screwball comedy au rythme débridé, qui est sans aucun doute son sommet comique. Sa prestation regorge de moments cultes, avec en point d'orgue la scène du téléphone au réveil. Elle incarne à merveille son personnage-type habituel de "working girl" au grand cœur, comme souvent, mais avec ici le soutien d'un scénario qui lui permet de mettre pleinement en valeur ses capacités de comédienne.
- CONSTANCE BENNETT pour Topper : Constance joue ici sa partition la plus célèbre, et l'une des plus réussies. En campant une femme libre, séductrice et volontaire, elle capte l’humour et par là-même toute l’âme du film (à nouveau une
screwball). L'inénarrable jolie mondaine provoque de nombreuses petites perles comiques, comme la jalousie du personnage (fantôme !) de Cary Grant ou encore l’embarras du pataud et timide Topper. Qui plus est, elle joue de son charme à grand renfort de poses suggestives et de mines calculées, non sans rappeler le style
Pré-Code.
- KAY FRANCIS pour Confession : Kay Francis s'essaye au genre (mélo)dramatique, et le succès est total. D'une grande force émotionnelle, le jeu de l'actrice monte crescendo jusqu'à finir en apothéose, le dénouement étant envahi de sublimes regards d'une puissance tragique peu égalable. Elle fait alors ressentir une immense empathie pour son personnage, une chanteuse accusée de meurtre. Kay prouve ici qu'elle a le talent pour porter par elle-même un film au sujet sérieux, et son jeu n'est pas sans rappeler... Barbara Stanwyck dans Stella Dallas.
- GINGER ROGERS pour Stage Door : Si j'aime ici aussi beaucoup Katharine Hepburn, autrice d'une sublime scène dans le final, force est de reconnaître que Ginger domine les trois-quarts de cet excellent film qui met en scène de jeunes femmes voulant percer dans le monde du spectacle, leurs jalousies et entraides au sein d'une pension d'artistes. Si son talent comique pince-sans-rire fait beaucoup pour son charme, elle s'avère également touchante dans les moments dramatiques, et l'on s'attache à son personnage, qui doit se battre pour démarrer sa carrière et possède une repartie délicieuse, que ce soit face aux hommes qui la convoitent ou, encore mieux, face au personnage de Kate Hepburn, bien mieux "née" qu'elle. Leur alchimie est la clé de la réussite du film.